Difficile à imaginer mais le secteur aérien est bel et bien à l’aube de sa croissance, les prévisions s’accordent en effet pour tabler sur une hausse continue du trafic sur les vingt prochaines années, et ce toujours au rythme effréné actuel de 5% par an. En 20 ans, on s’attend donc à ce que la flotte d’avions commerciaux double, pour passer de 20 000 à 40 000 avions de ligne. Loin de célébrer ce succès annoncé, les avionneurs et les compagnies aériennes ont conscience de l’immense défi énergétique qu’ils devront relever s’ils ne veulent pas que le secteur soit financièrement plombé par de lourdes amendes et mécanismes de compensation sanctionnant un poids écologique qui pourrait devenir très lourd.
Un objectif ambitieux : réduire de moitié les émissions
La consommation actuelle du trafic aérien s’élève à 300 millions de tonnes de kérosène par an, libérant ainsi 700 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit 3% des émissions totales sur Terre. Des objectifs chiffrés ambitieux de réduction ont été annoncés par l’Association internationale du transport aérien : d’ici 2020, les émissions de CO2 du secteur devront être stabilisées, puis réduites de moitié à horizon 2050. Ces objectifs sont d’autant plus ambitieux dans le contexte de croissance exponentielle du secteur. En effet, le trafic à gérer passera 3,3 milliards de voyageurs en 2014, à 16 milliards en 2050.
Pour l’ensemble du secteur aéronautique, le défi est donc de réduire cette empreinte écologique, tout en suivant la hausse constante du trafic. Cette recherche de l’efficacité écologique est en droite ligne avec la recherche de l’efficacité économique, menant toute deux à un objectif commun : la réduction de la consommation de kérosène.
A la recherche de l’ultra-performance
Les avionneurs misent donc logiquement sur l’amélioration de la performance énergétique pour satisfaire les attentes de leurs clients.
La première réponse passe par la conception d’avions plus performants, utilisant des matériaux composites, un meilleur aérodynamisme et des moteurs de dernière génération. En cinquante ans les avionneurs ont ainsi réduits de 75% la consommation moyenne des avions, pour atteindre aujourd’hui entre 3 et 4 litres au 100 kilomètres par passager. C’est moins que la plupart des voitures en circulation !
Les anciennes générations d’avion sont actuellement réactualisées pour rattraper les standards actuels (A320 Neo, 737 Max, bientôt un A380Neo…). Les derniers nés, A350 et 787 Dreamliner, rivalisent eux d’imagination pour obtenir des performances record : matériaux composites, formes des ailes modifiables selon les conditions de vol, alimentation électrique privilégiée pour les systèmes à bord… On estime ainsi que 80% du budget Recherche et Développement d’Airbus et de Boeing est consacré à la réduction d’émission en gaz polluants, et à la réduction du bruit généré par leurs avions.
Des travaux sont aussi en cours sur la partie purement opérationnelle des vols, pour essayer de chiffrer les gains qui pourraient être atteints en combinant toutes les bonnes pratiques déjà mises au point, mais non généralisées. Le « vol parfait » sur lequel Airbus travaille allierait ainsi un avion de dernière génération, un moteur électrique intégré au train d’atterrissage pour faire rouler l’avion au sol (au lieu de continuer à brûler du kérosène) et une gestion du trafic plus fluide, pour éviter les temps d’attente au sol ou en l’air… De tels efforts pourraient presque suffire à atteindre les objectifs fixés : c’est en effet près de 40% des émissions qui pourraient disparaître si tous les vols étaient effectués dans ces conditions.
À quoi ressemblera l’avion de demain ?
Outre la performance des flottes actuelles, les recherches se doivent aussi de préparer l’ère de l’après-pétrole. Aujourd’hui déjà, 22 compagnies utilisent une part de biocarburant sur certains de leurs vols, comme c’est le cas pour Air France sur la liaison Paris-Toulouse. D’ici 2020, c’est 3 à 4% de biofuel qui devront être utilisés sur l’ensemble des vols européens. Ce carburant ayant prouvé son efficacité technique, il pourrait représenter 40% de la consommation des avions en 2050. En revanche, la problématique de la production massive reste entière dans la mesure où ce carburant ne pourra pas être exploité à grande échelle avant une trentaine d’années.
À plus long-terme, l’avenir de l’aviation passera peut-être également par l’avion électrique. L’E-Fan d’Airbus, et le Solar Impulse de Bertrand Piccard, ont récemment beaucoup fait parler d’eux. Ils font office de pionniers, et ne seront pas utilisés dans l’aviation commerciale. En effet, l’apparition d’avions propulsés électriquement d’une capacité supérieure à 100 passagers n’est pas attendue avant 2050. Les avionneurs planchent déjà dessus, comme le prouve le projet eThrust d’Airbus.
Malgré des contraintes de marché très fortes, le monde de l’aérien fournit donc actuellement d’importants efforts pour respecter les objectifs chiffrés qu’il s’est fixé. L’ensemble des acteurs a eu conscience très tôt que tout effort entrepris dans ce domaine sera récompensé directement : gains substantiels sur les dépenses en kérosène pour les compagnies aériennes, sécurisation des carnets de commandes chez les avionneurs. Ainsi, bien que l’impact de l’aérien soit régulièrement évoqué dans la lutte contre le réchauffement climatique, il est bon de rappeler que c’est, à date, le seul secteur à s’être fixé des objectifs chiffrés de réduction de ses émissions, et qui vole droit vers eux.