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Le transport à Masdar : innover pour moins polluer

Voulue par la famille régnante d’Abu Dhabi, et dessinée par le cabinet britannique de design et d’architecture Foster and Partners, Masdar est une ville nouvelle située à une vingtaine de kilomètres de la capitale de l’émirat. À l’origine du projet, on trouve Sultan Ahmed Al Jaber, ministre d’État des Émirats Arabes Unis, qui est désormais chairman de la ville. Conçue comme un modèle de ville écologique, Masdar – qui signifie « source » en arabe – a pour ambition d’être la première ville au monde « zéro carbone et zéro déchets ».

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Annoncée en 2006, et initialement prévue pour être opérationnelle en 2015, la ville devrait finalement être achevée pour 2020. Une partie des travaux démarrés en 2008 est néanmoins finalisée, et Masdar a même déjà quelques habitants. Cependant, on est encore loin des 50 000 personnes et des 1 500 entreprises que la ville doit accueillir sur ses 6 km². À l’heure actuelle, seuls les membres du Masdar Institute, l’université locale, y résident, soit à peine plus de 500 personnes.

Les transports au cœur d’un projet ambitieux…

Construite en plein désert, Masdar fait face à de nombreux défis dans sa volonté d’être une ville verte. Le premier enjeu est évidemment de minimiser l’impact de l’environnement sur ses habitants. La température ambiante étant de 50°C, il est nécessaire de planifier l’aménagement urbain en conséquence. Ainsi, les immeubles ont été conçus de façon à créer le plus d’ombre possible les uns sur les autres, à la manière de ce qui se fait en Andalousie. De même, des tours à vent ont été installées pour créer des courants d’air frais dans les allées. Ainsi, l’atmosphère de Masdar est beaucoup plus fraîche que celle d’Abu Dhabi.

L’autre aspect de cette maîtrise de l’environnement concerne la production d’électricité. Masdar a pour objectif de montrer que l’émirat peut pour cela se passer des énergies fossiles. Le principal projet est une centrale solaire à concentration, située à 150 kilomètres de la ville. Cette technologie a beaucoup progressé ces dernières années, et elle possède des atouts intéressants pour Masdar. Tout d’abord, elle permet d’utiliser la chaleur créée pour d’autres choses que la production d’électricité, dont le dessalement de l’eau. Ce point est particulièrement important à Abu Dhabi, puisque toute l’eau doit y être dessalée. Un autre avantage est le stockage sous forme de chaleur, qui permet d’avoir de l’énergie bon marché la nuit (contrairement aux batteries, qui coûtent cher).

La ville n’est pas en reste au niveau des transports. Grâce à sa position stratégique pour les infrastructures de transport de l’émirat, Masdar est déjà reliée aux communautés voisines et à l’aéroport international. Mais c’est à l’intérieur de la ville elle-même que l’innovation prend toute sa place. Masdar a en effet totalement banni les voitures et autres véhicules fonctionnant à l’énergie fossile, en les reléguant dans un gigantesque parking situé à l’entrée de la ville. À l’intérieur, les déplacements doivent se faire uniquement à pied ou en véhicules non polluants. Pour encourager cela, les architectes ont conçu le réseau de transport de telle sorte que les piétons ne soient jamais à plus de 200 mètres des pôles de transport et de services. Les allées protégées de la chaleur doivent également favoriser la marche à pied, de même que les bâtiments, dans lesquels les escaliers sont plus mis en avant que les ascenseurs.

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Toutefois, la figure de proue du transport à Masdar, c’est le Personal Rapid Transit, ou PRT. Ces petits véhicules sans conducteurs dont on vous parlait déjà ici ou peuvent transporter jusqu’à 6 personnes chacun (4 adultes et 2 enfants). Alimentés par des batteries lithium-phosphate, ils se déplacent sur des pneus en caoutchouc grâce à des aimants enfouis dans le sol, et circulent donc sur des voies aménagées sous la surface. Le PRT permet un déplacement à la demande sans arrêt intermédiaire, à une vitesse maximale de 40 km/h, ce qui en fait une solution intéressante pour le transport urbain. Ces véhicules peuvent en effet être appelés sur simple pression d’un bouton. Ils choisissent ensuite automatiquement le trajet le plus court, et anticipent les obstacles grâce à des capteurs de proximité. Outre le transport de passagers, le PRT doit également être utilisé pour le fret et l’évacuation des déchets.

…Rattrapé par les réalités économiques

img6Cependant, et malgré les 18 milliards de dollars investis par l’état d’Abu Dhabi, la construction de Masdar a subi le contrecoup de la crise financière de 2008. Le transport est un domaine particulièrement touché par la réduction du budget qui en a résulté (4 milliards de dollars de moins que prévu initialement). Le PRT nécessite en effet de surélever le niveau de la ville, de six mètres environ, ce qui représente un coût considérable. Il a donc été décidé de limiter cela au centre-ville, soit une surface d’1 km². Aujourd’hui, le réseau de PRT se cantonne d’ailleurs encore à une navette qui va de l’entrée de la ville au centre-ville.

Les architectes de Masdar ont donc dû revoir leurs ambitions à la baisse, et se rabattre sur d’autres modes de transport moins innovants. Le système de PRT sera complété par des bus électriques ou des voiturettes solaires, et un tramway devrait également être construit. Les autres aspects de la ville ont aussi été touchés. Le dessalement de l’eau des puits (trois fois plus salée que l’eau de la mer), trop coûteux en énergie, a par exemple été abandonné. À la place, l’usage de l’eau sera sévèrement contrôlé.

Ces limitations, qui peuvent sembler décevantes, ont toutefois l’avantage d’ancrer le projet dans la réalité économique. Ainsi, Masdar peut servir de laboratoire d’innovations à l’échelle mondiale. De nombreuses villes dont Abu Dhabi elle-même commencent déjà à s’inspirer de ces réalisations pour réduire leur empreinte carbone. Sur le plan des transports, si le PRT se révèle difficile à mettre en œuvre, il a le mérite d’avoir ouvert la voie à de nouveaux types de transports urbains.

Armand Ghedira

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