Gérer le trafic aérien d’aéroports peu fréquentés pourra bientôt se faire à distance. Voici ce que propose la Saab Digital Air Traffic Solutions (SDATS).
L’ère des traditionnelles tours de contrôle sur les petits aéroports est peut-être révolue. Vous ne verrez plus ces tours aux grandes baies vitrées, ni de contrôleurs aériens
La SDATS est une solution permettant la création de salles de contrôle digitalisées situées à une distance pouvant atteindre des centaines de kilomètres des aéroports. Cette technologie promet d’être intéressante dans les aéroports où les atterrissages et décollages sont ponctuels. Ainsi, les tours de contrôle ne seront plus localisées sur site.
Le fonctionnement de ces nouvelles tours de contrôle numérique repose entièrement sur la technologie. À travers des caméras rotatives en haute-définition placées stratégiquement sur la plateforme aéroportuaire, les contrôleurs aériens obtiennent une vue panoramique retransmise sur des écrans également HD. Les images filmées en direct par ces caméras sont instantanément envoyées aux écrans de contrôle à l’aide de connexions sécurisées ultra-rapides. Le contrôleur obtient ainsi une vue détaillée en temps réel de toute la zone aéroportuaire.
De plus, aux caméras s’ajoute l’installation de capteurs sonores et météorologiques, apportant d’importantes informations aux contrôleurs. Ces capteurs transmettent des données en temps réel sur les conditions météorologiques de la plateforme. L’emploi de ces différents objets connectés renvoie des informations fiables de toutes les conditions environnementales.
Une technologie de pointe au service des contrôleurs
La mise en place de cette technologie, en plus de permettre une délocalisation de la salle de contrôle, garantit des avantages conséquents aux opérateurs :
- Une précision visuelle nettement supérieure à l’acuité humaine. L’ensemble des caméras hautes définition fournissent aux contrôleurs un visuel amélioré de l’activité aéroportuaire mais leurs permettent aussi de zoomer jusqu’à trente fois une image. L’opérateur obtient donc la capacité d’inspecter en direct et avec précision les détails des infrastructures ou des pistes de l’aéroport, lui permettant de s’assurer le bon fonctionnement des infrastructures. Ces mêmes caméras sont dotées d’un suivi d’objet en mouvement. Le zoom et ce suivi combinés assurent au contrôleur une parfaite visualisation d’un avion en mouvement.
- Des caméras à vision infra-rouge apportent un atout incontestable lors de mauvaises conditions de visibilité (fortes pluies, brouillard, couche nuageuse) ou durant la nuit.
- Cet ensemble d’écrans de visualisation concentre la vision de l’aéroport à 225° et non plus à 360°. L’angle de vision du contrôleur est optimisé pour lui montrer l’essentiel des informations sur une vision panoramique avec un minimum de déplacement.
- L’ensemble des capteurs installés sur la plateforme, couplés aux écrans de visualisation et à une réalité augmentée, donnent la possibilité aux contrôleurs de superposer plusieurs types de données. On y trouve notamment des données radar, des données météo, des suivis d’avions, ou encore des données de vol. La combinaison visuelle de toutes ces données entrantes sur les écrans, concernant un vol en particulier ou un ensemble d’avions, favorise la prise de décision basées sur une haute fiabilité de données variables.
La réalité augmentée permet également de matérialiser l’aéroport sur les écrans. Les zones visuellement inaccessibles aux contrôleurs sont donc recréées sur les écrans, permettant également de supprimer les angles morts.
Une économie financière non négligeable
L’implémentation et le développement de cette technologie dans les aéroports apportent un confort aux contrôleurs, augmentent leur performance et leur prise de décision. Cependant, les avantages apportés par cette solution ne sont pas uniquement d’ordre opérationnel. Les coûts associés seraient moins élevés pour des salles de contrôle numériques que pour des salles ordinaires. De plus, la nouvelle tour étant entièrement numérique, des opérations concernant différents aéroports peuvent être coordonnées depuis la même salle de contrôle, les données et images transmises par les caméras d’autres aéroports étant compatibles. Ainsi, la Norvège devrait pouvoir faire une économie de l’ordre de 30 à 40 % sur le contrôle aérien, entre les coûts de construction, de matériel, de maintenance et de personnel.
Une solution nécessitant un niveau de sécurité élevé mais déjà testée dans plusieurs aéroports
La communication des données est un aspect primordial dans ce contexte. Cette technologie se doit d’être infaillible. C’est pour assurer une sécurité optimale que plusieurs caméras couvrant le même secteur sont installées dans les aéroports. Cette redondance de matériels assure la continuité opérationnelle de la tour de contrôle à distance en cas de problèmes majeurs rencontrés sur site (incendie des infrastructures, matériel défectueux, terrorisme, …).
Une installation anticipée de la technologie SDATS sur un aéroport fréquenté permettrait à une salle numérique de venir en renfort à la tour de contrôle présente sur site en cas de dysfonctionnement.
Le 19 octobre 2019, un essai de vol commercial à destination de l’aéroport de Rost en Norvège, s’est déroulé à travers le projet Innova, mettant en collaboration les entreprises Avinor, Kongsberg Defence – Aéronautique et Indra Navia et le service de la navigation aérienne norvégienne. Le vol fut entièrement guidé par une tour de contrôle située en dehors de l’aéroport. De par la pertinence opérationnelle et économique de cette technique et des résultats favorables obtenus, la Norvège devrait avoir étendu ce dispositif à quinze autres sites en 2020.
Cette technologie a également inspiré le nouveau Scandinavian Mountains Airport, situé dans le nord de la Suède, devenu l’un des premiers aéroports dont la tour de contrôle digitalisée se situe à 300 kilomètres des pistes.
Par ailleurs, cette technologie initialement orientée vers les régions peu fréquentées tend à se répandre et à séduire des aéroports plus conséquents. C’est ainsi que l’aéroport de London-City, qui accueille plus de 4 millions de passagers par an, a décidé de s’équiper en SDATS.
SESAR 2020 (Single European Sky ATM Research, pour Single European Sky Air Traffic Management Research) est un projet européen visant, entre autres, à mener plusieurs tests concernant un contrôle aérien à distance. Les expérimentations menées dans le cadre du développement de cette technologie ont montré la possibilité pour un unique contrôleur, situé dans une salle de contrôle numérique, de gérer le trafic aérien de plusieurs aéroports simultanément. Ces tests ont permis d’évaluer la prise de connaissances de situations variées, la charge de travail perçue, les limites opérationnelles, la faisabilité et les outils. Les enjeux sont d’étudier les réactions et la performance des contrôleurs selon des scénarii de plus en plus complexes.
La gestion du trafic aérien est en cours d’évolution. Les technologies permettent d’assister les aiguilleurs du ciel dans leur travail quotidien, en enrichissant les informations qui leur sont disponibles et en favorisant leur prise de décision. Ces technologies en cours de développement pourront demain être déployées sur des plateformes avec peu de trafic. Ainsi, un contrôleur pourrait superviser plusieurs aéroports. Sachant qu’une seule personne peut être amenée à gérer des vols en simultanés dans différents aéroports, les voyageurs sont en droit de se poser des questions sur les capacités des contrôleurs à gérer autant d’informations entrantes. De même, avec un tel niveau de dépendance technologique, des questions sur la sécurité informatique sont soulevées, notamment vis-à-vis des hackers et des cyberattaques.
Bibliographie :
https://www.air-cosmos.com/article/tout-sur-la-tour-de-contrle-du-futur-5187/