Un an après la mise en œuvre de la loi Thévenoud, les taxis et VTC n’ont jamais cessé d’exprimer leur mécontentement vis-à-vis de l’Etat, jugé tour à tour pas assez protecteur ou trop interventionniste. Les motifs d’insatisfaction évoluent et la tension continue de monter entre les différents acteurs du marché, récemment exacerbée par une décision gouvernementale qui fait grincer des dents !
Uberpop au tapis, le combat continue pour les taxis
Nous nous souvenons tous des manifestations des taxis depuis fin 2014 pour lutter contre une concurrence jugée déloyale via le service UberPop et plus globalement contre une entrée facilitée des chauffeurs VTC sur le marché du transport routier de personnes.
Aujourd’hui, les fédérations de taxis insistent sur le nécessaire respect de la loi par les VTC, à l’instar de la Fédération du Rhône des Taxis Indépendants qui rappelle qu’ « ils n’ont pas le droit à la géolocalisation du client (NDLR : en réalité le client ne peut avoir simultanément l’information sur la localisation des véhicules et leur disponibilité), d’attendre le client dans des stations qu’ils créent eux-mêmes », ou encore de réaliser des « maraudes sur la voie publique ».
Tous unis contre le gouvernement ?
Paradoxalement, les deux professions convergent désormais pour défendre des intérêts communs : ils envisagent en effet de manifester côte à côte si le gouvernement ne renonce pas à faciliter l’accès au métier de VTC. Un décret datant du 30/12/14 (entré en vigueur ce 1er janvier) permettrait en effet de devenir chauffeur VTC par la simple validation d’un examen, sans formation supplémentaire, alors qu’il est aujourd’hui nécessaire d’être titulaire de la carte professionnelle VTC ou la capacité de transport et de respecter les conditions d’installation et d’exploitation.
Les chauffeurs VTC luttent donc, d’après P. Risbourg (CSNERT- fédération nationale des VTC), contre le « sacrifice des VTC sur l’autel de la libéralisation à outrance [visant à] permettre à des milliers de gens […] de se créer eux-mêmes leur job ». Inquiets, les chauffeurs VTC craignent la précarisation de leurs emplois via : « une marée extraordinaire de chauffeurs VTC non qualifiés », « une main d’œuvre illimitée […] prête à travailler à perte ». L’entrée de ces nouveaux acteurs sur ce marché, même si elle représente une bonne nouvelle pour la courbe du chômage, pourrait en effet entraîner une diminution des prix et un dumping social.
Par ailleurs, une formation réduite permettra-t-elle d’assurer la sécurité des clients et la qualité du service délivré ? VTC comme taxis craignent, pour leur part, qu’outre la perte de revenus (la demande du marché n’étant pas infiniment extensible), l’introduction d’une offre « low cost » dégrade à la fois la sécurité et l’expérience client.
« Uberisation » : une économie du partage qui cherche ses règles ?
Les chauffeurs VTC ont aussi ouvert une seconde ligne de front, qui les oppose aux plateformes de réservation. Depuis les fortes baisses de prix décidées unilatéralement par ces plateformes mi-octobre, de l’ordre de 20 à 25% environ, ils se sont structurés en associations et syndicats et ont manifesté pour réclamer un meilleur encadrement de leur activité. En ligne de mire ? La tarification forfaitaire et sans revenu minimum garanti qui prévaut, alors que les taxis optent traditionnellement pour un prix basé sur la durée et la distance.
Ce combat rejoint la question, plus globale, du rôle de ces plateformes qui refusent d’être traitées comme les employeurs des chauffeurs (partenaires) puisque aucun contrat de travail ne lie les deux parties. Poser les bases d’un statut spécifique à cette relation de travail sera nécessaire pour intégrer pleinement ces nouveaux modèles économiques, et éviter les affrontements sur d’autres sujets sociaux (comme actuellement en Californie, concernant les cotisations retraites et complémentaire santé).
Une année 2016 qui s’annonce animée
Malgré un risque de précarisation, les inscriptions de chauffeurs de VTC sont en hausse continue depuis « l’explosion » enregistrée fin 2014. Cette tendance a donc réussi, en 1 an, à balayer d’un coup d’essuie-glace la limitation du nombre de licences taxis qui prévalait en France avant fin 2014, gage de prix des courses élevés.
Dans ce marché en mouvement permanent, quel sera le rôle de l’Etat dans la durée ? Comment placer des « garde-fous » dans une économie qui est née avec l’esprit de ne pas en supporter ? Sans réponses claires du ministère de l’Economie, 2016 s’apprête à être bouillante sur le front social.
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