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[Rencontres de l’observatoire du MAAS 2022] Bâtir ensemble une vision commune

Nous nous sommes rendus le 8 novembre aux rencontres de l’observatoire du MaaS : une initiative du Cerema, développée en partenariat avec le ministère de la transition Ecologique, le GART, Régions de France, l’UTP, la FNTV, l’Alliance des Mobilités, AGIR Transport, l’ADCET, Syntec Ingénierie, la Fabrique des Mobilités et ATEC-ITS France. Son objectif principal est le partage de connaissances sur le MaaS et les différentes thématiques qu’il comprend. 

Cette première édition marque la volonté des AOM, Autorités Organisatrices de la Mobilité, de prendre le rôle de médiateur dans le schéma complexe qu’est la mobilité servicielle.  

Nous vous proposons dans cet article de revenir sur les thèmes abordés lors des rencontres de l’observatoire du Maas : quel modèle économique pour le Maas ? Quels sont ses effets ? Maas & tourisme, une digitalisation à deux vitesses ? Les intervenants et groupes de travail ont tenté de répondre à ces problématiques tout au long de la journée. 

Le MaaS, c’est pour bientôt ? 

Encore peu connu du grand public, la dynamique de Mobilité servicielle est pourtant déjà bien présente autour de nous. Ses principaux acteurs (AOM, Entreprises privées, Gafa …) ont confirmé leur implication ces dernières années et continuent d’innover tout en augmentant leur attractivité auprès des utilisateurs.

Le MaaS existe déjà selon l’image qu’on choisit d’en faire, or il n’existe pas aujourd’hui de définition consacrée au concept de MaaS et celui-ci peut recouvrir différentes réalités : un outil d’accompagnement des politiques publiques et de pilotage des données de mobilité pour les collectivités, un outil d’accompagnement des usagers dans la découverte, le choix et l’utilisation de différents services de mobilité ou encore un moyen de protéger ou de développer son activité pour les opérateurs de services de mobilité. 

Pour cadrer notre réflexion, nous considérons le MaaS comme une innovation servicielle et organisationnelle qui repose sur plusieurs piliers : l’information voyageurs, la réservation et la vente de tous les modes de transport, l’analyse et le pilotage de la mobilité, ainsi que le traitement, la collecte, la cohérence et la fiabilité de la donnée. Il offre ainsi aux usagers la possibilité d’utiliser tous les services de transport via une seule application et d’organiser leur voyage de bout en bout

Mais pourquoi n’existe-t-il toujours pas de solution regroupant toutes ces fonctionnalités ? 

Freins au développement du Maas 

Un certain nombre de freins ont été évoqués lors des rencontres de l’observatoire : 

  • La pluralité des technologies : facilité/complexité d’intégration différente entre l’IOS d’Apple et d’Android, Exemple : la transition de la RATP vers des supports de billettique dématérialisée grâce aux smartphones a été challengée par les différents systèmes d’exploitation équipant les téléphones des millions d’usagers, chacun ayant ses propres caractéristiques et contraintes. 
  • La maturité des consommateurs : Bien que le besoin d’une solution de voyage de bout en bout soit exprimé par les consommateurs, il faudra compter un temps d’adaptation aux solutions proposées. Il faudra aussi contourner l’effet « package » et être le plus transparent sur les prix de chaque étape du voyage pour gagner la confiance de l’utilisateur. 
  • Toutes les initiatives de mobilité connectée ne sont pas déployées de la même manière : En effet, les acteurs du Maas peuvent choisir des axes de développement différents : Grenoble met l’accent sur le covoiturage et le stationnement, Bruxelles choisit de développer son réseau de transports en commun afin d’être une ville multimodale avant de proposer un service multimodal. Les différentes priorités données par chaque territoire dans le développement de son offre de mobilité soulèvent par ailleurs des enjeux d’interopérabilité entre les différents réseaux. 
  • Les habitudes de consommations : Il n’existe pas une stratégie MaaS unique ; chaque territoire doit tenir compte des habitudes et besoins des usagers (population, mouvements saisonniers, infrastructures déjà existantes,…) 
  • Géographie et organisation du territoire : Tous les réseaux de transport ne se sont pas développés au même rythme, on ne peut pas attendre le même niveau de connectivité ou de service sur tout un territoire. Il faut s’attendre à un accès limité aux données de circulation de certains moyens de transport et des incertitudes sur le calcul du voyage de bout en bout. Dans des cas plus isolés, l’accès aux offres de transports complémentaires (covoiturage, location de voiture …) sera nécessaire pour arriver à bon port. 
Station de métro à l'heure de pointe
Anna Dziubinska ©

A qui va profiter le MaaS ? 

La notion de MaaS sous-entend la cohabitation d’une multitude d’acteurs aux intérêts différents. Le dialogue entre le secteur public et le secteur privé est le sujet principal mais il faut aussi prendre en compte les différences entre les acteurs privés qui n’ont pas tous la même activité et qui souhaitent un retour sur investissement.  

Il faut donc prendre en compte les attentes des différentes parties-prenantes

  • Des collectivités sur la contribution d’un projet MaaS aux enjeux de politiques publiques (report modal, congestion …),
  • Des usagers vis-à-vis de l’application MaaS et des services qui leur sont proposés, 
  • Des opérateurs de transport et de services de mobilité par rapport aux retombées espérées (image, visibilité, fréquentation …), 
  • Des entreprises participant indirectement à la mise en place de solutions (ticketing, réseau, Data …) 

Les collectivités ont déjà identifié l’intérêt d’une solution de mobilité servicielle. Le concept est souvent associé aux notions de report modal, de décongestion, de baisse des émissions de polluants, il est aussi synonyme de meilleure accessibilité aux services publics, aux bassins d’emploi, et aux commerces locaux. Le MaaS est donc une solution pleine d’avantages mais dont les effets restent difficiles à démontrer pour le moment. Pour ce faire, l’état a besoin de la confiance des acteurs privées, mais la prise de risque est trop grande pour que des entreprises se lancent seules dans un chantier de cette envergure : il est difficile de modéliser les risques financiers et les risques des relations privé/publique sans cadre prédéfini.  

Néanmoins, un premier point réunit privé et public : le report modal. Le report ou transfert modal désigne la modification des parts de marché des différents modes de transport entre elles. Il est plus couramment utilisé dans le sens de la promotion des alternatives à l’automobile, principalement dans et aux alentours des agglomérations. Si l’autosolisme diminue, c’est la part de marché des autres modes de transport qui augmente, d’où l’intérêt commun du public et des entreprises développant des solutions de mobilité. 

Comment faire cohabiter des acteurs aux intérêts divergents ?  

Le Maas fait cohabiter une multitude d’acteurs aux intérêts divergents. D’un côté nous avons des entreprises privées, de l’autre des acteurs publics, et tous ont des objectifs économiques, sociaux et environnementaux propres à leur écosystème. 

Leur cohabitation est nécessaire pour proposer des services complémentaires aux usagers. Chacun a ses intérêts et, par conséquent, couvre des zones géographiques distinctes, avec des objectifs qui lui sont propres. Le VTC complète l’offre de transport en commun des zones densément peuplées comme les centres-villes. Le covoiturage ou la location de véhicule complètent l’offre de transports périurbains gérés par la ville, qui va desservir l’ensemble du territoire pour éviter d’avoir des quartiers isolés. Ces différentes offres sont agrégées sur des plateformes, telles que CityMapper à Londres ou celles mises en place par les AOM (exemple : application STAR à Rennes qui regroupe différents modes de transport : transport urbain, transport régional, covoiturage, vélo, …)  

Depuis la Loi d’Orientation des Mobilités (2019), l’ouverture de la distribution a entrainé la peur de voir arriver les GAFAM et d’être en concurrence avec eux sur la commercialisation des offres de transport. Depuis 2020, Google fait un pas de plus vers la multimodalité en proposant des itinéraires de déplacement porte-à-porte optimisé intégrant le niveau d’occupation des bornes pour le vélopartage. L’entreprise a également annoncé le lancement du programme « Flow » afin de mettre l’ensemble de ses technologies au service des nouvelles mobilités avec l’ambition de devenir un prescripteur de transport.

Le risque ? Un acteur privé seul à la tête du MaaS, une possibilité qui préoccupe les acteurs publics et qui renforce leur volonté de devenir le médiateur principal. 

Stéphane Buonanno (CGI –Movin’On) Vice-président en charge des activités conseil pour les mobilités urbaines : “Aujourd’hui, il est complexe pour une collectivité de comprendre les attentes d’une société de bike-sharing, free floating … et inversement. On ne peut pas construire un modèle durable à travers le surinvestissement d’un seul acteur, qu’il soit privé ou public” 

Rame de métro RATP PARIS
  Arthur Humeau

Que peut-on attendre de la mobilité dans un futur proche ? 

De nouveaux enjeux 

La mobilité ne concerne pas que les trajets courte distance en agglomération. La question de la décarbonation met en lumière des trajets beaucoup plus polluants : la liaison centre-périphérie, encore faite majoritairement en autosolisme, et le tourisme, déterminant pour le territoire français. Il faut les comptabiliser pour la construction d’un MaaS pertinent, répondant aux besoins de mobilité bout-en-bout des utilisateurs et prêt à considérer tous les utilisateurs pour optimiser l’utilisation des transports.  

Le tourisme représente une clientèle potentielle importante pour les acteurs de la mobilité, on peut même trouver des investisseurs externes à la mobilité, concernés par la valeur ajoutée d’un MaaS (Hôtellerie, salons, événementiel sportif …), tels que les acteurs du secteur du tourisme. En effet, l’expérience du trajet représente souvent un point négatif du voyage pour les touristes, une étape désagréable et couteuse.  

David Riallant, (VisitMoov) Consultant, « On passe 73% de l’expérience dans la préparation du trajet et 27% dans l’exécution du trajet. 89% des voyageurs sont stressés à l’idée de voyager. Il faut réfléchir à tous les blocages et biais qui empêchent les gens de voyager / se déplacer, la majorité provenant de l’expérience du transport ou du trajet. »

Faciliter l’organisation et le déroulement du trajet est-donc un sujet déterminant pour les entreprises du tourisme dans leur globalité. Seul bémol, une quantité de données accrues à prendre en compte et un service qui se complexifie

De nouveaux acteurs 

En parallèle du MaaS, d’autres acteurs de la mobilité commencent à proposer des initiatives VaaS (Vehicle as a Service) centré sur l’utilisation intelligente de la voiture. Le succès des innovations d’autres secteurs comme le divertissement, l’hébergement ou encore la santé, ont montré l’intérêt des clients pour des services personnalisés, à la demande, par simple pression d’un bouton. Cette dynamique s’applique évidemment aux transports et aux véhicules personnels. Incorporer des solutions de locations de véhicule au sein d’un service de mobilité, comme le fait déjà Uber, est peut-être la solution pour appliquer le MaaS à tout type de trajets et géographies.  

La création d’un MaaS est inéluctable 

La dynamique générale, quelle que soit la structure, tend vers la création d’un modèle de MaaS. Il existe de nombreux freins à date mais des ateliers comme les tables rondes organisées par l’observatoire du MaaS prouvent que le sujet est au programme des collectivités, de l’Etat, des entreprises du secteur privé et d’une multitude d’acteurs tiers. Le dernier acteur à convaincre reste le grand public, pour qui la notion de MaaS reste floue (cf. les multiples définitions de MaaS, au niveau local, national ou global). 

Maintenant que l’offre de transports est assez importante pour aller d’un point A à un point B sans autosolisme (du moins en agglomération), il devient possible de développer un MaaS : une offre de mobilité concentrée sur l’expérience utilisateur. Nous ne sommes plus dans la démarche : « il faut une ligne de bus pour aller du point A au point B » mais dans la démarche « Quel est le meilleur trajet avec les moyens à notre disposition ? », en continuant évidemment l’ouverture de lignes de transport.  

Loukarl-Lucas JACQUET

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