On observe un regain d’intérêt de la part des collectivités locales pour le transport maritime et fluvial de personnes et ce au niveau global, que cela soit à Bordeaux, Paris, Amsterdam ou Mumbai. Pour comprendre la raison d’être de ce renouveau, il faut se demander à quels besoins existants ou émergents répondent les nouvelles versions de ce mode de transport.
Le transport maritime et fluvial pour désengorger les réseaux de transport en place et supporter le tourisme
Le transport maritime et fluvial continue de séduire les collectivités pour répondre à des besoins que l’on peut qualifier de « traditionnels » en matière de transport. Il répond à la fois à des problématiques de désengorgement des réseaux et à des problématiques touristiques, comme l’illustrent les exemples de Bordeaux et Mumbai.
Depuis trois ans environ, la ville de Bordeaux a mis en place deux navettes fluviales électriques, les BatCub, qui sillonnent la Garonne d’une rive à l’autre entre Bordeaux et Lormont. La TBM, le réseau de Transports Bordeaux Métropole, a développé un titre de transport multimodal, permettant aux usagers d’emprunter le tramway, le bus ou la navette fluviale pour 1,45€. Au vu de son prix bon marché, ce moyen de transport est plébiscité par les touristes et les promeneurs. Il s’agit de découvrir la ville d’une autre façon, par le fleuve.
L’initiative vient supporter le réseau actuel de tramway et de bus, elle a notamment été pensée de manière modulable : en cas de forte affluence les navettes circulent uniquement dans le centre-ville pour désengorger les réseaux de transports en commun classiques.
En Inde, la ville de Mumbai est allée plus loin dans la fluidification du transport urbain grâce à un projet de mise en circulation de ferries prenant en charge passagers et véhicules.
Le réseau de transports actuel de la ville de Mumbai est dépassé par la croissance démographique rapide de la ville. Les embouteillages sont quotidiens, les trains et les bus sont bondés. La ville a dû réfléchir ces derniers mois à des initiatives pour désengorger et fluidifier ses réseaux et le transport maritime est apparu comme une solution rapide et peu coûteuse à mettre en place. Les premières liaisons Mandwa-Sud Mumbai devraient voir le jour dès 2018. L’objectif est d’utiliser la côte pour relier les banlieues sud au centre-ville, via un réseau de ferries. Le trajet sera environ 3 fois plus rapide qu’avec le train et ou la voiture car les usagers éviteront les embouteillages et les arrêts fréquents, en 20 minutes ils pourront faire la liaison Mumbai-Mandwa.
Le transport maritime et fluvial est une solution que les collectivités continuent à mettre en place afin de compléter leur panel d’initiatives en matière de transports. Toutefois en répondant à ces besoins traditionnels, le transport maritime et fluvial reste un moyen de transport complémentaire pour les collectivités et ne peut se substituer à l’heure actuelle aux moyens de transports en commun classiques.
Le transport maritime et fluvial pour supporter les initiatives de transports verts et apporter des solutions modulaires d’aménagement de la ville
Le regain du transport maritime et fluvial s’explique également par sa capacité à répondre à de nouveaux enjeux. Ce mode de transport permet notamment de répondre à de nouvelles problématiques autour des transports verts et de la modularité des transports et des infrastructures, autour de la transition énergétique et de l’aménagement du territoire.
Le Amsterdam Institute for Advanced Metropolitan Solutions (AMS Institute) et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont créé un programme de partenariat de recherche inédit en ce sens concernant les moyens de transports fluviaux autonomes visant à desservir les espaces urbains. Ce partenariat de recherche se déroule sur cinq ans et mobilise un budget de 25 millions de dollars. Roboat en est le programme clé. Il se concentre sur les bateaux et péniches autonomes pour le transport de personnes et de marchandises sur les 100km de canaux d’Amsterdam. Les premiers prototypes de Roboats pourront être aperçus sur les canaux d’Amsterdam courant 2017. L’intérêt du roboat est la modularité et la flexibilité du réseau. En effet le réseau du roboat est modifiable selon les événements qui se dérouleraient à Amsterdam ou selon l’évolution de l’aménagement de la ville.
Les chercheurs réfléchissent aussi à des plateformes ou ponts flottants modulaires qui pourrait être montés ou démontés en quelques heures pour supporter non pas les réseaux de transports de la ville mais cette fois-ci ses infrastructures.
Le programme présente aussi un double intérêt car il devrait aussi aider à la gestion des déchets et à la recherche sur l’environnement. Les roboats ou ponts flottants pourraient être par exemple utilisés pour mesurer la qualité de l’air ou pour débarrasser les canaux des déchets flottants et des 12 000 bicyclettes qui finissent chaque année dans le canal.
Paris s’est aussi saisi du transport fluvial pour supporter son engagement en matière de développement durable et de transport vert. En 2015, Anne Hidalgo avait confirmé que les Sea Bubbles seraient testées à Paris en avant-première. Les Sea Bubbles sont le dernier projet du navigateur Alain Thébault. Ce sont des véhicules quatre places qui « volent », c’est-à-dire qui s’élèvent au-dessus de l’eau grâce à quatre grandes dérives. Leur design leur permet d’atteindre des vitesses très élevées, mais en pratique la législation devrait les limiter à 18km/h.
L’objectif est d’en faire des dessertes urbaines vertes fonctionnant via propulsion électrique. Les docks d’amarrage seront aussi 100% autonomes. L’énergie sera produite grâce à un système alliant hydroliennes et panneaux solaires, puis sera stockée dans des batteries.
Au travers de ces deux dernières initiatives, le transport maritime et fluvial prend tout son sens car il permet de répondre à de nouveaux enjeux, de modularité et de développement durable. Enjeux que les moyens de transports traditionnels type métro, train peinaient à relever du fait de la lourdeur de leurs infrastructures et de l’importance des investissements nécessaires pour les faire évoluer.
Néanmoins on relève déjà les limites des initiatives de transport maritime et fluvial. Il est peu envisagé comme un moyen de transport de masse généralement du fait de sa fréquence et de sa capacité plus limitées que d’autres modes de transport. À Bordeaux par exemple, le Batcub est peu emprunté au quotidien par les usagers se rendant au travail car trop peu fréquent et lent.
Les nouveaux modes de transport maritimes et fluviaux doivent aussi être pensés en gardant en tête des contraintes de flexibilité et d’écologie. C’est peut-être sans doute la clé de leur succès car c’est là que réside leur avantage différenciant.