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Ouverture du métro parisien la nuit : promesse tenue ?

Engagement de campagne lors des municipales de 2014, demandée par le « Maire de la nuit parisienne », l’ouverture du réseau urbain parisien la nuit fait beaucoup parler d’elle. Entre les enjeux de développement touristique et de services rendus aux habitants, le sujet est au cœur de nombreuses attentes.

Des plages horaires qui laissent de nombreux passagers sur les quais…

Le métro parisien est aujourd’hui ouvert à partir de 5h30 pour les stations les plus matinales, et ce jusqu’à 1h15 en moyenne en semaine et 2h15 les vendredis et samedi soir. Ces horaires ne satisfont néanmoins pas tous les franciliens. Tout d’abord, ils sont dénoncés comme étant responsables de « la mort de la vie nocturne parisienne » : après 2h, les noctambules ont le choix entre le vélib’ (limité pour les grandes distances), les onéreux taxis et les rares Noctiliens. Selon Clément Léon R, le « Maire de la nuit » parisienne, cela « ampute Paris d’une manne financière et culturelle importante ».

De façon moins festive, les travailleurs de nuit pâtissent aussi de l’arrêt de service : population souvent à faible revenu, ils sont contraints à utiliser des modes de déplacement secondaires et souvent plus onéreux.

… mais qui reste dans la moyenne mondiale

À l’échelle des grandes villes mondiales, le réseau de transport parisien ne fait pourtant pas figure de gros dormeur : le métro de Moscou est ouvert aux mêmes horaires, alors que le métro de Pékin ferme dès 23h40. En réalité, les services de métro qui ne s’arrêtent pas la nuit sont même rares. Ainsi, les métros circulent toute la nuit à New-York et les nuits de fin de semaine à Berlin. Plus récemment, c’est Londres qui vient de célébrer l’ouverture de ses principales lignes de métro toutes les nuits de vendredi et samedi.

Paris pieds et poings liés sans l’aval du Conseil général d’Ile de France

Anne Hidalgo, Maire de Paris, avait fait du développement de l’offre de transport en commun la nuit un des éléments de son programme électoral. Ainsi, elle déclarait vouloir « […] étendre Noctilien au métro et développer un réseau structurant fonctionnant 24/24, le week-end et à terme en semaine ».

Métropolitain de ParisPour y parvenir, l’édile proposait de commencer par ouvrir les lignes 1 et 14 (automatiques) les nuits de fin de semaines puis « les 6 à 8 lignes les plus structurante, et les lignes A et B du RER ».

Un an après son élection, cette proposition n’est pas encore concrétisée, et pour cause : la décision d’ouvrir le réseau la nuit ne relève pas des compétences de la ville de Paris, puisque c’’est au STIF (Syndicat des transports d’Île de France) de trancher. Or la ville ne prend en charge que 30,9% des dépenses de cet établissement public, contre plus de 50% pour la région.

Des contraintes budgétaires, logistiques… et syndicales ?

Au-delà des enjeux liés à la prise de décision, l’ouverture du réseau de métro la nuit pose aussi de nombreux problèmes dans sa mise en place. Le premier d’entre eux concerne le coût de cette mesure. Lors de la campagne municipale, Anne Hidalgo n’avait pas précisé de chiffrage précis, évoquant seulement un coût de 35 millions d’euros annuels pour une ouverture toute la nuit du samedi. Néanmoins nous pouvons nous appuyer sur une expérience menée par le STIF en 2006 : le Syndicat des Transports d’Île de France  avait alors prolongé d’une heure le service les nuits du samedi et des veilles de fête pour un investissement initial de 4 millions d’euros et un coût annuel de fonctionnement de 12 millions. Plus tard, le syndicat avait étendu le dispositif aux nuits du vendredi pour un coût (inférieur) de 1,5 million d’euros d’investissement et 8,5 millions de frais annuels supplémentaires. En se basant sur ces chiffres, le journal Rue89 a alors calculé un coût de 793 millions euros pour une ouverture de toutes les lignes du métro parisien toutes les nuits sur la durée d’un mandat municipal, pris en charge à 30,9% par la ville de Paris.

Néanmoins cette évaluation ne prend pas en compte les contraintes opérationnelles de l’ouverture du métro toute la nuit. Ainsi, lorsque les trains ne circulent plus, ce sont plus de 400 interventions sur les voies qui ont lieu toutes les nuits. Il est possible de réduire la tranche horaire de maintenance, mais pas de la supprimer. Paris souffre de l’ancienneté de son réseau dans lequel très peu de voies sont dédoublées, au contraire de celui de New-York, ce qui permet à la Grosse Pomme de faire circuler des trains tout en réalisant des opérations de maintenance sur les autres voies.

Berlin | OberbaumbrückePour résoudre ce problème, la solution est peut-être à chercher à Berlin. Ici, ce sont des bus qui prennent le relais une fois la nuit tombée la semaine, mais en conservant un tracé identique à celui du métro. Le week-end, les métros circulent toute la nuit. Au final, les utilisateurs appréhendent mieux les désertes tandis que les maintenances des voies de métro sont toujours possibles les nuits de semaine.

Pour offrir un service de transport de qualité sans interruption nocturne, les défis sont nombreux mais des solutions existent. Néanmoins cette éventuelle modification des horaires doit aussi se réaliser en coopération avec les organisations syndicales. Sans dialogue, des blocages peuvent apparaître, comme le montre l’exemple de Tisseo à Toulouse : les conducteurs ont déposé plusieurs préavis de grève (de 2 puis de 7 mois) suite à la mise en place d’horaires de nuit jusqu’à 3h du matin.

Le Noctilien a encore de belles nuits devant lui.

Pierre Bondu

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