L’arrivée sur le marché de nouvelles technologies à prix abordable ouvre la voie à une nouvelle ère dans la gestion de l’exploitation des transports, et notamment en matière de maintenance des matériels et des infrastructures. Mais, de quoi s’agit-il réellement ?
Les objets connectés au service de la maintenance
Les usagers des transports en commun, adeptes des trains et autres avions ont tous connus les galères liées à du matériel en panne ou simplement indisponible pour des raisons inconnues. Du côté des opérateurs, mainteneurs et des industriels en général, la panne représente un coût non négligeable, tant en termes de perte d’exploitation et de coûts d’intervention des équipes de maintenance en urgence, que du point de vue de l’image négative envoyée aux usagers. Les objets connectés (développés autour de l’IoT) offrent aujourd’hui deux leviers majeurs de réduction de ces coûts :
- Diagnostiquer les pannes plus rapidement lorsqu’elles interviennent afin de les corriger au plus vite et à moindre coût
- Prévenir les pannes en intervenant avant qu’elles n’apparaissent.
Sur le premier point, l’émergence à prix abordable des technologies de collecte de données (capteurs connectés), permet des diagnostics à distance, en temps réel, et parfois de la télémaintenance.
Concernant le second point, afin de mieux éviter les pannes, le mainteneur n’a d’autre choix que d’améliorer sa maintenance préventive, soit sous forme de visites régulières, au prix d’une moindre disponibilité du matériel, soit en intervenant au bon moment, avant que la panne ne se produise. C’est bien cette dernière possibilité, aussi appelée maintenance prédictive, qui se développe depuis quelques années parmi les acteurs industriels. Facilitée par une démocratisation des technologies IoT et des moyens d’analyse et de prédiction de données (BigData, Machine Learning), les mainteneurs ont la possibilité de prévoir les pannes avant qu’elles ne se produisent afin d’éviter toute perturbation de l’exploitation.
Les premières initiatives des motoristes dans l’aérien
L’aéronautique a fait figure de pionnier en matière de communication à distance avec des équipements embarqués. Ainsi, depuis les années 1970, des systèmes radios -depuis relayés par satellite pour couvrir tout le globe- permettent aux aéronefs de transmettre un certain nombre de données sur l’état des moteurs. Directement transmises au constructeur, elles concernent aussi bien la vitesse que le débit du carburant, la température, la quantité restante de kérosène, le niveau de pression, les vibrations, etc. L’objectif est de repérer les anomalies lorsqu’elles se produisent afin d’anticiper la maintenance dès l’atterrissage de l’appareil et minimiser le temps d’immobilisation, estimé à environ 10.000 dollars de perte de l’heure.
Aujourd’hui, le nombre d’éléments de moteur monitorés augmente d’autant plus vite que les capacités d’analyse du BigData s’améliorent. Rolls Royce annonce ainsi que ses futurs moteurs émettront près de 5000 informations chaque seconde sur leurs composants. Des données qui seront traitées en faisant appel à des entreprises spécialistes du BigData et du cloud computing, nécessaires au traitement massif des données, et de solutions d’analyse basées sur le machine learning. Selon le motoriste américain Pratt et Whitney, l’objectif annoncé de ces démarches de maintenance prédictive est de réduire jusqu’à 50% les opérations de maintenance non planifiées pour un gain d’environ 20% sur les coûts de maintenance.
Ces démarches, à l’initiative des constructeurs, accompagne une évolution des modèles économiques de maintenance à l’œuvre. Avec la maintenance prédictive, les constructeurs cherchent à proposer des solutions packagées incluant la fourniture d’équipements et les services de maintenance associés. Nous assistons à un déplacement de la valeur, autrefois liée au matériel et aujourd’hui tournée vers sa disponibilité et son usage.
Anticiper les pannes : un enjeu pour les exploitants
De leur côté, les exploitants ne sont pas sans reste, comme en témoigne les initiatives fleurissantes. Ainsi la SNCF annonce-t-elle qu’elle arrivera bientôt à prédire les pannes des Transiliens avec 30 minutes d’avance. Un projet qui concerne les nouvelles rames fournies depuis 2009 par Bombardier, et qui communiquent chaque mois près de 70.000 informations portant sur 40.000 variables, mises à jour toutes les demi-heures.
Jusqu’à aujourd’hui, ces données servent à faire de l’analyse d’incident en temps réel, afin d’anticiper les actes de maintenance à réaliser et le lieu de l’intervention. Mais l’avenir sera à l’anticipation des pannes, en s’appuyant sur le traitement massif des données issues du matériel, mais aussi des données de maintenance et météorologiques. Sur la base de ces informations, plus riches que ce que le constructeur seul peut fournir, les moteurs d’analyse prédictive apprennent le comportement des équipements au cours de leur vie pour anticiper les pannes lorsque des signes avant-coureur se présentent.
L’enjeu est de taille tant on sait que les opérateurs de transport urbains sont généralement jugés et pénalisés financièrement sur la base de la ponctualité de leurs trains. Une initiative qui a déjà porté ses fruits sur le métro de Singapour où, entre 2012 et 2014, le nombre d’incidents d’exploitation supérieurs à 5 minutes a été réduit de 60% grâce à la maintenance prédictive.
Cependant, au-delà des opportunités technologiques qui apparaissent, la complexité pour les acteurs historiques du transport est de construire leur vision des transformations technologiques à mener, et d’être capable d’implémenter les innovations de manière agile. C’est pourquoi de nombreuses entreprises se sont dernièrement dotées d’une entité transverse dédiée à la stratégie digitale et à l’IoT en particulier, afin de mener une réflexion globale sur les projets, leur impact sur les métiers et l’organisation, leur rentabilité, et accompagner les mises en œuvre.
Merci Félix pour la description de cette perspective intéressante et prometteuse.
Cela génère toutefois de nouveaux enjeux de sécurité… ces IoT sur des véhicules roulants ou volants, et qui produisent du BigData vers le cloud, représentent des portes potentielles pour des attaquants.
Quelle est la réflexion des constructeurs et des exploitants en la matière ?
Cela nécessite t-il, par exemple, de rehausser le niveau de sécurité du SI qui suit la maintenance au sol, de renforcer son homologation avec des nouveaux standards de sécurité ainsi que la certification des services de maintenance ?