Le 26 Novembre dernier, se tenait la conférence Métros, Trams, Trains : Cap sur l’autonomie organisée par VRT (Ville, Rail & Transports), le magazine des nouvelles mobilités.
Aujourd’hui, des métros avec un niveau d’automatisation avancé, notamment le GoA 4, le niveau le plus élevé (que l’on peut assimiler à l’autonomie), sont déjà une réalité. C’est le cas par exemple des lignes 1 ou 14 du métro parisien. Le marché de ces nouveaux métros est en pleine croissance.
Le défi qui se pose actuellement est de transposer ce modèle aux tramways et trains qui sont des services de transport en milieu ouvert.
Pour débattre sur le sujet, la conférence réunissait 2 grands acteurs du transport, la SNCF (avec Jérôme Lefebvre – Directeur du projet NExTEO) et KEOLIS (François Vinsonneau – Directeur du centre d’excellence Metro-Tram). Il y avait également des acteurs de la mobilité qui répondent à la volonté d’automatisation des métros, tramways et trains :
- SYSTRA (avec Vincent Dugay – Directeur de projets urbains), cabinet d’ingénierie et de conseil dans le domaine de la mobilité et notamment dans les transports urbains et ferroviaires
- BOMBARDIER (avec Benoît Gachet – Directeur Solutions de Mobilités), spécialisé dans la construction de matériels de transports, et notamment dans la construction ferroviaire
- SIEMENS (avec Edouard Dumas – Responsable Commercial sur les comptes SNCF et SGP), spécialisé dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie
- FAIVELEY (avec Geoffroy de Grandmaison – Directeur du marketing mondial), spécialisé dans les équipements ferroviaire
Automatisation des trains : où en sont les acteurs du transport aujourd’hui ?
Comme abordé dans l’article La Sncf Se Lance Dans La Nouvelle Revolution Ferroviaire : Le Train Autonome, on distingue 4 niveaux d’automatisation des trains : GoA 1, GoA 2, GoA 3 et GoA 4. Pour atteindre ces différents niveaux d’automatisation, les acteurs du transport s’appuient sur des organismes spécialisés.
Côté RATP, les métros parisiens visent à atteindre le niveau GoA 4 comme c’est le cas aujourd’hui avec les lignes 1 et 14 et prochainement la ligne 4 (avec l’appui de SYSTRA).
Côté SNCF, l’entreprise souhaite atteindre le niveau GoA 2 (freinage et accélération automatiques) avec l’expertise de SIEMENS grâce au projet EOLE (Est Ouest Liaison Express). Il a pour but de raccorder la gare Paris Saint-Lazare à Mantes La Jolie avec la mise en place d’une nouvelle ligne de train, le RER E. Ainsi, il permettra de relier l’est à l’ouest parisien en désengorgeant la fréquentation du RER A. 650 000 voyageurs quotidiens sont attendus.
En quelques chiffres, le projet EOLE c’est :
Pour atteindre le niveau d’autonomie GoA 2, la SNCF utilisera un nouveau système d’exploitation et de supervision des trains, NexTeo. Ce nouveau système utilise la technologie CBTC (Communication Based Train Control) qui permet d’établir une communication continue entre les trains et avec une intelligence centrale chargée de gérer automatiquement le trafic. Ainsi :
- Les données de circulation (position et vitesse des trains) sont centralisées au niveau du module central.
- Le trafic est automatiquement régulé (en cas de malaise voyageur dans un train, l’information est remontée au module central qui commande alors au train suivant de ralentir).
- Les informations voyageur (retards…) sont actualisées en temps réel.
Grâce au projet, ce qu’on appelle la régulation (le contrôle de vitesse, l’accélération et le freinage ainsi que la gestion des temps de stationnement en gares) sera automatisée. Ainsi, il sera possible de faire circuler jusqu’à 28 trains par heure au lieu de 16 actuellement avec une vitesse pouvant atteindre jusqu’à 120 km/h contre 110 aujourd’hui et avec un intervalle de 108 secondes entre 2 trains au lieu de 180 s. Il en résultera 3 bénéfices principaux :
Au-delà de l’île de France, l’automatisation des trains concerne également d’autres villes, et notamment Lyon grâce à l’exploitant Keolis. En effet, les lignes de métro A et B sont aujourd’hui en cours d’automatisation pour atteindre un niveau d’autonomie GoA 4. La fréquentation en hausse du métro et le matériel roulant vieillissant expliquent le projet « Avenir Métro » allant de 2019 à 2023.
Aux commandes du projet : TCL, le réseau de transport lyonnais et l’exploitant Keolis. Ce projet, d’un coût de 430 millions d’euros, permettra de moderniser le réseau existant, d’améliorer la qualité de service et ainsi attirer une plus grande clientèle sur le réseau urbain. Il consiste principalement à remplacer les rames de métro de la ligne B (avec conducteur) par des rames de métro sans conducteur Alstom (comme c’est déjà le cas pour la ligne D). Ces rames possèdent le niveau GoA 4. Les anciennes rames de la ligne B viendront renforcer les rames de la ligne A qui resteront avec conducteurs. Cette modernisation du matériel roulant permettra d’augmenter la capacité des trains notamment en heures de pointe. Tout comme la SNCF, au-delà de l’amélioration de la qualité de service, ce projet permettra de faire des économies d’énergie de 25%.
Quelles problématiques technologiques pour accompagner les acteurs du transport dans leur automatisation ?
Système ouvert, système fermé et sécurité
BOMBARDIER travaille aujourd’hui sur l’automatisation de tous les types de mobilité ferroviaire : métros, trains à grande vitesse, trains régionaux et tramways.
Le moyen de transport le plus simple à automatiser pour atteindre le niveau GoA 4 est le métro. Les rames sont identiques et il s’agit d’un système fermé. C’est pour cela que l’on voit apparaître rapidement des métros GoA 4 comme à Paris avec les lignes 1 et 14 et le métro lyonnais avec les lignes B et D.
Le défi est de plus en plus élevé lorsqu’il s’agit de matériels différents à faire cohabiter et lorsque les trains circulent dans un environnement ouvert et hétérogène. Les trains sont alors soumis aux aléas de l’extérieur (personnes, orages…) et à la diversité des trains qui circulent sur les mêmes voies (type de matériel, niveau d’automatisation différent…)
A l’heure actuelle, la technologie utilisée pour atteindre les différents niveaux d’automatisation voulus est le CBTC. Cette technologie est, comme vu précédemment, utilisée pour le projet EOLE. SIEMENS collabore d’ailleurs avec les acteurs de transport du monde entier pour mettre en place cette technologie (exemples : ligne 14 du métro parisien, les prochaines lignes 15, 16 et 17 à Paris, la mise en place de navettes automatiques dans les aéroports de Francfort et Bangkok).
Par ailleurs, comme dans toute nouvelle technologie, la mise en place du CBTC soulève la problématique de la sécurité. Comme l’a précisé Systra, s’il faut rendre un train GoA 4 en milieu ouvert, il faudra faire en sorte que les systèmes de communication soient étanches pour réduire les risques de cybercriminalité.
Vers des solutions à la pointe de la technologie et de plus en plus standardisées entre métro, RER et tramways ?
Siemens est actuellement en train de réaliser une expérimentation à New York avec une technologie similaire au CBTC, le UWB (Ultra Wide Band). Cette expérimentation aura l’avantage d’apporter une plus grande précision sur les données collectées par les trains.
Aujourd’hui, le CBTC n’est pas standardisé. Les systèmes ont été développés dans les pays pour les besoins de lignes de métro précises, qui constituent un ensemble fermé. Ainsi, sur une même ligne de métro, uniquement des rames dotées du même système CBTC peuvent communiquer entre elles. Des rames différentes ne pourront ainsi pas cohabiter sur une même ligne.
La standardisation aurait pour avantages l’interchangeabilité des rames au niveau du réseau selon les besoins, les heures de pointes des lignes… Mais elle apparaît comme étant coûteuse, pouvant même être amenée à dériver pour répondre aux besoins de chaque réseau.
Vers une décentralisation du système ?
Aujourd’hui, l’intelligence du système est centralisée autour du module CBTC. C’est lui qui, à partir des informations collectées par les trains, prend les décisions et commande les trains. Une autre solution serait de répartir cette intelligence au sein même des trains. En communiquant, les trains pourront s’auto-réguler en se passant d’un intermédiaire central.
Quelles sont les ambitions des acteurs de transport pour demain ?
Aujourd’hui, la SNCF ne perçoit pas le niveau GoA 4 comme objectif final. L’objectif premier de l’automatisation est de répondre à un niveau de qualité de service défini et de désaturer les lignes. Au niveau GoA 2, la présence d’un conducteur reste nécessaire pour assurer la fermeture et l’ouverture des trains.
L’objectif premier de l’automatisation est de faire arriver les trains à l’heure et il va sans dire que faire des trains avec le niveau GoA 2 devient aujourd’hui une évidence pour Bombardier.
Pour Keolis, automatiser les trains est une garantie de disponibilité et de fiabilité du transport pour les usagers. En souhaitant passer de 300 à 500 milliers de voyageurs par jour, Keolis espère ainsi augmenter son ROI.
Et il n’est pas le seul à l’affirmer. En effet, tous s’accordent sur le fait que le principal obstacle à mettre en place le niveau GoA 4 aux trains est d’ordre psychologique : Monter sur un train sans conducteur qui roule à 300 km/h pourrait être anxiogène pour les voyageurs.
En synthèse, chaque service de transport (métro, tramways, train) possède ses propres caractéristiques et ses propres besoins en matière d’automatisation. Atteindre le niveau le plus élevé n’est pas un objectif en soi. En effet, le niveau d’automatisation à atteindre doit répondre à des objectifs précis comme améliorer la qualité de service, désaturer des lignes, attirer une plus grande clientèle. Il doit répondre à des problématiques réelles du transport. Il s’agit ainsi de trouver le bon équilibre entre niveau d’automatisation à atteindre, besoins à couvrir et ROI en tenant compte des contraintes du terrain (systèmes ouverts pour les trains et tramways, facteur psychologique pour les trains à grande vitesse…).
Qu’est-ce qui permet au GoA 4 d’obtenir 25% d’économie d’énergie ? Est-ce juste grâce à la conduite optimisée ?