Le projet de « Loi mobilités » est discuté en séance à l’Assemblée nationale depuis le 3 Juin. Ce projet de loi a pour objectif d’améliorer concrètement les déplacements des citoyens au quotidien et dans tous les territoires grâce à des solutions de transports plus accessibles, propres et mieux adaptées à la diversité des besoins. Parmi les propositions étudiées figurent le cadre de régulation pour les services en free-floating.
La nécessité de désengorger les transports en commun passe nécessairement par l’émergence de nouvelles formes de mobilité urbaine. Cependant, l’augmentation des accidents et des plaintes rendent obligatoires la définition d’un cadre réglementaire et la prise de mesures claires sur le free-floating. Dans l’actualité, on peut citer le cas d’Isabelle Albertin, pianiste à l’Opéra Garnier, percutée il y a 3 semaines par une trottinette électrique occasionnant une double fracture du bras droit et une potentielle fin de carrière professionnelle.
En attendant la Loi d’Orientation sur les Mobilités (LOM), le Conseil de Paris vient d’adopter des mesures afin de réguler l’utilisation des trottinettes électriques en libre-service afin notamment de protéger les piétons.
Quelles mesures ont été prises et dans quel cadre peuvent-elles mettre fin à l’anarchie urbaine ?
Les mesures prises par les autorités
Ces mesures préventives prises par le Conseil de Paris viennent combler le « vide juridique » car il n’existe pas encore de règlementation à l’échelle nationale. Ces mesures ne s’appliquent donc qu’à Paris, en attendant qu’un cadre soit défini à l’échelle nationale.
Dans le même sens, les ministères de l’Intérieur et des Transports ont préparé un décret afin de cadrer l’utilisation des EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés) dans toute la France.
Parmi les nouvelles dispositions figurent aussi 5 restrictions phares :
Des spécifications techniques vont également entrer en vigueur d’ici la rentrée 2019, parmi lesquelles nous pouvons citer :
- La mise en place de feux avant et arrière pour les EDPM
- L’installation de dispositifs rétro-réfléchissants
- L’ajout de freins et avertisseur sonore
Ces exigences sont déjà largement appliquées aux EDPM existants, indique-t-on au ministère des Transports, où l’on souligne que le projet de décret résulte de « plusieurs mois de travail avec l’ensemble des acteurs concernés ». La collaboration entre l’Etat et les opérateurs a ainsi permis de modifier en temps réel les appareils et les adapter aux nouvelles exigences.
Des mesures davantage restrictives que régulatrices ?
Le principe même du free-floating est de mettre à disposition des moyens de mobilité partout, sans station, en permanence. Le free-floating, par essence, offre une flexibilité plus importante aux utilisateurs que le Vélib par exemple où les vélos sont à récupérer dans des stations. Ces services dit dockless (sans bornes) sont ainsi remis en question avec la potentielle mise en place de zones de stationnement.
Par ailleurs, les utilisateurs se verront sanctionnés d’une amende s’ils abandonnent leurs trottinettes sur le trottoir et pris devant le fait accompli. Ces mesures semblent légèrement précipitées et inadaptées par rapport à la situation actuelle : seules 2 500 places pourraient voir le jour pour 15 000 trottinettes en circulation et potentiellement 40 000 d’ici la fin de l’année. En somme, seule 1 trottinette sur 6 pourrait bénéficier d’une place en zone de stationnement d’ici quelques mois et 1 trottinette sur 16 si la prévision de 40 000 s’avère exacte.
Des réglementations bien accueillies par les opérateurs
Finalement, ces réglementations ne sont pas nécessairement mal vues par les opérateurs. La réaction de Nicolas GORSE, directeur général de Dott France, par rapport à la charte de bonne conduite est très claire : « On a reçu aujourd’hui un message de fermeté. On va le respecter car c’est nécessaire pour notre survie ».
Arthur Jacquier, directeur de Lime a salué la signature de la charte en invoquant « des règles nécessaires » et Henri Capoul, directeur France de Bird se dit « ravi de travailler avec la mairie de Paris »
Les opérateurs espèrent notamment que l’établissement d’un cadre, avec la loi à venir et l’application des règles de la Mairie de Paris, permettra de stabiliser le marché mais également de réduire les incivilités. En effet, une trottinette électrique est rentable au bout d’environ 114 jours, sa durée de vie n’étant que de 28 jours. La mise en place de bornes de stationnement pourrait réduire les dégradations subies par les engins et ainsi augmenter leur durée de vie.
Un avenir incertain pour le secteur
Au-delà de cet aspect économique, ce sont surtout les perspectives qui posent question. Les opérateurs ont du mal à anticiper les régulations futures et un climat d’incertitude est en encore présent. Si la charte de bonne conduite a permis de renforcer les interactions entre la Mairie de Paris et les opérateurs, un climat de défiance persiste. On peut notamment citer la déclaration de Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme à la Mairie de Paris, à propos de la future Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) « Si l’autorégulation échoue, la seule solution […] consistera à interdire provisoirement en attendant la nouvelle loi ».
La stratégie des opérateurs consistait à pénétrer un marché rapidement et se soucier des régulations plus tard. Comme le disait Grace Hopper, « Il est plus facile de demander le pardon après que la permission avant ». Pour les opérateurs, la phase de permission a été remplacée par une phase de négociation et de mise en conformité avec les nouvelles règles.
Bref aperçu des règles de quelques villes européennes :
- En Belgique, les utilisateurs sont considérés comme des piétons sous 6 km/h et comme des cyclistes au-delà
- Au Royaume-Uni, les trottinettes sont tout simplement interdites compte tenu de la législation en vigueur
- Aux Etats-Unis, San Francisco, Boston ou encore Indianapolis ont décidé d’interdire les trottinettes tant que des règles claires n’auront pas été établies avec les opérateurs
- Santa Monica a mis en place des zones de stationnement pour trottinettes électriques
- A Bordeaux et Toulouse, les opérateurs ont décidé de retirer leur flotte aucun accord satisfaisant n’ayant été trouvé avec la Mairie
À Paris, la cohabitation entre les opérateurs et la Mairie semble sur la bonne voie et les mesures prises vont de manière générale dans la bonne direction pour réduire l’anarchie urbaine que constituent ces nouveaux moyens de transport.
Mais une question demeure : pour combien de temps ?
Sources :