Des initiatives jusqu’ici limitées mais un phénomène qui s’accélère
Le low-cost sur les vols long-courriers à l’international (trajets d’une durée supérieure à 5h) est né en Asie-Pacifique. En effet, dès 2007, Air Asia, compagnie malaisienne à bas coûts lance AirAsia X. Les compagnies nationales Qantas (Australie) et Singapore Airlines suivront avec leurs filiales Jetstar et Scoot. Aujourd’hui, AirAsia X possède une vingtaine d’Airbus A330 et transporte plus d’un million de passagers chaque trimestre.
En Europe, le mouvement s’accélère mais n’en est qu’à ses prémices. Fin 2015, Norwegian a lancé plusieurs vols au départ d’Oslo et de Londres vers les États-Unis, la Thaïlande et Dubaï. Lufthansa, via sa filiale Eurowings, expérimente aussi le low-cost longue distance avec des liaisons vers Dubaï, Varadero, Punta Cana, Bangkok et Phuket, au départ de Francfort et Munich, à partir de 99,99 euros l’aller simple. Un véritable pari pour la plus grande compagnie d’Europe, puisque Eurowings prévoit de tripler sa flotte (de 2 à 7 appareils) en 2017 si le succès est au rendez-vous.
Plus récemment, c’est la compagnie islandaise Wow Air qui a annoncé qu’elle proposera dès mi-2016 des vols de l’Europe (départ de Paris, Berlin, Londres, Francfort, Amsterdam ou encore Madrid) vers la Californie (Los Angeles et San Francisco) à partir de 199 euros.
Le marché français n’est pas en reste : à travers le projet « Sunline », Air Caraïbes a annoncé le lancement en juin prochain d’une filiale low cost long-courriers qui, depuis Orly, desservira les Caraïbes, le Mexique, mais aussi des destinations aux États-Unis.
D’après LesEchos, « Air France envisagerait également la création d’une entité low cost long-courrier, avec des pilotes et des personnels de cabine dotés d’un statut différent de celui de la maison-mère, à laquelle serait confiée l’exploitation d’une partie des futurs Boeing 787 commandés par Air France-KLM. Conçue comme un laboratoire de productivité, cette nouvelle structure s’appuierait sur les faibles coûts d’exploitation du 787, qui consomme jusqu’à 20 % de moins qu’un long-courrier actuel, et une productivité des personnels navigants revue à la hausse.»
Un business model à (ré)inventer
Transposer le modèle du modèle low-cost court courrier vers le long-courrier ne fonctionnerait pas.
« Alors que le low-cost permet de réduire les coûts de 64% dans le court courrier en Europe, il ne les réduirait que de 30% dans le long-courrier », explique Pascal Fabre, expert du secteur aéronautique au sein du cabinet de conseil AlixPartners. En effet, l’utilisation et le coût des avions et des équipages, principaux leviers d’économies, ne peuvent pas être autant optimisés sur les long-courriers que sur les court/moyen-courriers.
En effet, le temps moyen de vol d’un avion long-courrier de type Airbus A330 est de 12h par jour, même la nuit, contre 8h pour un Airbus A320, modèle prisé par les compagnies low-cost. Un vol de cette durée implique des coûts de carburant et d’équipage autrement plus élevés, auxquels s’ajoutent d’autres contraintes telles que la durée de repos du personnel, plus importante sur les long-courriers.
La création de filiales est alors une solution permettant de mettre en place un cadre et des conditions de travail spécifiques pour les pilotes et le personnel de bord notamment, élément clés de l’accroissement de la productivité.
Enfin, de même que pour les court-courriers, la rentabilité du low-cost long-courrier dépend aussi du volume de passagers transportés. Bien qu’AirAsia X prévoie de réaliser son premier exercice bénéficiaire en 2016, la compagnie malaisienne a déjà supprimé les liaisons entre l’Europe (Londres, et Paris) et Kuala Lumpur, faute d’un nombre suffisant de clients.
Pour autant, il serait prématuré de conclure que le low cost long-courrier ne trouvera pas le chemin de la rentabilité, au motif que certains leviers qui ont fait son succès sur le court/moyen-courrier ne sont pas transposables. L’arrivée de nouveaux modèles d’avion tels que l’A350, le B787 ou même la famille à venir des B737 Max permettra d’élargir la gamme des solutions possibles, notamment en termes de coûts d’exploitation ou de volume passagers transportés.
Un marché de niche
Il semble donc peu probable que le low cost long-courrier conquière une forte part de marché, au point de rafler la mise aux compagnies majors. Il se limitera plutôt à un marché de niche axé prioritairement sur quelques axes importants : Europe/Amérique du Nord, intra-Asie, ou Europe/Asie.
Comme sur le court/moyen-courrier, la clientèle ciblée sera très sensible au prix du billet d’avion, quitte à payer pour des prestations optionnelles en vol (achats d’impulsion).
D’après Didier Bréchemier, Partner chez Roland Berger et Emmanuel Combe, Professeur à ESCP Europe, ce nouveau modèle misera sur « une densification de la cabine qui se traduira par une configuration monoclasse, proposant éventuellement une offre Premium ». Il capitalisera sur la taille critique (tant en termes de passagers que de vols) du low cost court/moyen-courrier dont il constituera un relais en proposant des connexions aux passagers.
La mise en service de nouveaux modèles d’avion dont les caractéristiques techniques permettront de réduire les coûts d’exploitation devrait contribuer à la croissance du low cost long-courrier par induction de trafic. Cette nouvelle offre ciblera principalement la clientèle loisir et les voyageurs occasionnels ; marché structurellement en développement qui peut constituer, notamment pour les compagnies majors, un précieux relais de croissance et un moyen de diversification permettant d’éviter l’attrition.
Quoi qu’il en soit, la pertinence du low cost long-courrier mérite plus que jamais d’être reconsidérée. Dans le transport aérien, le passé a démontré que la frontière entre l’improbable et la réalité tangible pouvait rapidement être franchie. L’audace paie !