Les transports en commun n’ont jamais été aussi utilisés qu’aujourd’hui. Les contraintes environnementales, économiques et démographiques poussent en effet collectivités et particuliers à privilégier de plus en plus les modes de déplacement collectifs. La fréquentation de ces derniers a ainsi progressé de 29% en France, entre 2002 et 2012. Afin de séduire toujours plus de passagers et d’envisager l’éventualité d’un avenir sans voiture, une amélioration de l’offre reste cependant nécessaire, non seulement en termes de réseau (infrastructures et maillage pour favoriser la multimodalité), mais aussi et surtout en termes d’information voyageur.
Des voyageurs très demandeurs
L’exigence des clients en termes d’information voyageur est toujours plus grande, à une époque où les smartphones peuvent délivrer une multitude d’information en temps réel. Sa diffusion doit être rapide, en particulier en cas d’aléas sur l’itinéraire emprunté. L’information théorique (horaires…) n’est plus l’information critique : dans les zones urbaines notamment, avec un trafic à haute fréquence, c’est le temps réel qui est devenu le vrai facteur de qualité de l’IV.
Les nouvelles attentes des utilisateurs résident aussi dans la personnalisation des informations qu’ils reçoivent. L’application RATP permet par exemple de choisir son mode de transport préféré, de renseigner ses contraintes de temps, de privilégier différents critères tels que rapidité, temps de marche, ou encore nombre de correspondances. De même, le voyageur peut être alerté dès qu’un incident survient sur l’une de ses lignes favorites, préalablement renseignées dans l’application.
Enfin, l’information voyageur se doit de promouvoir la multimodalité. Difficile en effet pour un voyageur de trouver par lui-même le meilleur itinéraire en fonction des différentes offres disponibles. Faciliter les correspondances entre différents modes de transport afin d’optimiser le trajet est donc un autre enjeu clé pour une IV de qualité.
L’émergence de modèles économiques pour l’information voyageur
Pour les transporteurs, l’IV a longtemps été considérée comme une information commerciale nécessaire ou encore comme une contrainte réglementaire, ne générant pas de valeur. Aujourd’hui, elle est un élément différenciant, et des modèles économiques émergent. Une première façon de générer des revenus est l’intégration du marketing ciblé. C’est le cas par exemple dans les applications mobiles de quelques compagnies aériennes et aéroports qui offrent aux voyageurs en correspondance des réductions chez les commerces les plus proches grâce à la technologie Beacon.
Les solutions de porte-à-porte peuvent aussi être source de revenus, comme l’a bien compris la SNCF. Pour compléter son offre de transport de gare en gare, elle a en effet lancé un partenariat avec le service d’autopartage américain Zipcar, qui permet à un voyageur de réserver une voiture automatiquement à son heure d’arrivée en gare, via la nouvelle application iDPASS. La SNCF perçoit ensuite une commission sur chaque transaction effectuée. Le même principe existe aussi avec une location de voiture, un chauffeur privé ou un taxi.
Des transporteurs dépassés ?
Les grands transporteurs ne sont pas les seuls à avoir repéré le filon. De jeunes structures, financées généreusement par des fonds d’investissement, lancent elles aussi des business models autour de l’IV. La start-up Moovit fait notamment figure d’exemple. Leur matière première : la data. Pour récupérer celle-ci, ces start-ups profitent du mouvement actuel en faveur de l’open data qui rend de plus en plus accessible les données des transporteurs. La véritable innovation se situe cependant dans l’aspect collaboratif du modèle, un peu à l’image de Waze pour les conducteurs. En effet, la fiabilité et la rapidité des informations proposées se voient considérablement améliorées par la remontée d’informations géolocalisées permettant de suivre l’état du trafic en temps réel.
Victimes de leur taille, les transporteurs peuvent parfois manquer de réactivité et de souplesse pour saisir ces opportunités innovantes. Voilà pourquoi la stratégie du partenariat transporteur-start-up fait de plus en plus d’adeptes, ouvrant ainsi de grandes possibilités en associant l’agilité et l’esprit innovant de la start-up aux capitaux et données des transporteurs. De plus, ces nouvelles structures peuvent exploiter les données théoriques, mais également les données temps réel, précieusement protégées par les transporteurs. Les modèles et algorithmes peuvent également être enrichis par les données venant du terrain et des utilisateurs (saturation des transports via les capteurs des trains connectés et la géolocalisation des passagers, repérage des zones difficultés routières au travers des smartphones…).
Les possibilités sont grandes, tout comme les attentes des voyageurs, qui, face à la diversification de l’offre de transport, sont toujours plus demandeurs de solutions les aidant à optimiser leur voyage, de façon fiable et très rapide. Enjeu pour les transporteurs, gestionnaires et autorités régulatrices, opportunité pour les acteurs d’intermédiation type Google et pour les start-ups, l’information voyageur constitue aujourd’hui un élément clé de la proposition de valeur adressée à des clients toujours plus connectés. Axe de différenciation pour tous ces acteurs, elle est un fort levier de démocratisation des transports, avec un fort potentiel d’évolution et d’innovation, restant à exploiter…