Les franciliens champion d’Europe de la fraude
Le réseau d’île de France est un des réseaux les plus denses d’Europe. On compte au total 14 lignes de métro, 1 500 lignes de bus, 8 lignes de tramway, 5 lignes de RER et 8 lignes de train Transilien. Malgré un réseau très développé, les tarifs pratiqués en île de France sont peu élevés en comparaison avec nos voisins européens. Il faut compter 1,90€ à Paris contre respectivement 2,10€ et 3€ à Bruxelles et à Londres pour un ticket à l’unité. Et pour un le pass Navigo dézoné, un salarié ne payera que 28% du coût réel du transport.
Vous aurez aussi certainement remarqué, vu le nombre de personnes dans votre rame de métro le matin, que la fréquentation des transports en commun est en hausse chaque année, avec +3% de voyageurs en 2017.
Et avec encore un peu un plus d’observation vous aurez peut-être noté autour de vous, un sport acrobatique aux portiques : la fraude au titre de transport. Le saut de portique peut être presque érigé en tant que sport national. Une étude de l’IFOP pour l’UTP (union des transports publics) annonce un taux de fraude de 8,9% en Île de France contre en moyenne 3,1% pour les autres capitales Européennes. Toujours selon cette même étude, la fraude coûterait environ 336 millions d’euros par an pour les exploitants du service de transport, soit plus d’un million d’euros par jour. Plus de 60% de ces coûts sont en réalité des pertes nettes de recettes. Les coûts restants sont liés à la lutte antifraude mis en place par les exploitants du service transport en Île de France.
Ce montant élevé lié à la fraude à un impact financier considérable pour les transporteurs et pour le STIF, qui cherchent tous les moyens possible de juguler ce problème persistant. A titre d’exemple, 100 millions d’euros correspond au coût de de 20 rames neuves de métro pour la RATP. Ainsi, la fraude touche indirectement les utilisateurs qui n’auront pas la joie de voyager dans des rames flambant neuves !
Un déploiement de dispositifs antifraudes coûteux
Afin d’endiguer ce phénomène de fraude toujours en croissance et dans un contexte de sécurité alarmant, le parlement a voté la loi Savary : « la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs ». Depuis le 22 mars 2016, cette loi donne des nouveaux outils aux agents pour lutter activement et plus efficacement contre les fraudes. Depuis cette loi, un fraudeur sans titre de transport valable devra fournir un justificatif d’identité et à défaut de justificatif les agents pourront le retenir pendant 4 heures ou le contraindre à quitter la gare. Enfin, pour faciliter le recouvrement par PV les agents pourront communiquer avec les administrations publiques afin de faciliter la recherche d’adresses des contrevenants. Sur le terrain on peut différencier plusieurs types de fraudes :
- Les fraudeurs « passifs » font référence aux voyageurs achetant un titre de transport avec une réduction sans justificatif ou encore utilisant un titre de transport hors des zones d’autorisation. Pour cette catégorie de fraudeur, la RATP a décidé de mettre en place une campagne de lutte antifraude de sensibilisation et des équipes de médiation sur le terrain afin d’éduquer les voyageurs à l’importance de valider son titre de transport et de prendre les bons tarifs.
- Les fraudeurs « actifs » sont les voyageurs qui n’ont pas de titre de transport, c’est la fraude qu’on appelle « visible ». Pour ce type de fraude, les transporteurs ont déployé sur le terrain des agents afin de contrôler un maximum de voyageurs. Plusieurs opérations de « bouclages » ont été mis en place notamment aux heures de pointe et sur plusieurs jours consécutifs. En deux heures de temps à Gare du Nord une équipe d’intervention à établit près de 2 000 verbalisation.
Après la mise en place des nouvelles applications de la loi Savary les contraventions ont bondi de 2 000 sur un an passant à 14 225 à la SNCF et a fait chuter sensiblement la fraude sur les réseaux de la RATP.
La mise en place de tous ces dispositifs a eu pour effet la diminution de la fraude en Île de France, de 13 à 27% selon les modes de transports.
Le flux important de voyageurs sur le réseau de transport d’Île de France, rend impossible le déploiement d’un nombre suffisant d’agents pour des contrôles systématiques. Ce type d’opération de « bouclages » sont très onéreuses pour les transporteurs et doivent être impérativement rentabilisé par le nombre de PV dressé.
L’IA au service de la lutte antifraude
Une chose est sûre, pour lutter contre la fraude il faut savoir où elle se déroule et à quel moment de la journée ! L’un des leviers principal pour cela, ce sont les données voyageurs.
Les acteurs du transport public ont un appétit sans limite pour les données de voyages de leurs utilisateurs. Une partie des données de voyages (entrées, sorties, heures…) sont récoltées grâce aux Pass utilisant la technologie sans contact NFC. Ainsi, grâce à nos Pass Navigo les transporteurs peuvent rassembler un grand nombre de données sur la fréquentation du réseaux ferré d’Île de France. En revanche pas d’inquiétude, toutes ces données sont anonymisées, impossible de relier le porteur de Pass avec ses données de voyages. De plus, la CNIL s’érige en garde-fou et préconise une suppression des données voyageur après 48h.
Forte de ce savoir, Ixxi, une filiale RATP, a lancé Urban Flow, un outil qui utilise les données voyageurs « anonymisées », précise Pascal Auzannet président d’Ixxi : comptage de passager à bord des bus, système de validation de titre de transport, localisation, heure et date. Urban flow gère 12 millions de données de validation sans contact par jour et de nombreuses informations sur le réseau en temps réelle.
Toutes ces données relatives à la fréquentation du réseau de transport sont couplées à la structure de la ville afin de localiser les pics de fréquentation par centre d’intérêt. En plus de ces données une couche d’analyse de la fraude et de ses facteurs vient s’y ajouter. Grâce à toutes ces données et analyses Urban Flow peut prédire dans quelle station et à quel moment de la journée la fraude se produit. Cet outil prend même en compte la météo, et d’après les statistiques, les jours pluvieux sont des jours où la fraude est en augmentation.
En s’appuyant sur ces données voyageurs et ces prédictions, la RATP peut déployer efficacement ses agents sur le terrain en planifiant leur parcours selon les pics de fraude. Ainsi, une action de « bouclage » sera à chaque fois rentable pour la société de transport. De plus, ce déploiement permet de rendre la lutte antifraude visible de tous et de dissuader de plus en plus de voyageurs de frauder sur le réseau de transport public. Cette solution de lutte antifraude est en test depuis fin 2016 en Île de France sur deux lignes de bus (133 et 69) et une ligne de tram (8). Avis aux fraudeurs !