La France compte environ 51 000 taxis, dont plus d’un tiers circulant dans l’agglomération parisienne et près de 10 000 Véhicules de Tourisme avec Chauffeur (VTC). Tous font partie du quotidien des Parisiens (et des 32 millions de touristes annuels qui visitent la capitale) et des habitants des centre-ville des autres métropoles françaises, que ce soit pour aller à la gare ou à l’aéroport, rentrer de soirées ou se déplacer quand ils sont chargés.
Dans ce contexte, nous assistons depuis plusieurs années à une guerre ouverte entre taxis et véhicules de transport privé. Entre tentatives de libéralisation du marché et volonté de limiter les excès, l’État est souvent renvoyé au rôle d’arbitre… et soumis aux pressions de chaque camp.
Deux offres historiques : les voitures de place et les voitures de remise
Depuis la fin du 17ème siècle, le transport routier de voyageurs est divisé entre les « voitures de place » (disposant d’une licence de stationnement et réalisant des « maraudes » pour trouver des clients) et les « voitures de remise » (c’est-à-dire les véhicules disponibles uniquement sur commande préalable – n’encombrant donc pas la chaussée entre deux courses – et dont les tarifs sont libres).
Au début du 20ème siècle, la professionnalisation des taxis les amène à se regrouper au sein de la « Compagnie Française des Automobiles de Places ».
Cette fédération a obtenu de l’État la limitation du nombre de licences accordées pour éviter la chute des prix par temps de crise (en raison d’une hausse de l’offre, car la profession attire de nombreux chômeurs, et d’une baisse de la demande). Ainsi, en 1937, le nombre de taxis est ainsi divisé par deux en quelques mois.
Après la croissance des années 1970 (et les commandes facilitées par les bornes et radios taxis), les chauffeurs obtiennent en 1973 le droit de revendre leur licence lors de leur départ en retraite, créant ainsi un double marché qui perdure encore aujourd’hui : en 2014 les durées d’attente pour les licences gratuites sont de plus de 10 ans alors que les licences de chauffeurs cessant leur activité se revendent en moyenne à 230 000 € (avec de fortes disparités, de 50 000 et 400 000 euros selon les villes).
Des conditions réglementaires asymétriques
Les chauffeurs de taxis peuvent avoir trois statuts : artisan (à leur compte et disposant d’une licence individuelle), locataire (du véhicule et de la licence correspondante) ou salarié (d’une société de taxi). Le prix des courses est toujours réglementé par l’État.
À l’inverse, les « véhicules de remise » ne nécessitent pas de licences et leurs critères ont été assouplis en 2010. Rebaptisés VTC, ils sont désormais gérés par le Ministère des Finances et sont immatriculés auprès d’Atout France (organisme en charge de la promotion touristique du pays). Les chauffeurs doivent avoir réussi un examen validant leur niveau de conduite et de relation clients et disposer d’un casier judiciaire vierge. Leur développement est considérable depuis 2010 grâce à la révolution digitale : des « centrales de réservation » (comme Uber, Le Cab, Chauffeur-privé….) permettent de les géolocaliser et de les commander en un clic (en payant, généralement à l’avance, par CB un montant forfaitaire), concurrençant ainsi directement les taxis.
Une réponse à la demande insatisfaisante, à Paris comme en province
Depuis 1950, la population de l’agglomération parisienne a augmenté de 72% alors que le nombre de taxis a augmenté de 56% seulement (de 11 000 à 17 000 environ) : à la clé, des files d’attente qui s’allongent (notamment au milieu de la journée et de la nuit et hors des grands axes) et le refus de nombreux taxis de desservir des zones périphériques d’où ils risquent de rentrer « à vide ».
À Paris, où les VTC restent encore très minoritaires (1 pour 2800 habitants), on trouve 1 taxi pour 330 habitants et 80% d’entre eux ont le statut d’artisan. Ils ne roulent pas en continu car la licence impose que le véhicule soit conduit par son propriétaire ou son locataire ce qui nuit à la réactivité en période de pointe comme en période creuse.
La France rejoint ainsi Rome où une tentative de dérégulation a avorté en 2012 suite à de nombreuses grèves. Ce modèle s’oppose à celui de Londres ou New-York où la proportion de taxis n’est pas beaucoup plus élevée qu’à Paris mais où l’offre globale – taxis et VTC – est abondante (1 véhicule pour respectivement 151 et 115 habitants) et peu onéreuse : en effet les taxis ne représentent plus que 25 à 30% du marché.
Mais alors pourquoi, en 2014, la libéralisation du marché n’est-elle pas encore une réalité ? Des éléments d’explication dans la suite de l’article.
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