Lundi 10 juillet 2023, s’est tenu le comité ministériel sur la qualité de l’air en ville. À cette occasion, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a annoncé un assouplissement des restrictions de circulation dans plusieurs agglomérations. Seuls les territoires qui dépassent les seuils de pollution autorisés (à savoir Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen) devront se plier au calendrier de déploiement initialement prévu. La trentaine d’agglomérations en dessous des seuils de pollution, échappera à l’interdiction d’ici 2025 des véhicules de la catégorie « Crit’Air 3 ».
La pollution de l’air constitue un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale. Elle a des répercussions significatives sur la qualité de vie et le bien-être. Le secteur du transport est la première source de pollution atmosphérique en France, il contribue de manière conséquente aux émissions de gaz à effet de serre et à l’émission de particules nocives.
En Europe, près de 90% de la population urbaine est exposée à des niveaux de polluants supérieurs aux seuils jugés nocifs pour la santé.
La loi climat résilience de 2021, qui vise à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par l’Accord de Paris et le Pacte vert pour l’Europe, a étendu les ZFE-m à l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants : 45 agglomérations seront concernées d’ici 2025.
Les ZFE-m, une mesure qui restreint l’accès aux villes
Les Zones à Faibles Émissions sont des territoires dans lesquels est instaurée une interdiction d’accès, le cas échéant sur des plages horaires déterminées, pour certaines catégories de véhicules polluants qui ne répondent pas à certaines normes d’émission. En France, elles sont liées à l’existence de la vignette Crit’Air. Entrée en vigueur en 2017, elle permet de classer les voitures et poids lourds en fonction de l’ancienneté de leur moteur. La responsabilité des ZFE-m revient aux collectivités territoriales qui doivent définir les règles d’application sur leur territoire. Une aide financière accompagne l’instauration d’une ZFE-m: la prime à la conversion augmentée de 1 000€ lorsque le bénéficiaire habite ou travaille dans une ZFE-m. En cas de contrôle, l’amende est de classe 3 fixée à 68€, elle peut monter jusqu’à 135€ pour le conducteur d’un poids lourd, d’un bus ou d’un autocar.
Une réforme qui touche un grand nombre de territoires et d’acteurs qui doivent anticiper ce changement
Les ZFE-m incitent les constructeurs automobiles à innover et à trouver des solutions alternatives aux énergies fossiles. Elles impliquent également les énergéticiens qui doivent produire et fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement de nos voitures. De nombreuses associations sociales prennent également part au débat et représentent les citoyens. Les ZFE vont concerner près de 3 Français sur 5 avec leur mise en place dans toutes les aires urbaines de plus de 150 000 habitants dès 2025.
Ces zones à faibles émissions nécessitent d’adapter ou de renouveler les flottes automobiles en privilégiant les véhicules électriques ou hydrogènes.
Les entreprises s’adaptent et développent des nouvelles solutions de mobilités
Certaines entreprises ont déjà anticipé l’arrivée des ZFE en développant des moyens alternatifs. C’est le cas notamment de GEODIS qui s’est associé à ULS pour livrer la ZFE de Strasbourg. GEODIS a complètement repensé sa façon d’acheminer et de livrer la marchandise dans le centre-ville.
Désormais, une barge fluviale fonctionnant au gaz liquide achemine les colis stockés en périphérie de la ville jusqu’à une plateforme en centre-ville. Elle peut acheminer jusqu’à 112 tonnes de marchandises. Des coursiers à vélos à assistance électrique équipés de remorques prennent le relais pour livrer magasins, commerçants et particuliers dans un isochrone de 12 minutes (soit l’hypercentre-ville) (Livraison et dernier kilomètre). Ils peuvent transporter jusqu’à 118 kg de marchandises. Une quinzaine de véhicules à faibles émissions livre le reste de la ville, ce qui représente environ 400 livraisons quotidiennes.
Ce type de solutions de livraison désengorge la ville et a un impact positif sur la circulation et la pollution.
Les ZFE-m, une mesure partagée par nos voisins européens et déjà des premiers résultats convaincants
La France est loin d’être le seul pays à avoir adopté ce type de mesure. Rien qu’en Europe, on ne dénombrait pas moins de 315 ZFE en 2022 .
Selon l’ADEME, fin 2022, 315 ZFE sont réparties dans 14 pays européens :
Cependant, les modalités d’application diffèrent en fonction des villes et des pays.
Londres, par exemple, a commencé la mise en place de sa ZFE bien avant la France, en 2008. C’est une des plus grandes ZFE avec une superficie totale de 1580 km2, couvrant le grand Londres, elle est découpée en 3 zones délimitées par des péages. La ZFE de Londres fonctionne avec une approche itérative, après chaque nouvelle réglementation, des concertations sont menées. Pour accompagner ces évolutions, un système d’aides a été mis en place notamment une prime à la casse et des aides spécifiques pour les taxis.
La mise en place de la ZFE de Londres a entraîné une modification de la flotte automobile, 94% des véhicules respectent les standards d’émissions contre 34% en 2017. Elle a également permis de réduire la quantité de particules fines de 19% depuis 2016.
La Belgique et notamment la ville de Bruxelles a également mis en place une ZFE en 2018. Cette ZFE d’une superficie de 161 km2, fonctionne avec un système de pass journaliers. Il est possible d’entrer dans la ZFE jusqu’à 20 fois par an, à condition de payer un droit d’entrée. La mise en place de la ZFE de Bruxelles suit un calendrier extrêmement détaillé et mise sur la pédagogie. À chaque changement de réglementation, une période probatoire de trois mois est observée systématiquement. Le système de sanctions a ainsi d’abord été utilisé comme système d’information supplémentaire.
La mise en place de la ZFE de Bruxelles a entraîné une modification de la flotte automobile, la part des véhicules diesel est passée de 62 % à moins de 40 % ces quatre dernières années. Elle a également permis de réduire la concentration en particules fines de 26% entre juin 2018 et octobre 2021.
Les ZFE-m, une mesure qui suscite des débats
Les ZFE-m sont indéniablement bénéfiques pour l’environnement et notre santé en réduisant considérablement la pollution atmosphérique, visuelle et sonore. Cependant, elles sont critiquées en raison de leur potentiel d’exclusion d’une partie de la population. En effet, 38 % des ménages modestes possèdent des véhicules classés Crit’Air 4 ou 5, contre seulement 10 % parmi les ménages aisés. De plus, la nécessité de se conformer aux ZFE-m obligera de nombreux automobilistes à changer de véhicule. Or, le coût d’achat de véhicules à faible émission peut être plus élevé malgré l’existence de primes à la conversion.
Du côté de l’usage, les ZFE risquent de déplacer le problème : si le nombre de bouchons en centre-ville diminuera dans un premier temps, cela risque d’entraîner une augmentation de la demande sur les transports collectifs (souvent saturés) et d’augmenter le trafic en bordure du périmètre des ZFE-m.
En avril 2023, le Sénat a ainsi mené une large consultation en ligne afin de mesurer l’acceptabilité des zones à faibles émissions par les Français. Les ¾ des répondants particuliers et professionnels confondus sont opposés au projet.
Les principaux obstacles à l’acceptabilité de cette mesure sont :
- Le coût d’acquisition d’un véhicule jugé trop onéreux.
- Des métropoles trop peu accessibles depuis les zones péri-urbaines et des offres alternatives à la voiture individuelle insuffisante.
- Ainsi qu’un manque de pertinence des vignettes Crit’Air et une mise en œuvre trop rapide des restrictions de circulation.
Le Sénat a remis le 14 juin 2023 ses recommandations afin d’assurer un déploiement apaisé des ZFE-m.
La décarbonation du secteur des transports est devenue un sujet de premier plan. En juin, les mairies de Paris et de Lyon ont annoncé leur intention d’augmenter le coût du stationnement des SUV en milieu urbain. Parallèlement, les ventes de petits scooters électriques ont augmenté de plus de 50% en un an, tandis que les ventes de deux-roues conventionnels ont baissé de 7%. Ces tendances illustrent l’engagement croissant en faveur de modes de transport plus respectueux de l’environnement, témoignant de l’aspiration tant des collectivités locales que des individus à adopter des solutions de mobilité décarbonée.