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LES TRANSPORTS EN COMMUN : UN NOUVEAU SERVICE PUBLIC ?

Rendre accessible gratuitement son réseau de transport au plus grand nombre, telle est la décision d’une vingtaine de villes en France. La dernière ville à expérimenter ce changement, Niort, devient depuis le 1er Septembre 2017 la plus grande agglomération à proposer un réseau de transport urbain gratuit. L’agglomération compte 45 communes et 120 000 habitants. L’année prochaine, Dunkerque détrônera Niort en instaurant à son tour la gratuité totale des transports, à ce jour effective que le week-end.

Promesse politique, nouveau modèle économique ou préoccupation écologique, la gratuité des transports laisse de nombreux acteurs perplexe. S’applique-t-elle à des villes de plus grande échelle ? peut-on réellement parler de gratuité ? quelles en sont les externalités ?

Le modèle gratuit n’est pas viable partout

Il faut savoir qu’en France, les ressources pour les transports en commun proviennent de trois canaux : les recettes de billetterie, les collectivités locales et la taxe « versement transport » sur la masse salariale des employeurs.

Une caractéristique commune des villes ayant mis en place la gratuité concerne la basse fréquentation des transports en commun. Pour Niort, les recettes de billetterie permettent de couvrir seulement 10% du coût du réseau et les 90% restants sont payés par les entreprises à travers la taxe transport. Ceci a pour but de redynamiser le centre-ville et les transports urbains. A l’inverse, en Ile-de-France, les billets et abonnements représentent une recette non négligeable, 50% du financement du réseau de transport et le réseau de transports est à saturation.

La gratuité ou le déplacement d’un coût ?

La gratuité pour certains, certes, mais pas pour tous. Selon Bruno Gazeau, président de la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports), « un service doit être tarifé, sinon, il y en a d’autres qui paient. Soit ce sont les entreprises, et dans un contexte de volonté de baisse des charges ce n’est pas la meilleure idée de se reposer dessus, soit ce sont tous les citoyens au lieu des usagers à travers les impôts.

Plusieurs modes de financement peuvent coexister :

  • Par la ville : le majeur problème étant que des personnes non résidentes seraient amenées à bénéficier des transports sans les financer ;
  • Par la région : cela s’opérerait à travers la fiscalité au niveau de la région ;
  • Par le versement transport : c’est la solution la plus retenue par les villes françaises ;
  • Par les automobilistes : la logique est de faire payer les automobilistes selon le principe « pollueur-payeur », les automobilistes paient car ils congestionnent la ville et empêchent une circulation fluide des transports en commun. De plus, une décongestion profite directement aux automobilistes ;
  • Le « road pricing »: cela consiste à mettre en place un péage pour l’utilisation de la route ;

Les apports positifs de la gratuité des transports

On constate une hausse à court terme de la fréquentation des transports en commun. Ainsi, des bus qui roulaient parfois à vide sont maintenant remplis. Cela dynamise les moyens de transports en commun et par conséquent les commerces des centres-villes ; et plus largement cela sert la cause sociale. Le transport peut être vu comme un service public gratuit, comme un droit, tel que l’éducation. Dans les villes qui ont adopté ce changement, on retrouve une mixité sociale qui bénéficie de cette gratuité. Un avantage lié de la gratuité réside, selon le maire d’Aubagne qui l’a mise en place en 2009, « dans la baisse drastique de la délinquance dans les transports de l’agglomération, et l’absence quasi-totale des grèves de conducteurs, cauchemar des élus ». Les villes qui avaient peu de fréquentation et donc peu de rentabilité, avaient grand intérêt à installer la gratuité totale.

Du côté opérationnel, la gratuité du transport réduit les coûts d’équipement, les frais de personnel et de billetterie, car certaines tâches comme le contrôle des voyageurs ne sont plus nécessaires. Dans une hypothèse où les frais de billetterie seraient supérieurs aux recettes liées à la vente, cet argument est d’autant plus recevable. Aussi, la gratuité des transports diminue le temps d’embarquement et d’arrêt aux stations lorsque certains passagers achètent les billets auprès du conducteur. Cela permet en effet une meilleure fluidité lors de l’accès et descente du transport.

L’aspect écologique est évidemment à citer dans ce dispositif. On observe un report modal suite à la mise en place de la gratuité des transports. Le report du trafic routier vers les modes de transport collectifs atténue le phénomène de congestion, augmente les vitesses moyennes, et éventuellement de réduire le nombre d’accidents de la circulation. Le stationnement peut aussi être facilité, et l’usure des routes réduite. L’environnement et la santé publique en bénéficient grâce à la diminution de la pollution atmosphérique et des nuisances sonores liées au trafic routier.

Le revers de la gratuité

Le report modal tant espéré par la mise en place de la gratuité concerne finalement peu les automobilistes, aux habitudes parfois ancrées, et attire en premier lieu les cyclistes et les piétons, comme l’illustrent la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) et l’Union des transports publics (UTP). Cela reste à nuancer suivant les villes, comme Châteauroux, où la moitié des nouveaux usagers viennent de la voiture.

Cette gratuité peut s’accompagner d’une vision dégradante du transport, qui devient maintenant le transport des personnes à faible revenu, accessible à tous. Les sociétés de transport, soucieuses de leur bonne image de marque, préfèrent ne pas prendre le risque d’installer la gratuité même si cela serait plus rentable. Une augmentation de la fréquentation entraîne une dégradation de la qualité du service si ce projet ne s’installe pas dans une démarche de rénovation du système de transport. Enfin, on observe une forte augmentation des actes de vandalisme due à l’absence de contrôleurs.

La gratuité des transports en commun est un modèle difficilement transposable, il doit être adapté à la région et sa population. La prochaine mise en place de la gratuité totale à Dunkerque permettra d’étudier les résultats dans une ville à plus grande échelle.

 

Audr3yBISSON

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