Si les premières utilisations des drones ont concerné le domaine militaire, les usages civils sont maintenant en plein développement. Une étude récente a montré que la maintenance des infrastructures représente le principal marché des drones, à hauteur de 41 milliards d’euros en 2015. En effet, des solutions nouvelles apparaissent tous les jours afin d’aider les industriels dans leurs tâches de maintenance.
Si les drones sont aux prémices d’un succès important dans le domaine de la maintenance, la rupture technologique qu’ils engendrent suscite plusieurs interrogations : Quels sont les enjeux et les gains associés à leur utilisation ? Quels défis pour cette nouvelle technologie ?
Le drone, un équipement multitâches pour la maintenance
Les aéronefs sans passager sont aujourd’hui de mieux en mieux adaptés aux différents types d’environnement auxquels les industriels sont confrontés (aquatique, subaquatique, terrestre et aérien). Équipés de technologies diverses et variées, ils autorisent un usage spécifique à chaque besoin de maintenance. D’une part, les caméras et appareils photos embarqués fournissent des observations et des prises de vue permettant d’analyser des incidents à distance. D’autre part, grâce à la miniaturisation des capteurs, les drones sont dorénavant équipés d’équipements thermiques, acoustiques ou encore bathymétriques (cartographie des fonds marins)
Cette diversité autorise un panel très large de missions à réaliser. Les inspections d’ouvrages et d’installations tout comme le diagnostic visuel des infrastructures de réseaux, sont les utilisations les plus courantes. Mais les drones peuvent également être utilisés pour réaliser des missions de prélèvements d’échantillonnages ou encore de relevés topographiques. Le transport de pièces de rechange pourrait également être mis en place rapidement dans certaines usines.
Tous les secteurs sont concernés et les mainteneurs de nombreuses sociétés optimisent leurs interventions grâce à des drones. Des exemples probants nous parviennent des gestionnaires d’infrastructures de transport (SNCF Réseaux), du secteur de l’énergie (ENGIE, Dalkia, EDF), de l’aérien (AirFrance), ou encore des exploitants de centrales photovoltaïques (Duke Energy).
Les gains spécifiques à la maintenance liés à l’utilisation des drones
L’utilisation des drones, en pleine expansion, est justifiée par des enjeux importants et des gains conséquents. Ils peuvent être regroupés en trois catégories principales.
Tout d’abord, les drones répondent à des enjeux humains et environnementaux. Ces derniers permettent en effet de réduire les risques et la pénibilité et de limiter l’exposition des mainteneurs. Ainsi, les opérateurs ne doivent plus monter systématiquement sur un viaduc ou un pylône électrique afin de réaliser leurs tâches. De plus, l’utilisation de drones, électriques, constitue une méthode non intrusive pour l’environnement et réduit l’impact écologique de l’intervention de maintenance.
Ils sont une source de gains économiques conséquents. Le temps consacré à une intervention ainsi que les moyens mis en œuvre sont sans commune mesure avec certaines interventions réalisées en leur absence. Par exemple, lors d’un événement climatique important, l’utilisation des drones permet de repérer plus rapidement les lieux et les natures d’intervention à attribuer aux mainteneurs. De même, l’observation d’un réseau par hélicoptère ou la nécessité d’arrêter l’exploitation pour accéder à l’équipement à diagnostiquer présentent un coût financier bien supérieur. EasyJet utilise ainsi des drones pour réaliser ses inspections visuelles et diminuer au maximum le temps d’immobilisation de ses appareils qui est estimé à 10 000 euros de l’heure.
Enfin, la maintenance est optimisée. Les drones sont des compléments des moyens d’auscultation actuels et renforcent les diagnostics en termes de qualité d’analyse et de fréquence des mesures. Ils rendent accessibles des endroits qui ne l’étaient pas (inspection de l’intérieur des conduits), fournissent des données nouvelles (relevés sur un réseau de chaleur urbain) et contribuent à la réflexion du mainteneur (détection de dysfonctionnement sur des panneaux solaires). Grâce à leur usage, la connaissance du patrimoine et des actifs est renforcée et les priorités de maintenance sont établies au juste nécessaire (quelles coupes d’arbres réalisées à proximité d’un réseau électrique), y compris dans des zones difficiles d’accès (zones urbaines denses, couloirs aériens, ouvrages d’art, …).
Les défis des acteurs de l’écosystème des drones
Si les gains apportés par l’utilisation des drones sont importants, les défis auxquels ils devront faire face le sont tout autant.
En effet, les drones sont généralement électriques et fonctionnent avec des batteries rechargeables. Malgré les améliorations en la matière, aucune n’autorise aujourd’hui une durée d’utilisation suffisante pour satisfaire à tous les besoins de maintenance. C’est d’ailleurs le parent pauvre de l’innovation des aéronefs sans passager : alors que les systèmes de navigation et de prises de vue se sont considérablement améliorés, l’autonomie est restée sensiblement la même au fil des ans. Mais les efforts de recherche et développement prennent dorénavant en compte ce constat rédhibitoire à l’expansion des drones. Et de nouvelles techniques ont été testées ces derniers mois, comme les batteries à hydrogène qui favoriserait le développement du temps d’activité ou l’induction magnétique qui permet de ne plus utiliser de batterie.
Ensuite, les législations nationales ne sont pas homogènes. Le pilotage hors de vue du pilote n’est pas autorisé aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, et la qualification des utilisateurs n’est pas la même suivant les États. Ce flou juridique peut limiter l’utilisation des drones et le développement du secteur. Devant les nombreuses interrogations soulevées, la France s’est dotée d’une réglementation spécifique depuis 2015. Celle ci-définit l’ensemble des règles à respecter par les personnes qui pilotent un drone, notamment dans le cadre d’activités professionnelles. L’Agence européenne de la sécurité aérienne estime quant à elle qu’une réglementation harmonisée sur l’usage des drones civils dans l’Union Européenne est envisageable pour la fin de l’année 2016.
Enfin, le traitement et l’exploitation des données produites par ces engins sont primordiales. De plus en plus nombreuses, elles peuvent occuper de nombreux mainteneurs à plein temps avec le risque qu’ils passent à côté de l’essentiel. Pour contribuer à optimiser la maintenance, des dispositifs de traitement d’informations massives (big data) doivent être conçus. D’une part, ils ont pour objectif d’automatiser tout ou partie du traitement des données afin d’aider les experts métier. D’autre part, ces dispositifs permettent d’améliorer la traçabilité car toutes les informations relevées par le drone sont triées et accessibles. Les éditeurs de GMAO (Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur) et les spécialistes de l’exploitation des données proposent d’ores et déjà des premières solutions et travaillent activement à optimiser la puissance de traitement des données de leurs outils.
En conclusion, les drones s’imposent incontestablement comme un moyen d’optimiser la maintenance. Certaines entreprises, comme la SNCF, se projettent déjà au-delà des problématiques du moment. La société a ainsi signé un partenariat avec l’ONERA en 2015 pour parvenir à former des flottes de drones capables de communiquer ensemble et d’interagir afin de se répartir les tâches. L’opérateur ferroviaire voit même encore plus loin en imaginant des drones qui patrouillent seuls et détectent des problèmes en temps réels. Mais de nouvelles questions vont apparaître, aussi bien au niveau législatif qu’organisationnel : quelle réglementation pour ces vols autonomes, interdits aujourd’hui en France ? Une communication de machine à machine sans validation des informations métier par un humain sera-t-elle mise en place ?