Avec des taux de croissance annuelle annoncés de 4,2%[1] par l’ACI et 5,1%[2] par l’IATA, le marché du transport aérien africain est aujourd’hui très attractif, aussi bien pour le transport intracontinental que pour les liaisons entre l’Afrique et le reste du monde. Représentant à peine 3% du trafic mondial[3], l’Afrique constitue pourtant un tel « réservoir de croissance »[4] avec l’avènement des classes moyennes désireuses de voyager que la question de la place et de la stratégie de développement d’Air France sur ce continent se pose. La concurrence entre compagnies aériennes dans leur ambition de regarder vers la Chine fera-t-elle de l’Afrique un échiquier d’alliances ?
Des compagnies étrangères leaders et concurrentes sur les liaisons intercontinentales
Après avoir accueilli son troisième Dreamliner[5], Air France a précisé les destinations de ses Boeing 787-9 pour la prochaine saison aéronautique d’hiver. Parmi elles, la part belle est faite au continent africain avec cinq destinations en Afrique de l’Ouest qui bénéficient des nouvelles cabines de la compagnie[6]. La desserte de l’Afrique de l’Ouest par Air France place le groupe Air France-KLM au rang de leader des dessertes entre le continent africain et l’Europe. Après l’échec des compagnies africaines à s’implanter durablement sur leur territoire à la suite de gestions économiques désastreuses (sous-capitalisations, influence étatique, business models non adaptés, etc.)[7], le continent africain a en effet vu se développer le poids des compagnies étrangères, européennes (Air France, KLM et Brussels Airlines – groupe Lufthansa – en Afrique de l’Ouest et British Airways en Afrique de l’Est) dans un premier temps, puis celles du Moyen-Orient (Emirates, Qatar Airways, Etihad et surtout Turkish Airlines avec une cinquantaine de destinations) plus récemment. L’IATA estime ainsi que le trafic aérien entre l’Afrique et le reste du monde est contrôlé à plus de 80% par des compagnies aériennes non africaines[8].
Des freins au développement du marché intra-africain et à l’instauration d’un marché unique
Sur les lignes intérieures, d’une part, la portée du low cost, catalyseur de développement du transport aérien, y est très faible, excepté en Afrique du Sud et en Tanzanie[9], pays au potentiel économique et touristique attractif. Cela est dû en partie à l’absence d’open sky, conséquence de l’application timide de la Décision de Yamoussoukro (1999)[10]. Celle-ci libéraliserait le secteur en levant les barrières au développement du marché intra-africain (octroi de la 5e liberté de l’air, réglementation des tarifs, exigences de capacité, etc.) et favoriserait ainsi la concurrence sur le continent. D’autre part, les infrastructures aéroportuaires et de navigation aérienne vétustes et défaillantes, la taxation exorbitante, les coûts d’assurance et d’assistance aéroportuaire et le prix du kérosène très élevés[11] représentent des verrous au développement du trafic. Enfin, l’instabilité politique de certains pays qui a conduit à un effondrement du tourisme, et les guerres dans d’autres noircissent le tableau.
Des développements concurrentiels structurés en hubs intercontinentaux
Pourtant, les perspectives des professionnels du secteur sont bonnes et la libéralisation du ciel africain possible pour les prochaines années[12]. Selon, l’OACI[13], le continent a enregistré une progression de 5,7% de son trafic aérien en 2016, contre 2,3 % en 2015. Côté constructeur, Airbus[14] et Boeing[15] s’accordent sur des commandes supérieures à 1000 appareils. Côté compagnies, deux tirent leur épingle du jeu africain et prospèrent en se développent via leurs hubs respectifs bien connectés à la Chine[16], Addis-Abeba et Casablanca : Ethiopian Airlines, membre de Star Alliance et compagnie inaugurale de l’exploitation des Boeing 767 et 787 et de l’Airbus A350 sur le continent, et la puissante et bien installée Royal Air Maroc. Dans le même temps, le groupe Air France-KLM fourbit ses armes en vue de la compétition[17] : à l’Est il mise sur ses accords avec Kenya Airways pour les lignes Afrique-Asie, à l’Ouest il intensifie son partenariat avec Air Côte d’Ivoire pour les lignes intra-africaines. Quant au Maghreb, Air France accentue depuis ce printemps les vols vers le Maroc (retour vers Marrakech, densification sur Rabat et Agadir et ouverture de Tanger).
Si les pays du Golfe ont réussi le pari gagnant des liaisons Europe-Asie, l’heure est aujourd’hui pour Air France-KLM à l’affirmation de sa stratégie sur les lignes Europe-Afrique et Afrique-Asie. C’est tout l’enjeu du projet stratégique Trust Together : reprendre l’offensive sur le long-courrier et approfondir ses alliances[18].