Avec 8500 km de voies fluviales, la France possède le plus long réseau de voies navigables d’Europe [1]. Ce réseau, couplé au positionnement du pays (au carrefour de l’Europe), ainsi qu’à ses multiples ports, offrent un immense potentiel de développement au fret fluvial en France.
Toutefois, malgré les 18 millions de passagers et les 29,7 millions de tonnes de marchandises transportées en 2018, la part française du transport fluvial reste faible. En 2017, cette part ne représentait que 1,9% du fret, contre 88,5% pour le transport routier [2], là où elle dépasse déjà les 7%, en moyenne, chez nos voisins européens.
Mais après constatation de la saturation des réseaux routiers et aériens, et cherchant des réponses aux défis énergétiques actuels, le gouvernement français ainsi que l’UE ont finalement décidé de parier sur les nombreux atouts du transport fluvial.
Le retour d’un mode de transport longtemps laissé à l’abandon
Considéré comme un mode de transport majeur dans les années 70, le transport fluvial a ensuite connu un déclin important. Longtemps délaissé, à cause de la lenteur de ses acheminements mais aussi de la diminution de l’industrie lourde et des transports pondéreux, le réseau et l’ensemble de ses infrastructures sont rapidement devenus vétustes et le cadre législatif, obsolète. [3]
Aujourd’hui, l’Etat et les organisations compétentes telle que la VNF (Voies Navigables en France) ont pour objectif de réintégrer le transport fluvial au cœur des chaines logistiques et de tirer profit du potentiel économique de ce marché. Ainsi, les cadres législatifs et réglementaires relatifs à l’affrètement et aux conditions d’accès à la profession ont été revus et l’entretien ainsi que la restauration du réseau se sont améliorés.
En parallèle, les entreprises ont su cerner les atouts économiques de ce mode de transport. Avec des capacités de transport massives, diverses méthodes de conditionnements et la fiabilité de son réseau, le fret fluvial promet à ses clients une diminution de leurs coûts [4]. Des éléments différenciants qui lui ont d’ailleurs permis d’attirer de nouveaux marchés tel que le transport des déchets.
En moyenne, 1 bateau de 4400 tonnes équivaut à l’utilisation d’environ 220 camions de 20 tonnes, soit près de 4 trains [5]. Une capacité sous-consommée, qui permettrait pourtant de tripler voire quadrupler les flux sans congestion du réseau fluvial.
Par ailleurs, les formalités administratives se veulent plus simples et tendent à être davantage optimisées en tirant profit de la digitalisation. Enfin, avec un taux de fiabilité de près de 98%, le transport fluvial se veut être l’un des transports les plus sûrs sur le marché, faisant de ce dernier l’un des plus compétitifs dans les années à venir.
Fort de ces nombreux avantages, le fret fluvial peut être aujourd’hui en mesure de répondre aux enjeux économiques actuels.
Un mode de transport qui répond aux enjeux de la transition écologique
Mais au-delà des aspects économiques évoqués, le transport fluvial a, avant tout, des atouts écologiques [6] qui répondent aux problématiques de transition auxquelles la France doit faire face. Pour cause, le transport fluvial est, par sa massification, l’un des transports les moins émetteurs et consommateurs d’énergie.
Par ailleurs, le fret fluvial tend vers un modèle décarboné, qui lui permettrait d’être davantage respectueux de l’environnement. En effet, de nouvelles technologies de mobilités moins polluantes se développent aussi sur le marché du transport fluvial, avec notamment des bateaux hybrides voire électriques. C’est par exemple le cas du bateau entrepôt à propulsion 100% électrique utilisé par Fludis en Ile-de-France.
Un pari pour l’avenir fait par le gouvernement
Le développement du fret fluvial est ainsi devenu l’un des axes stratégiques du Ministère de la Transition écologique et solidaire, qui l’intègre peu à peu au cœur de ses projets de transition énergétique en France.
Le 4 octobre 2019, l’Etat a signé un accord en faveur du financement du Canal Seine-Nord Europe. Ce projet, dont la mise en service est planifiée pour 2028, reliera l’Oise au canal Dunkerque-Escaut et permettra notamment de connecter l’Ile de France aux ports de Dunkerque, d’Anvers et de Rotterdam. Réalisé selon une démarche d’écoconception, ce canal dit de « grand gabarit », visera aussi à développer l’économie locale et devrait engendrer de multiples retombées économiques positives. [7]
En parallèle, l’organisation VNF (Voies Navigables en France), en collaboration avec un acteur du e-commerce, a inauguré le projet Fludis [8] en 2019. En proposant la préparation des colis à bord de son bateau entrepôt au cours des phases d’acheminement, et le transport de vélos-cargos pour répondre aux problématiques de dernier kilomètre, ce projet innovant propose d’expérimenter une nouvelle forme de logistique urbaine.
Enfin, de nombreux plans d’aide [9] ont été instaurés en faveur du développement du fret fluvial, tels que :
- Le Plan d’aide à la modernisation de la flotte fluviale (PAMI), visant à obtenir des bateaux plus économes et écologiques ;
- Le Plan d’aide au report modal (PARM) ayant pour objectif de convaincre les chargeurs d’étudier la possibilité de faire transporter leurs marchandises par la voie fluviale.
En sus, VNF a mis à disposition un éco-calculateur en ligne, permettant de simuler les différences de coûts économiques et écologiques pour un même trajet réalisé par la voie routière ou par la voie fluviale. Un outil qui devrait permettre aux entreprises intéressées d’évaluer l’impact de la réorientation de leurs chaines logistiques autour de ce mode de transport en vogue. [10]
Ainsi, avec seulement 8 milliards de tonnes-kilomètres transportées chaque année, là où l’Allemagne en transporte 8 fois plus, le potentiel de croissance économique du transport fluvial se veut prometteur pour les années à venir en France [11]. De même, il est certain que l’utilisation du fret fluvial permettrait une minimisation de l’impact de notre économie moderne sur l’environnement. Cependant, bien que le transport fluvial semble voué à s’ancrer comme axe stratégique de la transition écologique actuelle, les travaux de modernisation des infrastructures, estimés à 240 millions d’euros par an pour une durée de 10 ans, restent conséquents et les défis encore nombreux. [12]
[SOURCES]
[1] et [3] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/generalites-sur-transport-et-reseau-fluvial-en-france
[7] https://www.canal-seine-nord-europe.fr/
[8] https://fludis.eu/expertise/
[9] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/laction-letat-en-faveur-du-transport-fluvial