La loi Macron, qui scellera la libéralisation du marché national de l’autocar, devrait être adoptée avant le 14 juillet. Bien que Guillaume Pepy envisage l’arrivée de nouveaux acteurs du transport interrégional en France avec sérénité, voire enthousiasme, la SNCF va devoir réaliser une transformation complète : « […] ce n’est plus le monopole du train en France. C’est une entreprise de service qui doit offrir une solution en toute circonstance. » a-t-il déclaré le 21 juin dernier.
La SNCF a d’ores et déjà fait ses comptes : la mise en application du projet de loi Macron entraînerait une perte annuelle de chiffre d’affaires qui pourrait atteindre 200 millions d’euros : 150 pour les TGV et 50 pour les Intercités. La facture liée à la concurrence des autocars s’annonce donc salée.
Une densification du réseau autocar dès cet été
Une centaine de nouvelles lignes d’autocar devrait ouvrir en France dès le mois de juillet. Acteurs historiques comme nouveaux opérateurs privilégient les lignes radiales reliant Paris aux grandes métropoles régionales mais aussi les liaisons transversales entre grandes villes régionales, parfois mal desservies par le train. Selon le comparateur en ligne GoEuro, pas moins de 25 compagnies devraient se lancer dès l’ouverture du marché et 25 autres dans la première année de libéralisation.
La distance minimale entre deux villes reliées (selon le projet de loi) pour pouvoir ouvrir librement une ligne devrait être de 100 km : c’est l’un des principaux sujets de débat dans ce dossier car la SNCF et les collectivités locales estiment que l’offre de transport en autocar concurrencera ainsi directement les trains régionaux. En effet, les autocaristes desserviraient ainsi 75% des lignes actuellement opérées via des trains Intercités.
En Allemagne au contraire, où le seuil a été fixé à 50 kilomètres, la libéralisation du secteur a davantage impacté le trafic des ICE (les équivalents des TGV) de la Deutsche Bahn que les trains régionaux , comme sur l’axe Berlin-Hambourg par exemple. En effet, les clients se sont avérés plus sensibles au prix qu’à la durée du trajet. La perte de chiffre d’affaires pour l’opérateur ferroviaire allemand est estimée à 120 millions d’euros en 2014. En guise de riposte, ce dernier a prévu d’étendre son réseau : plus de 150 trajets supplémentaires devraient être proposés par jour et, dès 2016, près de 190 nouvelles liaisons directes entre les 50 principales villes allemandes.
Intercités et TGV en perte de vitesse
La libéralisation du transport en autocar risque de ne pas faire les affaires du groupe SNCF, déjà fortement concurrencé par le covoiturage et les compagnies aériennes (comme Hop qui vient de lancer une nouvelle tarification agressive pour se positionner face aux acteurs low cost).
Pour Intercités, dont aucune ligne – hormis Paris-Toulouse et Caen-Cherbourg- n’est rentable, le report des clients du train vers l’autocar représenterait une perte d’une cinquantaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, soit plus de 7% des recettes commerciales. Pour anticiper l’arrivée de la concurrence, SNCF a lancé une grille tarifaire très agressive et innovante avec l’ouverture de tarifs réduits de 50% entre J-5 et J-2 avant le départ.
Pour le TGV, cette nouvelle donne intervient alors que la marge opérationnelle se réduit à mesure que le prix des péages sur les lignes à grande vitesse augmente (+800 millions d’euros au cours des six dernières années).
Côté groupe SNCF : une vision plus contrastée
Cependant, le groupe SNCF vivra également l’ouverture du marché de l’autocar à travers sa filiale iDBUS pour qui cela représentera une formidable opportunité de développement. Alors que son principal concurrent, le groupe Transdev, a prévu de lancer ses nouvelles dessertes dès le 10 juillet, iDBUS attendra septembre avant de densifier son réseau sur le territoire français. Afin de rester dans la course, la filiale du groupe SNCF emploie les grands moyens, tant en termes d’effectifs que de matériel : 200 nouveaux « capitaines » (conducteurs de bus), 80 employés sédentaires additionnels et 80 nouveaux autocars (soit près du double du parc actuel). iDBUS détiendra en propre la quasi-totalité de ses autocars, contrairement à ses concurrents qui usent de contrats de sous-traitance.
Le tracé des futures lignes nationales iDBUS n’a pas encore été dévoilé au grand public mais maintenant que la libéralisation va devenir une réalité, le besoin de rentabilité de la filiale se fera plus pressant et la stratégie du groupe pourrait s’avérer plus complexe….En effet, l’objectif est bien répliquer aux concurrents et prendre des positions stratégiques tout en évitant de cannibaliser la clientèle du train.
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