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La route solaire, révolution technologique durable ou utopie ?

Le 22 décembre 2016, Ségolène Royal, ministre de l’environnement, a inauguré à Tourouvre-au-Perche (Normandie) la première route solaire française. Longue d’un kilomètre, la route solaire s’inscrit dans la démarche de transition énergétique.

Selon les prévisions, la demande énergétique mondiale sera multipliée par 2 d’ici 2050. L’étude des possibilités offertes par l’énergie solaire devient donc extrêmement pertinente pour répondre à la demande croissante. Par ailleurs, les études menées sur les panneaux photovoltaïques (PV) ont de quoi faire rêver : avec 1% de la surface des déserts de la planète équipée de PV, nous pourrions répondre aux besoins énergétiques mondiaux. Si l’on étend l’analyse au réseau routier, équiper 10% du réseau planétaire permettrait de couvrir la totalité des besoins électriques mondiaux.

Le concept de la route solaire n’est pas nouveau. En effet, un couple d’Américains, Julie et Scott Brusaw, ont fondé il y a quelques années la start-up Solar Roadways qui développe des dalles photovoltaïques pour construire des autoroutes intelligentes. Depuis, des initiatives similaires ont été lancées dans plusieurs pays, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas. Cependant, le projet français, baptisé Wattway, se démarque par son échelle. Jusqu’alors, seules de petites portions de routes solaires avaient été installées (entre 20 et 100m2). Avec le projet Wattway, la France s’est dotée d’un kilomètre de route solaire, soit 2800m2, pour un montant de 5 millions d’euros. Le projet a été initié par le groupe Colas, filiale du groupe Bouygues, en partenariat avec l’Institut National de l’Energie Solaire (INES) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Comment est conçue la route solaire ?

Chaque dalle est composée de cellules de silicium polycristallin de 15 cm de côté qui transforment l’énergie solaire en électricité. Extrêmement fragiles, les cellules photovoltaïques sont enrobées dans un substrat multicouches composé de résines et de polymères, suffisamment translucides pour laisser passer la lumière du soleil et assez résistants pour supporter la circulation de poids lourds. La surface au contact des roues des véhicules est traitée pour fournir une adhérence équivalente à celle des enrobés routiers traditionnels. Les dalles, raccordées à un bâtiment ou au réseau de distribution d’électricité d’ERDF, peuvent « s’adapter à tous les types de routes » et « supporter la circulation de tout type de véhicules, y compris les poids lourds », affirme Colas. L’électricité produite rejoint le réseau de distribution local via un raccordement direct

Quelles sont ses avantages ?

Tout d’abord, les dimensions des dalles ont été conçues pour s’adapter à toutes les routes, permettant ainsi un déploiement rapide aux niveaux national et international. De plus, les dalles photovoltaïques peuvent être posées directement sur la chaussée et ne nécessitent donc pas de travaux de génie civil préalables, réduisant ainsi le coût des travaux. Concernant l’entretien, les routes solaires ne semblent pas requérir d’entretien particulier par rapport aux routes existantes. Enfin, en cas de problème, l’architecture électrique est conçue de manière à éviter que la panne d’une seule cellule mette tout le panneau hors circuit.
En termes de transition et d’indépendance énergétique, la couverture d’un quart du réseau routier « assurerait l’indépendance énergétique de la France », résume son PDG, Hervé Le Bouc, dans un entretien aux Echos du 14 octobre 2016. La route solaire permettra « une production d’énergie locale et pérenne en circuit court ».

De nombreuses applications sont envisagées

Les applications de la route solaire sont nombreuses. L’énergie produite pourrait alimenter en électricité les maisons et immeubles, le mobilier urbain, le réseau d’éclairage public, les parkings ou encore les tramways. Pour le secteur du transport, la route solaire ouvre la voie à la route et aux transports intelligents :

/ Gestion du trafic en temps réel : répartition des flux de véhicules en fonction des heures de pointe, diminution des embouteillages, réorientation des flux en cas d’accidents ou travaux…

/ Recharge dynamique des véhicules électriques : la technologie de recharge par induction est à l’étude. De nombreux industriels ont promis des applications commerciales en 2017. Aujourd’hui, 100 m² de panneaux PV Wattway fournissent l’énergie nécessaire pour parcourir 100 000 km par an en véhicule électrique.

/ Suppression des effets du verglas : selon Colas, les dalles Wattway permettraient de supprimer les effets du verglas, ce qui impliquerait des réductions de coûts pour dessaler les routes et une diminution du nombre d’accidents liés au verglas

/ Développement de transports en commun et véhicules « propres » : les routes solaires permettraient de produire l’énergie nécessaire pour alimenter des tramways ou des véhicules électriques.

/ Plus globalement, cette initiative permet d’imaginer des applications dans d’autres infrastructures de transport. En effet, quid d’équiper le tarmac de l’aéroport Charles De Gaulle ou la piste cyclable Eurovelo de dalles Wattway ? Ceci permettrait de diminuer les coûts énergétiques des infrastructures et produire de l’énergie propre à plus grande échelle.

Cependant, la route solaire a encore du chemin à parcourir

Les critiques ont été nombreuses et ne se sont pas fait attendre. 3 problèmes majeurs ont été soulevés : le rendement énergétique incertain, le coût élevé et la durée de vie du produit.

Colas a annoncé que la technologie Wattway a un rendement photovoltaïque de 15%, contre 20% pour les panneaux solaires de toit. Cependant, ce rendement ne prend pas en compte l’absence d’inclinaison des panneaux solaires orientés vers le soleil. A cela il convient de prendre en compte la circulation et la présence d’obstacle bloquant la lumière telle que la neige ou la boue. Le rendement électrique initial de 15% devrait être revu à la baisse. Par ailleurs, à 17 € le watt-crête (unité de mesure PV), le projet est bien au-dessus des standards des centrales au sol ou en toiture, qui ne dépassent pas 1,30 euro le Wc. Bien que Colas ait pour objectif de diminuer le prix pour atteindre 6 euros le watt-crête, le modèle économique est fragile. « Les routes solaires en France sont bien moins efficientes et plus coûteuses que le solaire PV en toiture, les ombrières PV de parkings et les centrales solaires au sol », a commenté Mark Jacobson, directeur du programme énergie et atmosphère à l’université Stanford et fondateur de The Solution Project.

Jenny Chase, directrice des analyses solaires au sein de Bloomberg New Energy Finance (Bnef), va encore plus loin dans sa critique. Avec un coût de 5 millions d’euros, « les routes solaires semblent être un moyen de subventionner les entreprises françaises, pas un moyen de produire de l’électricité ». Enfin, aucune information ne permet de déterminer avec certitude la durée de vie du produit.

Quels projets pour la route solaire ?

En France, Ségolène Royal a également annoncé le développement de Wattway sur 3 autres sites : le Grand port maritime de Marseille, une aire de repos et une route nationale en Bretagne. A terme, la ministre de l’environnement souhaite construire 1000 km de route solaire en France à l’horizon 2021.

A l’international, les Etats-Unis et les ingénieurs de Solar Roadways seraient actuellement en discussion pour équiper la mythique Route 66 d’un revêtement constitué de panneaux photovoltaïques. L’Allemagne a également le projet d’ouvrir une route solaire test de 150m près de Cologne. Colas espère quant à lui conquérir les marchés étrangers comme l’Afrique, le Chine ou encore le Maroc, qui ont manifesté leur intérêt lors de la COP22 de novembre dernier.

 

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