La journée sans voiture s’est déroulée à Paris le dimanche 16 septembre dernier pour la quatrième année consécutive. Pour quelques heures les piétons ont eu tout le loisir de se déplacer sur la voie publique, à la redécouverte d’une capitale sans véhicule motorisé (ou presque).
Paris sans voiture, c’est un air un peu plus pur et une ville un peu moins bruyante. Paris sans voiture, c’est aussi un challenge d’organisation pour certains riverains.
Mais si la balade fut pour beaucoup agréable, le véritable enjeu de cette journée va bien plus loin qu’un « On respire mieux, non ? »
Comment préparer en une journée le terrain pour les innovations de la mobilité ?
La journée sans voiture : qu’est-ce que c’est ?
La « journée sans voiture » est une initiative mondiale qui existe depuis 1998, même si quelques villes l’ont expérimentée épisodiquement depuis la moitié du XXème siècle. Cette journée mondiale est née en réponse à l’inquiétude grandissante de la population face à la pollution urbaine. En 2001, l’Union Européenne a inclus cette journée dans la « semaine européenne de la mobilité ». Pendant cette semaine thématique, les Etats participants s’engagent à sensibiliser leurs citoyens sur un sujet particulier chaque année. Cette année, du 16 au 22 septembre, le thème était « Mix and Move », soit la multimodalité. Il s’agissait donc de sensibiliser sur l’impact positif de l’utilisation de plusieurs moyens de transports par trajet pour l’environnement et la qualité de vie. Une sensibilisation qui pouvait se faire, entre autres moyens, par l’organisation d’une journée sans voiture.
Cette année, la journée mondiale sans voiture se déroulait le samedi 22 septembre.
Paris et Bruxelles ont de leur côté décidé de la mettre en place systématiquement un dimanche, cette année le 16 septembre.
Mais qu’est-ce qu’une journée sans voiture, concrètement ?
Une journée sans voiture représente souvent quelques heures d’un samedi ou dimanche où les voies publiques sont restreintes d’accès pour les véhicules motorisés à essence. Dans de nombreuses villes européennes, la journée sans voiture n’interdit en réalité pas sa circulation, mais est plutôt une journée de sensibilisation aux différents modes de transports.
Cependant, dans certaines capitales comme Paris ou Bruxelles, l’interdiction de la voiture est bien actée.
Cette année à Paris, comme pour l’édition 2017, toute la capitale a été fermée aux véhicules, y compris électriques et deux-roues, entre 11h et 18h (entre 9h et 20h autour de l’avenue des Champs-Elysées). Le périphérique était ouvert à la circulation, et tous les véhicules d’urgence ont pu circuler, ainsi que les transports en commun, et les taxis et VTC à la vitesse maximale de 30km/h.
Quelques exceptions ont été faites pour les titulaires de carte de stationnement pour personne handicapée, les camions de déménagement et pour les résidents parisiens : possibilité de sortir de la capitale ou regagner leur domicile sur présentation d’un justificatif de domicile. Un important dispositif de contrôle des accès aux différents périmètres a été déployé par la police, et les contrevenants aux exigences de cette journée ont pu recevoir une contravention de 35€.
Si l’interdiction de la voiture semble au centre de cette opération, elle n’est pas l’objectif en soi de cette journée, mais plus un moyen.
En effet, par son impact fort sur la journée du citadin et sur le partage de la voie publique, l’interdiction de la voiture pour une journée pousse à une réflexion plus holistique sur la mobilité urbaine. Le but de cette journée est de sensibiliser avant tout sur les nombreux choix de transports en ville, et sur l’impact positif de la multimodalité sur la qualité de vie.
Plusieurs ateliers de sensibilisation autour de la qualité de l’air et de la meilleure utilisation des transports en communs ont été organisés dans la capitale. Airparif, l’association de référence pour la mesure de la qualité de l’air de la capitale, a circulé ainsi toute la journée dans les zones coupées à la circulation pour sensibiliser les passants sur la pollution atmosphérique. Quant à la préfecture de police, elle a notamment organisé des ateliers pour sensibiliser à la circulation en vélo et à la sécurité routière en ville.
Bilan de l’année 2018 à Paris et ailleurs
Cette journée 2018, l’interdiction de la voiture a été plutôt bien respectée, en particulier aux entrées de la ville où des contrôles ont filtré le passage des voitures.
Airparif a pu constater que cette année encore la baisse de dioxyde d’azote dans l’air parisien était significative. En effet, par rapport au dimanche 24 septembre 2017 (météorologie similaire), l’association a pu observer des baisses sensibles allant de -28% à -35% de dioxyde d’azote sur les stations Airparif d’Haussmann, Opéra, du quai des Célestins et des Champs-Elysées.
Néanmoins, à l’échelle de la région, toujours selon les données d’Airparif, entre samedi 15 et lundi 18, la pollution au dioxyde d’azote était croissante, malgré la journée sans voiture. Les conditions météos étaient en effet très défavorables à la dispersion des polluants (faible vent et ensoleillement). Il faut rappeler qu’à l’échelle régionale, le trafic n’est responsable que de la moitié des émissions de dioxyde d’azote, l’autre moitié étant liée à l’industrie ou encore au chauffage.
Cette journée sans voiture permet de se poser aussi la question de l’impact de la fermeture de Paris sur la pollution des proches banlieues et de la région Ile-de-France. Par quelle nouvelle mobilité, ou par quelle nouvelle mesure impactant les trajets quotidiens des Franciliens, la qualité de l’air pourra être durablement améliorée ?
A Bruxelles, le bilan atmosphérique s’est aussi bien amélioré en cette journée sans voiture. En effet, Pascal Smet, le ministre de la mobilité de la région bruxelloise, a souligné que par rapport au 16 septembre 2017, la pollution était réduite de 30%.
La journée sans voiture, un accélérateur de multimodalité ?
Si l’impact qu’a la journée sans voiture sur la qualité de l’air est certes marquant, il ne dure qu’une journée par an.
En réalité, le but de cette journée n’est pas de réduire ponctuellement la pollution. C’est un moyen, qui sert à l’enjeu plus large qui est d’utiliser le changement de comportement qu’implique une journée sans voiture pour marquer les esprits, et ainsi entamer ou perpétrer une réflexion commune autour de la mobilité urbaine.
Et il est en cela remarquable que la journée sans voiture soit un tremplin pour annoncer de nouvelles mesures ou innovation en matière de mobilité urbaine. En effet, à l’issu de cette journée sans voiture 2018 :
- La maire de Paris annonce que tous les premiers dimanche du mois, à partir du 7 octobre, les 4 premiers arrondissements de Paris seront fermés à la circulation (sauf grands axes de passage routiers), à l’exception des transports en commun et mobilités douces.
- Le ministre de la mobilité de la région Bruxelloise annonce qu’un projet est en cours pour réduire ou même arrêter le trafic de voiture autour des écoles.
- Les villes de Paris, Bruxelles et Luxembourg s’engagent en proposant pour 2019 une journée sans voiture véritablement européenne.
Ailleurs que dans des capitales, certaines villes utilisent aussi la journée sans voiture comme premier pas dans une démarche de réflexion sur la mobilité urbaine. Ainsi dans la ville de Limoge, la première journée sans voiture du 22 septembre 2018 a été l’occasion d’annoncer une profonde réflexion sur la refonte probable de l’organisation de la voie publique en centre-ville.
La journée sans voiture permet aussi d’améliorer la réflexion sur l’usage des transports en ville grâce aux différentes critiques et questions auxquelles elle peut faire face. Comment préparer et conduire le changement ? Comment ne pas aliéner les riverains, ou les habitants de la banlieue parisienne qui travaillent à Paris ? Comment réduire de manière régionale la pollution atmosphérique durablement, et non seulement ponctuellement ou en situation d’urgence ? Quelle nouvelle mobilité, quelle nouvelle manière de construire ou concevoir la ville, pour atteindre une cohabitation sereine et durable des différents modes de transports et modes de vies ?
Ces questions, stimulantes et cruciales, sont précieuses pour la démarche d’une ville 2.0, et pour envisager le plus clairement possible la multimodalité. Elles en appellent aux politiques et aux industries à continuer cette vague de fond de changement de la mobilité.
En conclusion, la journée sans voiture, c’est une fenêtre ouverte sur une ville à réfléchir et à redécouvrir en prenant en compte toutes les parties prenantes. Une ville plus intelligente, qui sait adapter les voies publiques et les transports en commun en fonction des trajets et besoins des habitants, tout en prenant en compte la durabilité de ces transports face aux enjeux environnementaux et de santé publique. Rappelons-nous que selon un rapport de la CCE (Cour des Comptes Européennes) du 11/09/2018, 400 000 décès prématurés sont dus à la pollution de l’air en Europe chaque année.