Il y a foule le samedi après-midi à la gare Saint Lazare. Il ne s’agit pourtant pas que de voyageurs. Ces personnes qui n’ont pas l’intention de prendre le train sont venues pour faire du lèche-vitrine dans l’une des 80 boutiques de la gare, prendre un café au Lazare, restaurant du chef étoilé Eric Fréchon ou bien s’essayer au double Whopper chez Burger King.
Retour sur le modèle économique et le nouveau visage de la concession en gare, conciliant innovation, satisfaction client et rentabilité.
La concession, c’est quoi ?
En droit général, la concession est un contrat commercial entre un concessionnaire, détenteur d’un droit et un concédant, qui autorise l’utilisation du droit par le concédant.
Dans le cas de la concession en gare, le concessionnaire (Gares & Connexions ou sa filiale A2C en charge de la commercialisation et de la gestion des espaces commerciaux en gare) va attribuer une convention d’occupation temporaire du domaine public ferroviaire au concédant. Ce contrat est attribué dans le cadre d’un appel d’offres soumis au code des marchés publics et permet au concédant d’occuper et d’exploiter un emplacement dans la gare pendant la période du contrat (5 ans ou plus).
Le modèle de la concession présente des avantages pour les deux parties.
L’exploitant n’a pas de droit d’entrée à payer, ni de fonds de commerce à acquérir. Il bénéficie en plus d’un emplacement au cœur de la ville, avec une zone de chalandise exceptionnelle.
De son côté, la concession permet à la SNCF de mieux valoriser la gare, d’en faire un lieu de vie dans la ville. De plus, le concessionnaire limite son risque financier : il externalise des activités, qui ne constituent pas son cœur de métier (par exemple, la restauration) à des acteurs ayant un meilleur savoir-faire et en mesure de proposer des offres clés en main. Il perçoit par ailleurs des redevances liées à l’occupation des espaces.
Dans les grandes gares, des concessions variées et innovantes pour répondre aux envies de tous les voyageurs
Les formes de concession en gare sont multiples. Les concessions les plus courantes portent sur les commerces de restauration, presse, et distribution automatique. Revenons sur quelques exemples représentatifs.
Elior a remporté en 2011 l’appel d’offres portant sur les espaces de restauration du hall 2 de la Gare de Lyon. L’acteur a fait venir de nouvelles enseignes comme Paul, Costa Coffee, Daily Monop’, Berko ou Fauchon.
Espaces de restauration du hall 2 à la Gare de Lyon (Crédit photo : SNCF-AREP / Photo M. Lee Vigneau)
Relay, filiale du groupe Lagardère, a remporté en 2013 l’appel d’offres portant sur l’exploitation des points de vente presse en gare. Face au déclin de la presse, la SNCF et Relay ont annoncé la création d’une société commune pour réinventer la vente de la presse dans les gares. L’offre s’est élargie dès 2013 avec la mise en place d’un bar numérique dans certaines boutiques et pourrait s’étendre à la vente de billets de spectacle.
Bar Numérique dans une nouvelle boutique Relay (Crédit Photo : Relay)
Selecta, a conservé le marché portant sur la distribution automatique en gares pour 10 ans de plus, lors du renouvellement de l’appel d’offres en février 2014. Le groupe suisse remplacera progressivement ses distributeurs actuels par de nouvelles machines communicantes à écran digital. Parmi les nouveautés, la possibilité pour les clients de télécharger des musiques ou des vidéos et de payer par carte de paiement sans contact ou SMS.
Nouveaux distributeurs automatiques Selecta (Crédit Photo : Figaro)
La concession en gare ne se limite pas à la restauration ou la presse. Pour améliorer l’attractivité de la gare, de nouveaux formats et concepts inattendus voient le jour.
Les services actuels sont repensés. Par exemple, la gestion des toilettes en gare de Lyon a été confiée en 2014 à l’entreprise néerlandaise 2theloo, spécialiste des boutiques toilettes, afin d’améliorer l’expérience client et créer un « effet surprise » grâce à une décoration spécifique au lieu.
Toilettes réaménagées par 2theloo (Crédit Photo 2theloo )
De nouveaux services voient aussi le jour avec par exemple l’ouverture d’une crèche Babilou à la gare de Paris Nord en 2012, d’un salon de coiffure Beauty Bubble en gare Montparnasse en 2010 ou d’un laboratoire d’analyses médicales à Saint Lazare en 2013.
L’objectif à chaque fois est de fournir des services qui améliorent l’expérience client et que le temps passé en gare ne soit plus du temps contraint mais du temps utile.
Dans les plus petites gares : faciliter le quotidien des voyageurs
Après des premières expérimentations en 2011 dans les gares de Strasbourg, Chartres ou Thionville, les boutiques du quotidien se développent partout en France.
Le concept consiste à répondre aux principaux besoins des voyageurs du quotidien avec une enseigne de proximité proposant dans un même espace une offre de snacking, produits de dépannage, presse, livres et tabac sur des horaires étendus. Il reprend les principes des convenient stores, très développés au Japon. Deux acteurs se disputent actuellement le marché: Hubiz (partenariat entre Casino et Relay) et Monop’station (partenariat entre Monoprix et NS Stations) avec un objectif à terme d’environ 80 points de vente.
Boutique Monop’station en gare de Dunkerque (Crédit Photo : A2C)
Boutique Hubiz en gare de Herblay (Crédit Photo : A2C )
Toujours dans l’optique de faciliter le quotidien du voyageur, les gares deviennent aussi des points de retraits de colis. Ainsi, la filiale de la Poste Pickup propose depuis peu de nouvelles solutions de retrait de colis avec les Pickup station and Pickup Store.
Les Pickup Stations sont des consignes automatiques qui permettent au client de retirer son colis en gare. Environ 100 Pickup Stations sont actuellement déployés dans les gares.
Pickup Station en gare d’Asnières
L’offre des Pickup Stores est plus complète avec une offre de conciergerie (pressing, cordonnerie), un relais poste ainsi qu’un espace de vente de produits spécifiques (vin, fleurs, chocolats), en plus de l’espace colis. Après l’ouverture du premier Pickup store en septembre 2014 dans la gare d’Ermont Eaubonne, de nouvelles ouvertures sont prévues dans les gares d’Evry-Courcouronnes et Saint-Lazare.
Pickup Store en gare d’Ermont Eaubonne (Crédit Photo : SNCF)
Des services SNCF appréciés du public
Et il semblerait que le public soit au rendez-vous. La SNCF invite depuis quelques mois les voyageurs à « liker » ses services (panier fraicheur, e-billet, application mobile…) en votant sur des bornes installées en gare. Parmi les services préférés, on trouve en tête les pianos en gare (800000 likes), suivi par les commerces en gares (450000 likes) et l’appli Voyages SNCF (60000 likes)
Borne pour liker les services SNCF (Crédits Photos : SNCF)
Une manne financière pour la SNCF ?
Le train du renouvellement des concessions est en marche, et le potentiel des gares mieux exploité : en 2010, le montant des loyers perçus par la filiale de la SNCF pour la gestion des 1 500 commerces présents sur l’ensemble de gares s’est élevé à près de 126 millions d’euros.
Prochaine étape : la valorisation des espaces non plus dans les gares, mais aussi autour des gares. Les chemins de fer suisse ou japonais ont compris très tôt l’intérêt économique, en construisant des centres commerciaux, bureaux, hôtels ou parkings à proximité des gares.
La création d’une nouvelle branche dédiée à la gestion d’actifs immobiliers à partir du 1er janvier 2015, SNCF Immobilier, s’inscrit dans cette stratégie avec pour objectif de doubler à terme les revenus de l’immobilier.