TransportShaker

Le blog Transport des consultants de Wavestone

La Chine et le rail épisode 2 : Pékin-Londres en moins de 48 heures

Lors du premier épisode sur la Chine et le rail,  nous avions évoqué ce projet multimodal (maritime et ferroviaire) qui a pour ambition de faciliter l’arrivée massive de marchandises « made in China » plus rapidement et à moindre coût qu’actuellement.

En décembre dernier, la France a été traversée par un convoi de marchandises historique. Parti le 18 novembre 2014 de Yiwu (250km au sud de Shanghai), ce convoi ferroviaire de 40 conteneurs pour 1 400 tonnes a rejoint Madrid le 9 décembre. Le succès de ce convoi pourrait conduire à pérenniser ce type de trajet dès le printemps 2015, « avec deux rotations prévues par mois », d’après Euro Cargo Rail, filiale de DB Schenker Rail.

Ce convoi a remis sur les rails une annonce qui avait fait grand bruit en 2010 « relier Pékin à Londres en 48h ». Mais derrière cet effet d’annonce, analysons le tracé envisagé par les autorités chinoises via les grandes étapes de cet itinéraire pour comprendre en comprendre les enjeux.

Le Xinjiang : nouveau far west chinois

Xinjiang_in_China_(de-facto).svgC’est la première étape de notre itinéraire, et pour comprendre ce choix stratégique, Il faut d’abord replacer le contexte du Xinjiang.

La « Région autonome ouïgoure du Xinjiang », dont la capitale est Ürümqi, est située à 3000 km de Pékin au nord ouest du pays (soit 41h de train). C’est la terre d’origine des Ouïgours (ethnie chinoise turcophone majoritairement musulmane) mais ces dernières décennies, le Xinjiang a vu arriver de millions de Han, l’ethnie majoritaire de Chine.

Cette arrivée, et la prise de contrôle économique et politique associée, est à l’origine de vives tensions ethniques et religieuses, qui ont fait plusieurs centaines de morts. Afin de reprendre le contrôle de cette zone, le pouvoir central chinois souhaite la développer économiquement et mieux l’intégrer au reste du pays en réduisant le temps de parcours entre Pékin et Ürümqi.

Western-most_end_of_Northern_Xinjiang_Railway

Pour cela, la Chine a inauguré le 28 décembre dernier « Lanxin », ligne à grande vitesse reliant Pékin à Lanzhou (capitale du Gansu, à mi chemin entre Pékin et le Xinjiang). Pour la ligne complète Pékin-Ürümqi, une enveloppe de 143,5 milliards de yuans (environ 15 milliards d’euros) a été allouée pour permettre de parcourir ces 3 450 km en 16 heures à partir de 2018.

Moscou via Kazan

Passé l’étape Ürümkazan kremlin with reflection in river at sunsetqi, notre TGV se dirigera vers Moscou. Pour concrétiser ce nouveau lien entre les deux pays, un protocole a été signé pour créer une alternative à grande vitesse au Transsibérien.

Pékin a donc décidé d’investir près de 5 milliards de dollars dans la construction de la première ligne russe à grande vitesse Moscou <-> Kazan (capitale de la république du Tatarstan). Cette ligne de 770 km devrait ensuite être prolongée pour rejoindre le tronçon chinois. L’objectif de livraison de ces lignes est fixé aux Jeux Olympiques de 2018.

Relier Moscou au réseau grande vitesse européen

Après avoir parcouru près de 8000 kilomètres, nous avons déjà effectué plus de 80% du trajet qui sépare Pékin du réseau grande vitesse européen. En effet, Moscou se trouve à moins de 2500km de Essen (gare allemande desservie par le Thalys).

Cette distance peut encore être réduite à moins de 1500km avec la mise en service depuis décembre 2014 de Pendolino, la ligne à grande vitesse polonaise. Précisons que les rames circulant sur cette ligne, produites par Alstom, permettent de rouler sur les lignes à grande vitesse mais aussi sur les lignes dites « conventionnelles » avec une vitesse de 25 à 30 % supérieure aux trains classiques.

Toutefois, les derniers 1500 kilomètres qui séparent Moscou et le réseau européen passent par la Biélorussie ou l’Ukraine, posant un problème géopolitique au vu du bras de fer actuel entre Moscou et l’Union Européenne

Un effet d’annonce réaliste, mais…

Comme nous venons de le voir, les 8000 km séparant  Moscou de Pékin devraient être parcouru dès 2018 en 32 heures. Les 48 pour relier Pékin à Londres semblent donc en théorie totalement faisable.

En pratique, ce projet semble avoir des obstacles géopolitiques depuis le début du conflit ukrainien car les relations détériorées entre l’Union Européenne et la Russie ne favorisent une connexion ferroviaire. La Chine se retrouve donc avec un partenariat russe à double tranchant, qui la rapproche et l’isole à la fois, de ses marchés européens. Mais, comme nous le verrons dans le prochain épisode, l’Europe n’est pas le seul continent dans la ligne de mire chinoise…

Rousl4neSaDaoui

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *