Ils sont élégants, rapides mais peu rentables. Voilà comment résumer en une phrase l’épineux cas qui entoure les TGV du groupe SNCF. Lancée le 22 Septembre 1981, la première ligne TGV reliant Paris à Lyon devait signer l’aboutissement d’un formidable projet de recherche et de développement mais également proposer aux voyageurs une expérience unique en matière de voyage et de services. Cependant, 36 années après ce lancement et malgré les 2024 km de lignes grandes vitesses qui font de la France le quatrième réseau ferré mondial, le rêve commence à s’estomper et le groupe a vu la rentabilité de l’activité TGV s’éroder depuis 2010. En effet, la rentabilité des TGV est passée de 29% en 2008 à 12% en 2014 selon un rapport de la Cour des Comptes. Cependant, comment se calcule cette rentabilité ? Pour être rentable, une ligne doit connecter des bassins de population importants avec des trajets à grande vitesse compris entre 1h30 et 3h, sans arrêts intermédiaires, et avec de grandes fréquences de circulations. Or avec l’étalement croissant du réseau, c’est de moins en moins le cas. Le taux d’occupation des rames, primordial lui aussi à la rentabilité du TGV, décroît également du fait de cet étalement.
Aujourd’hui le train à grande vitesse représente un sujet de préoccupation majeur pour la direction de la SNCF et c’est pourquoi l’entreprise publique prépare le lancement cette année d’une nouvelle gamme tarifaire qui aura pour objectif de clarifier l’offre et d’augmenter les billets à petits prix.
L’émergence d’un nouveau modèle économique pour apporter de la clarté et de la cohérence
Le TGV n’est donc plus dans le schéma qui a fait son succès à l’origine. Ainsi, et malgré les 160 millions de trains-kilomètres, qui représente 53,5% du trafic ferroviaire en France, il est impératif pour le groupe SNCF de faire évoluer sa gamme tarifaire et de faire émerger un nouveau modèle. Cette volonté d’évolution a été marquée dès mars 2016 avec l’annonce du transfert en deux temps des offres d’IDTGV sur l’activité TGV. Lancée en 2004, entre Paris et Marseille et proposant jusqu’en 2017 50 dessertes dans le Sud-Est et le Sud-Ouest de la France, l’offre IDTGV avait adopté les codes des compagnies aériennes low-cost pour contrer la concurrence du covoiturage, des autocars mais également de l’aérien. Cependant, loin d’être une simple offre parmi d’autres pour les voyageurs – elle représentait 30 trains par jour soit 4% du trafic grande vitesse – IDTGV servait également d’incubateur dédié à l’innovation technologique et des services qui avait proposé notamment de mettre en avant la facette de l’illimité pour tous avec IDTGVmax.
Ce choix de transférer l’offre IDTGV sur l’activité TGV a ainsi pour but d’initialiser l’émergence d’un nouveau modèle économique en donnant davantage de visibilité aux différentes offres de la SNCF. En effet, pour certains voyageurs il était difficile de comprendre les différences entre TGV, Ouigo et IDTGV faisant toutes les trois parties du même groupe mais ayant chacune des particularités bien distinctes. Il était donc primordial pour le groupe de redonner de la clarté et de la cohérence dans ces offres pour retrouver un équilibre économique. Ainsi, le groupe profite de l’ouverture des nouvelles lignes grandes vitesses entre Tours et Bordeaux et Le Mans et Rennes pour débuter cette démarche d’évolution du modèle TGV qui ne pourra être efficace que si elle est suivie par une offensive tarifaire répondant aux besoins des utilisateurs.
Les offres « petits prix » au centre de cette évolution
« Aller plus vite et payer plus ? », « La grande vitesse un luxe pour les Français ? » Telles sont les questions et les craintes des voyageurs SNCF à l’heure actuelle. Cependant la vitesse a un coût et donc un prix : le groupe a dévoilé récemment sa grille tarifaire et a reconnu que l’ouverture des deux nouvelles lignes à grandes vitesse provoquera une légère augmentation tarifaire. Cependant cette augmentation restera inférieure au gain de temps réalisé. Par exemple, le trajet Paris – Bordeaux mettra 2h04 au lieu de 3h14 ce qui correspond à un gain de temps de 1h10, tandis que les prix devront être limités à une augmentation moyenne de 10€ par trajet soit 20€ aller/retour. Ainsi si nous reprenons nos calculs, les prix augmentent en moyenne de 10% mais le temps de trajet diminue en moyenne de 35% : les voyageurs sont donc les grands gagnants de la mise en service de ces lignes grandes vitesses qui leur permettront de rejoindre plus facilement les destinations souhaitées.
D’autre part, et afin de poursuivre son évolution vers un nouveau modèle, le groupe SNCF souhaite augmenter le nombre des billets à « petits prix ». La stratégie basée sur les volumes est claire : les billets « petits prix » vont permettre de diminuer le panier moyen des voyageurs qui sera compensé par un taux de remplissage des trains plus importants. Cela permettra ainsi au groupe de remonter les marges et de jouer sur la rentabilité des TGV. Et afin de mettre en place cette stratégie, le groupe SNCF va miser sur plusieurs options. Premièrement attirer la clientèle jeune qui délaisse peu à peu ce mode de transport pour se tourner vers le covoiturage et l’autocar qui sont beaucoup moins coûteux. Pour cela, le déploiement de l’offre Low-Cost Ouigo va connaître un coup d’accélérateur et l’arrivée de nouvelles destinations dont Bordeaux et Strasbourg est à prévoir. L’offre TGVmax représente également la possibilité pour la cible jeune de voyager de manière illimitée à bord des TGV (mais pas que !) pour environ 79€ par mois. Cependant la principale question est de savoir si le groupe SNCF arrivera-t-il à s’éloigner de son Yield Management ascendant historique qui a pour principe de dire que plus le trajet est réservé à l’avance plus les prix seront bas. Ce concept n’est pas en adéquation pour l’heure actuelle avec les habitudes de la clientèle jeune et il sera important d’y remédier au plus vite pour espérer être compétitive et attractive face aux nouveaux acteurs du transport.
Avec son nouveau modèle économique, la SNCF vise à reconquérir la clientèle qui a délaissé les offres TGV en favorisant la clarté et la cohérence des différentes offres mais aussi augmentant le nombre de billets à prix réduits. Les enjeux de ce projet sont forts : D’une part parce qu’il est important que l’offre TGV renoue avec un chiffre d’affaires en croissance afin de couvrir les coûts importants qui restent identiques quel que soit le nombre de passagers transportés, et d’autre part car les liaisons ferroviaires nationales doivent être ouvertes à la concurrence en décembre 2020 ce qui pourrait fragiliser encore plus la position du groupe ces prochaines années.