L’Euro 2016 s’est tenu en France du 10 juin au 10 juillet, et a enregistré pas moins de deux millions et demi de spectateurs dans ses 10 stades répartis sur le territoire français (Lille, Lyon, Bordeaux, Nice, Marseille, Lens, Saint-Etienne, Paris, Saint-Denis, Toulouse), sans compter les supporters présents dans les « fan zones » aménagées dans les villes hôtes.
Au niveau national, de nombreux acteurs du transport se sont mis en ordre de marche afin d’accueillir au mieux tout ce monde. Ainsi, SNCF, transporteur officiel de l’Euro, a mis en place des trains dédiés aux supporters, et Transilien a renforcé son dispositif les jours de match en Île de France.
À la maille locale également, les villes hôtes ont dû s’adapter à ces flux exceptionnels de voyageurs. Afin de se préparer au mieux à un tel événement, certaines d’entre elles ont choisi de s’appuyer sur la data pour adapter leur plan de transport et optimiser les trajets des spectateurs tout en continuant à assurer ceux des voyageurs habituels, les matchs se tenant souvent en semaine.
La modélisation des déplacements de supporters de l’Euro grâce à la data
Les problématiques sont différentes pour les stades en centre-ville ou en périphérie. Des travaux d’aménagement ont bien sûr été menés dès la construction afin de rendre ces sites accessibles à différents moyens de transports. Mais, pour l’Euro 2016, au-delà des infrastructures existantes, il a surtout fallu pour les villes adapter le plan de transport lui-même, afin de garantir un niveau de service élevé exigé par le cahier des charges de l’UEFA. En outre, il était essentiel pour les villes que ces déplacements exceptionnels ne se fassent pas au détriment des déplacements dits usuels.
Les stades déjà existant ont pu s’appuyer sur leur expérience de précédents événements, tels que les matchs de football du championnat de ligue 1 qui y prennent place chaque week-end. Cependant, un flux occasionnel de personnes pour un événement ponctuel local ne se gère pas de la même façon qu’un événement étalé sur une durée d’un mois, avec des spectateurs venant de l’Europe entière et en masse. D’autant plus que les habitudes de déplacements des spectateurs de l’Euro ne sont pas forcément les mêmes que celles des spectateurs habitués à se rendre au stade le reste de l’année. Les villes hôtes ont ainsi dû s’appuyer sur des modèles de données jonglant entre données historiques connues et projections scénarisées.
Pour les « nouveaux » stades, inaugurés peu de temps avant l’Euro, la tâche se révèle plus ardue, puisqu’ils disposent de peu de retours d’expérience sur lesquels s’appuyer. Ainsi, afin d’éviter les couacs tels qu’en a connu le stade de Bordeaux lors de son inauguration, la ville de Lyon a décidé de faire appel à une expertise externe. Elle a pour cela noué un partenariat avec la start-up locale ForCity, dont Kéolis Lyon est actionnaire, et qui dispose d’une plateforme de modélisation des flux de la ville. Cet outil croise de multiples données telles que la circulation, la gestion des déchets ou encore les flux d’énergie, et les modélise en 3D sur une carte de la ville, permettant ainsi d’anticiper les comportements. Pour l’Euro 2016, la start-up y a également intégré les données spectateurs fournies par l’UEFA, ce qui lui a permis de tester différents scenarios de desserte, avec deux objectifs principaux : maintenir le confort des usagers réguliers, et réduire les temps d’attente pour se rendre au stade. À partir des résultats des simulations, le SYTRAL (syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise) et Kéolis ont ainsi pu adapter les dessertes pour prendre en charge 10 000 personnes au départ du parc Eurexpo et 27 000 autres au départ du centre-ville, et notamment de la fan zone de Bellecour. Les passages des différents modes de transports en commun (métro, bus…) ont de cette façon pu être optimisés 3h avant le match et jusqu’à 2h30 après.
Pour s’y retrouver dans la vaste offre de transport proposée dans le cadre de l’Euro, les spectateurs ont en outre pu consulter l’application Moovit, intégrée dans l’application « fan guide » de l’UEFA en tant que partenaire officiel de l’Euro 2016. Cette application de mobilité a combiné les données des transporteurs avec les données en temps réel de sa communauté d’utilisateurs, afin de guider pas à pas les spectateurs en un clic grâce à sa localisation précise des stades et fan zones.
D’autres grands événements précurseurs de l’utilisation de la data pour la gestion des flux
Bien avant l’Euro 2016, la donnée avait déjà été utilisée par d’autres villes pour aider à la gestion des transports pour des événements d’ampleur, et en particulier sportifs. Dès les Jeux Olympiques d’hiver de 2002, à Salt Lake City, des modélisations du trafic généré avaient ainsi été effectuées, et conduisirent à de nombreuses améliorations portant essentiellement sur les infrastructures routières.
Traumatisé par le désastre de la gestion des Jeux d’Atlanta (lors desquels de nombreux supporters et même athlètes arrivèrent en retard aux épreuves, faute d’un système de transport efficace), le CIO a d’ailleurs mis un point d’orgue à étudier de près les solutions de mobilité pour les candidatures suivantes. Londres ayant imputé son échec à la course aux Jeux de 2000 à un manque de préparation de son système de transport urbain, de gros efforts ont été faits pour être irréprochable lors des Jeux qu’elle a accueillis en 2012.
Ainsi, la capitale britannique a mis l’utilisation de la donnée au cœur de sa stratégie transport, afin d’absorber des flux jusqu’à 30% supérieurs à ceux des pics habituels (3 millions de trajets en plus par jour). Validations des Oyster Cards, images des caméras de surveillance, réseaux sociaux… De nombreuses données étaient croisées en temps réel afin d’assurer une réactivité maximale du réseau aux besoins des usagers.
Afin de valoriser ce travail au mieux possible, un Wifi gratuit et illimité a été mis à disposition des voyageurs du métro de Londres. De cette manière, l’information voyageur circule facilement, et ce même chez les touristes étrangers venus à Londres pour les Jeux, et ne bénéficiant donc pas d’une connexion mobile. L’avantage est d’ailleurs double puisque ces hotspots Wifi permettent aussi à TfL (Transport for London, l’organisme responsable des transports de Londres), de collecter des informations anonymisées encore plus précises sur le volume des flux et sur leur direction, les hotspots Wifi servant alors de capteurs. Des études ont même été menées pour étudier l’impact effectif des annonces faites aux passagers sur les flux de voyageur, afin d’anticiper au mieux les retombées d’éventuelles modifications du plan de transport en temps réel.
Forts de tout cet arsenal de mesures technologiques, les Jeux de Londres se sont donc auto-proclamés « Les premiers Jeux des transports en commun », et force est de constater que le bilan en fut plus que positif, les réactions des participants comme des spectateurs étant unanimement positives.
La data est devenue un impératif pour assurer l’adéquation entre l’offre et la demande de transport dans de tels événements
Mettre la donnée au cœur de la stratégie d’une ville pour se préparer à des événements de grande ampleur est donc devenu la nouvelle norme, et s’avère capital dans le bon déroulement de ceux-ci. Nouer des partenariats avec des startups plus à même de valoriser efficacement ces données est aussi un point important, car les gestionnaires d’offre traditionnels des villes ont rarement les équipes de Data Scientist nécessaires au traitement de ces informations.
Outre les capteurs et autres sources de données exploitables, les organisateurs doivent aussi être à l’écoute des besoins réels des voyageurs, en les faisant intervenir dans les consultations préliminaires. Un bon exemple en est la Russie, qui a d’ores et déjà mis en ligne un questionnaire destiné aux supporters qui viendront assister à la Coupe du Monde 2018. Celui-ci leur permet d’avoir une idée plus précise des habitudes de déplacement des supporters, et permettra d’affiner le plan de transport dans le pays à grande échelle.