Aujourd’hui, 90% des marchandises passent par la mer, soit près de 9 milliards de tonnes et 100 000 cargos. On envisage d’ici 2020 une augmentation de 150% à 300% de ce tonnage. Une donnée inquiétante lorsque l’on sait que le transport maritime représente 3% des émissions de gaz à effet de serre et autres rejets toxiques (oxyde d’azote, dioxyde de souffre, particules).
Comment répondre à cette hausse croissante de la demande dans les transports maritimes sans aggraver la situation environnementale ?
Des succès nationaux à petite échelle…
En 2005, Jean-Luc Péloquin, un pêcheur douarneniste, a su combiner performance environnementale et réduction des coûts en installant plusieurs voiles sur son vieux chalutier, le fameux « P’tit Mousse », réduisant ainsi sa consommation en carburant de 20%.
Dans son sillage, Guillaume Legrand, a créé il y a maintenant 4 ans sa société de transport à la voile Transoceanic Wind Transport (TOWT) en s’appuyant sur l’ancien modèle : « Les bateaux sont là, les routes maritimes existent, et les vents dominants devraient encore être là pour longtemps » déclare-t-il au journal Le Monde. Ainsi, l’entreprise TOWT, soutenue par l’ADEME, transporte déjà plus de 100 tonnes de marchandises par an et travaille avec 22 producteurs. Grâce à l’instauration de son label « Transporté à la voile dans le respect de l’environnement », le transport devient un solide argument marketing qui s’accorde parfaitement avec l’image des produits bio.
Mais qu’en est-il du prix final payé par le consommateur ? Par rapport à un transport en camion, on estime que le coût marginal final est supérieur de 0.3% à 1.6% selon les produits. Guillaume Legrand prend l’exemple de la bouteille de vin qui voit son prix final augmenter de 20 à 30 centimes. Une différence qui certes se fait sentir mais qui permet de justifier d’un transport respectueux de l’environnement. Régulièrement, la société organise des cabotages le long de la côté Atlantique française pouvant aller jusqu’à l’Angleterre ou les Pays-Bas, mais aussi des traversées transatlantiques pour récupérer du chocolat et du rhum à la République Dominicaine ou encore du thé aux Açores.
…Aux projets de grande envergure
Plusieurs projets à plus grande ampleur sont aujourd’hui en plein développement. L’un d’entre eux pourrait bien révolutionner les transports maritimes de notre siècle. La société FairTransport qui est partenaire de Towt, a lancé en 2012 le projet Ecoliner Fair Winds, élaboré avec le cabinet d’architecte naval hollandais Dijkstra. Ce projet vise à installer 3 à 4 mâts qui supporteront 4000 m² de voile sur un cargo de 138 mètres de long, avec une capacité de charge de 8000 tonnes de marchandises, le rendant comparable à un cargo classique de taille moyenne.
L’idée est donc d’utiliser une propulsion mixte basée en parti sur l’énergie éolienne permettant ainsi de réduire les dépenses de carburant de minimum 35%. Ainsi, grâce aux voiles intelligentes et à un logiciel performant, pas besoin de recruter un équipage qualifié : le bateau sera géolocalisé et optimisera sa trajectoire selon les informations météorologiques. Le système de voiles intelligentes est encore testé aujourd’hui. Le projet continu aujourd’hui de réunir des fonds (déjà 3.5 millions réunis, la moitié financée par l’UE).
À l’ère de la transition énergétique, d’autres projets de navires cargos sont aujourd’hui à l’étude. C’est le cas du projet Vindskip élaboré par l’ingénieur norvégien Lade As qui combine un moteur fonctionnant au GNL ainsi qu’une coque adaptée pour capter l’énergie du vent. Avec sa coque de 49 mètres, le Vindskip permettrait ainsi d’économiser 60% de carburant et de diminuer de 80% les émissions de CO2.
L’Aquarius de Eco Marine Power, qui n’est encore qu’un prototype présenté en 2015, se base lui sur des panneaux solaires modulaires et intelligents.
Enfin le projet Beyond The Sea lancé par le navigateur Yves Parlier, développe depuis 2007 un modèle de traction par un cerf-volant, issue de la technologie du Kitesurf. Ainsi, on gagnerait 20% d’énergie dès lors que le vent dépasse les 18 km/h. En 2014, le projet a bénéficié d’une dotation de 4,4 millions d’euros provenant de l’ADEME sur les 16 millions que représente ce programme de recherche. Quatre brevets ont été déposés, notamment sur la conception du kit, sa technique d’envoi et de récupération du cerf-volant.
Les idées sont donc bel et bien là, reste à les appuyer et les déployer à de plus grandes échelles. Cela implique également d’accepter de faire évoluer nos modes de consommation et notamment d’assumer des coûts de transport plus élevés, mais plus respectueux de l’environnement. Et puis, admettons que se faire livrer à la voile, ça a de l’allure !