Aujourd’hui décriés pour leur lenteur et le manque de confort et service flagrant en comparaison avec les TGV, les trains InterCités, ou grandes lignes classiques, sont la bête noire des voyageurs.
Avec un réseau qui a commencé à montrer ses défaillances, parfois de manière brutale comme à Bretigny, la SNCF et l’Etat se sont engagés à investir massivement dans ce service. Une démarche qui prend en compte la maintenance, le renouvellement des flottes de trains, et une refonte possible de l’offre, que nous vous évoquions à la fin de l’été.
Or, les dessertes grandes lignes classiques représentent un mélange complexe de besoins différents, auxquels une nouvelle automotrice unique ne peut répondre.
– D’un côté nous avons les 3 liaisons structurantes retenues par la réforme. Longue distance, autorisant parfois des vitesses supérieures à 200 km/h, il s’agit de Paris – Orléans – Limoges – Toulouse, Paris – Clermont-Ferrand ainsi que Bordeaux – Toulouse – Marseille.
– De l’autre, nous avons principalement des liaisons rayonnant dans le Bassin Parisien, certaines très fréquentées (liaisons Paris – Normandie, Paris – Hauts de France, Paris – Val de Loire), d’autres moins attrayantes, parfois dépourvues d’électrification sur certaines sections (Paris – Belfort).
– Entre les deux, quelques lignes interrégionales, électrifiées ou non, peu fréquentées, dont 3 seront maintenues sous autorité de l’Etat : Nantes – Bordeaux, Toulouse – Hendaye, Nantes – Lyon.
Les matériels roulants à venir, ou l’entrée des InterCités dans le XXIe siècle
Face au souhait de l’Etat de renouveler au plus vite les matériels InterCités (de préférence avant 2020), les industriels Alstom et Bombardier, principaux constructeurs sur le territoire national, ont proposé des produits s’appuyant sur leurs derniers matériels TER existants. Ainsi Alstom présentait-il y a quelques années le Coradia Liner, version Grande Ligne dérivée de son dernier Régiolis (déployés dans de nombreuses régions depuis 2011). Bombardier, de son côté, a présenté en 2014 son Omneo Premium, train à 2 niveaux dérivé du dernier Regio2N, lui aussi en cours de production depuis 2 ans.
Tous deux espèrent satisfaire les attentes de SNCF et de l’Etat, avec des produits déjà conçus et éprouvés, modulables, et pouvant être produits à court terme. Ces matériels, identiques d’aspect à leurs frères régionaux, offrirait le même niveau de confort que les derniers TGV, avec des places assises spacieuses, notamment en 1ère classe, et incluant prises électriques et accès WiFi.
Du point de vue de la motorisation, ces rames peuvent atteindre une vitesse de 200 km/h (contre 160 pour les modèles TER). Une vitesse cependant non suffisante pour exploiter au maximum les 3 axes structurant :
– Paris – Toulouse et Paris – Clermont autorisent des tronçons à 220 km/h,
– Bordeaux – Marseille sera praticable d’ici quelques années via la LGV de Montpellier – Nîmes ainsi que la LGV Méditerranée (par Avignon et Aix en Provence), à une vitesse de 200km/h à 300 km/h.
Des commandes déjà réalisées, des livraisons dès fin 2016
Sur les liaisons non électrifiées, nécessitant du matériel bimode (électrique / diesel), l’État n’a pas été patient, et a commandé à Alstom, sur la base du marché Régiolis, des Coradia Liner. L’objectif est d’équiper, à partir de fin 2016, les lignes Paris – Belfort, Paris – Boulogne (Hauts de France), et Toulouse – Hendaye (Nouvelle Aquitaine), plaidant l’urgence pour ne pas mener d’appel d’offre. Sont également concernées, à courte échéance, les liaisons Nantes – Bordeaux et Nantes – Lyon.
Sur les principales liaisons du Bassin parisien, le choix reste à déterminer, même si l’Omnéo Premium de Bombardier se positionne bien sur les liaisons à forte densité de trafic (Paris – Le Havre / Cherbourg / Amiens / St Quentin / Orléans / Tours / Bourges).
Pour les liaisons structurantes grande distance, tout reste possible pour ces matériels régionaux améliorés, aucun futur InterCités n’étant finalement amené à rouler à plus de 200 km/h. En effet, l’Etat a validé l’acquisition de rames TGV pour exploiter Bordeaux – Marseille (afin d’exploiter au mieux les tronçons sur LGV), tandis que la vitesse ne dépassera pas 200km/h sur les autres lignes.
Enfin, sur toutes les autres lignes interrégionales, le modèle grande ligne d’Alstom se place en bon candidat.
Les incertitudes persistent sur le transfert de l’autorité des InterCités aux régions
Au-delà des commandes réalisées ou en attente, l’incertitude plane sur le transfert de l’autorité des InterCités de l’État vers les Régions. En effet, en dehors des 3 lignes structurantes et des 3 liaisons interrégionales restant sous l’autorité de l’Etat, les régions pourrait devenir autorité organisatrice des InterCités. La réforme territoriale a donné naissance à des régions plus vastes, pour lesquelles il sera plus aisé de piloter l’organisation de la plupart des lignes.
Face à cette possibilité, des accords ont déjà été trouvés. En avril dernier, l’Etat validait le transfert de 5 lignes InterCités à la Région Normandie, en contrepartie du financement du matériel roulant sur Paris – Cherbourg et Paris – Le Havre. La semaine dernière, c’est la nouvelle Région Grand Est qui signait le transfert sous son autorité de 3 lignes, dont Paris – Troyes – Belfort, fortement déficitaire, en échange de contreparties financières et de l’achat du matériel.
Deux principaux avantages sont à retenir de ces opérations :
– Un renforcement de l’offre par rapport aux propositions avancées par SNCF pour la restructuration de ces dessertes, les régions cherchant à ne pas dégrader l’offre de transport sur leur territoire.
– Des optimisations de la rentabilité des lignes, avec des améliorations des correspondances TER, rendues possibles par une coordination unique par la région nouvelle.
Concernant le matériel, là aussi l’opération s’avère bénéfique, car elle permet à la Région Normandie d’utiliser une option sur la commande de TER Régio2N pour commander à Bombardier des trains Omnéo Premium. Ceci sans passer par un long et fastidieux appel d’offre. Les nouveaux InterCités Normands seront donc sur les rails en 2019 ! Il est permis de croire que la généralisation des transferts de lignes aux régions favorisera un déploiement des nouveaux matériels cités précédemment, dans un souci de renouvellement rapide et d’homogénéisation du parc du matériel roulant, bénéfique à la maintenance et l’exploitation.
La question est aujourd’hui de savoir le choix qui sera adopté pour les autres régions vers lesquelles les liaisons sont transférables. Les négociations avec l’Etat s’avèrent longues et complexes, et le financement des rames nouvelles est généralement au centre des discussions. Il va donc falloir s’armer de patience pour y voir plus clair, mais d’ores et déjà, Alstom et Bombardier sont dans les starting blocks pour produire leurs matériels respectifs en version grande ligne.