Le 17 janvier a été annoncé un projet pilote, associant l’unicorne Uber et le géant européen de l’aéronautique Airbus. Plus qu’une simple expérimentation, cette initiative témoigne de la volonté d’Airbus de s’implanter dans la Silicon Valley, et de son ambition de dynamiser ses activités et business models.
Une collaboration inédite
Après la restauration avec UberEats, et le voyage avec UberTravel, l’ex-startup continue de se diversifier, s’attaquant maintenant au transport aérien. Présenté succinctement dans un communiqué de presse du groupe aéronautique, la ligne directrice est de créer un service de transport à la demande à bord d’hélicoptères du groupe Airbus. Le communiqué reste vague quant à l’ampleur du partenariat, mais l’objectif annoncé est d’expérimenter un nouveau modèle économique pour les opérateurs d’hélicoptères.
Si cette annonce a beaucoup fait parler d’elle, ce n’est pas la première fois qu’Uber expérimente le transport en hélicoptères. De Cannes à Perth, en passant par l’Afrique du Sud et Dubai, les occasions ont même été nombreuses, regroupées sous l’étiquette « UberChopper ». Lors du dernier festival de Cannes par exemple, Uber s’était associé à Hélipass pour transporter les festivaliers en hélicoptère de Nice à Cannes. Ces opérations étaient toutefois ponctuelles, et créées en lien avec des événements spécifiques : le Festival de Cannes, Coachella en Californie, la Saint Valentin à New Delhi ou encore la Journée Nationale à Dubai.
Enjeux de positionnement
L’absence d’informations concrètes invitant à la spéculation, de nombreuses questions émergent sur le périmètre et les réels objectifs de ce projet.
En posant pour objectif de créer un nouveau business model, les deux entreprises se lancent le défi de modeler une nouvelle offre de valeur. En élargissant le domaine d’activité des transporteurs de personnes en hélicoptère, elles pourraient même venir révolutionner leurs enjeux business. Rien n’a pour l’instant été dévoilé sur leur positionnement : on peut donc se demander si l’offre sera orientée vers une solution de transport pratique et accessible, ou une expérience haut de gamme. En effet, jusqu’ici, Uber avait placé ses offres UberChopper sous des casquettes événementielles ou touristiques. En-dehors de ces contextes restreints, la question se pose du public ciblé par un service de transport à la demande, qui serait pratique plutôt que oisif. L’implantation géographique sera en ce sens clé, puisque certains pays ou régions sont plus réceptifs que d’autres face à ce mode de transport.
Par ailleurs, si l’annonce a été accueillie avec beaucoup de curiosité de la part des médias, un autre enjeu de taille sera la réaction du public, une fois l’offre concrétisée. Alors que les initiatives liées à l’ubérisation de l’économie se multiplient, les méfiances et réserves en font de même. La tentative de partenariat entre la SNCF et Airbnb en 2015 l’a très bien illustré : les collaborations entre de grands groupes et des nébuleuses « ubérisées » ne sont pas toujours accueillies très chaleureusement. Pour cette raison, le positionnement initial du service sera un élément décisif pour le futur de la collaboration.
Airbus à la conquête de la Silicon Valley
L’enjeu est d’autant plus important qu’en signant ce partenariat, Airbus annonce plus qu’un simple coup commercial : il s’agit d’un des tous premiers projets menés par A³, le nouveau centre technologique d’Airbus. Aussi, il répond à la volonté du groupe de s’inspirer des modèles d’innovation de la Silicon Valley pour révolutionner, ou du moins remodeler, l’industrie du transport aérien.
L’objectif de cette structure est de favoriser la digitalisation du groupe et d’y insuffler un esprit créatif, en s’inspirant tant des technologies, que des systèmes d’organisation et processus de production observés au sein de la Silicon Valley. Dans cette lignée, la collaboration avec Uber témoigne de la volonté d’Airbus de s’impliquer directement auprès de jeunes acteurs dynamiques, et par cette occasion, de conquérir de nouveaux horizons, au-delà de la simple fabrication de véhicules.
Une stratégie focalisée sur l’innovation
Cette ambition s’ancre aussi plus largement dans une nouvelle vision stratégique, axée sur la création d’un réel écosystème d’innovation. Outre A³, deux autres structures ont vu le jour en 2015, et s’inscrivent dans cette même lignée : les Airbus BizLabs, un modèle d’organisation hybride, se construisant sur la collaboration entre startups et grand groupe ; ainsi que Airbus Group Ventures, un fonds de capital-risque également implanté dans la Silicon Valley, dont l’objectif est d’investir dans des projets d’innovation prometteurs et transformateurs.
Encore une fois, un projet commun avec Uber illustre parfaitement la posture du groupe. D’un côté, en entrant dans le monde du service, Airbus élargit son domaine d’activité, se « disruptant » lui-même. De l’autre, le groupe se rapproche de l’écosystème innovant des startups, et s’appuie sur des pratiques dynamiques pour se renouveler. Cette double posture reflète la stratégie d’Airbus d’innover non seulement technologiquement, mais aussi en termes de modèles économiques, afin de donner un nouveau souffle au groupe.
Une posture stratégique gagnante ?
Dans un monde où la digitalisation des activités accélère le rythme auquel les entreprises doivent réagir et s’adapter, un renouveau stratégique tel que celui entrepris par Airbus constitue un véritable enjeu compétitif. En s’implantant dans la Silicon Valley, mais aussi en décidant d’investir dans des projets d’innovation via Airbus Ventures, le groupe aéronautique se place en toute première ligne pour transformer sa propre industrie, et bousculer son concurrent direct, Boeing.