Changement de nom subtil mais qui en dit long sur son ambition, Capitaine Train s’appelle désormais Captain Train !
Lancée en 2009, cette start-up française s’est positionnée comme le premier concurrent direct de Voyages-sncf.com (VSC) sur le marché de la réservation de billets de train en ligne. Force est de constater qu’elle ne compte pas s’en contenter.
Cinq ans après sa création, la société affiche un chiffres d’affaires de 30 millions d’euros, compte 1,1 million de clients, vend 5 000 billets de train par jour (contre 160 000 pour VSC), et a bouclé, en décembre dernier, une troisième levée de fonds s’élevant à 5,5 millions d’euros. Alors, quelles sont les clés du succès de cette start-up ? A-t-elle suffisamment réussi à convaincre les utilisateurs pour pouvoir inquiéter VSC, implanté sur le marché depuis 15 ans ?
Captain Train, la success story d’une start-up
Tout commence le 5 février 2009, lorsque le Conseil de la Concurrence rend sa décision après des années de procédures judiciaires : la SNCF est condamnée à une lourde amende pour pratiques anti-concurrentielles et abus de position dominante visant à favoriser sa filiale Voyages-sncf.com. Le marché est désormais ouvert à la concurrence, et trois jours plus tard, Jean-Daniel Guyot et ses deux associés ont l’idée de Capitaine Train.
Leur idée est simple : permettre au client de réserver son billet de train en moins d’une minute, ce qui était jusqu’alors impossible via Voyages-Sncf.com (du fait d’une navigation peu fluide pour le client, interrompu lors de son processus d’achat par la publicité). Les trois ingénieurs ont disséqué toutes les faiblesses du leader, et en ont fait leurs forces.
Deux ans plus tard, leur pugnacité a payé : les détails juridiques sont réglés, et l’accès à l’outil de réservation de la SNCF Résarail définitivement validé.Le site capitainetrain.com peut donc naître. Il se veut simple et ergonomique, en se spécialisant dans l’achat de billets de train dans toute l’Europe, et garantit les mêmes conditions tarifaires que la SNCF (voire plus avantageuses sur certains trajets à l’étranger grâce à des partenariats noués avec d’autres compagnies ferroviaires européennes).
Daniel Beutler, ex-PDG de Deutsche Bahn France et Europe de l’ouest, et désormais DG de Capitaine Train, revient sur leur succès : « À l’époque, j’avais vu débarquer dans mon bureau trois ingénieurs en pull-over, d’une naïveté rafraîchissante. Deutsche Bahn avait déjà tenté de combiner les différents systèmes nationaux, mais c’était trop complexe. Ne venant pas de l’industrie, ils ignoraient cette complexité. Et ils l’ont fait !».
Autre point, la quantité des voyages proposés. En effet, bien que novice sur le marché de la réservation de trains en ligne, Captain train est le seul acteur du marché à proposer les offres de tous les opérateurs présents en France : la SNCF et ses filiales (Ouigo, IDTGV, IDBus), Thalys, Lyria ou encore Tello pour les lignes Paris-Venise ou Marseille-Milan.
Enfin, c’est le client qui est au cœur de la stratégie du challenger. L’expérience client est donc totalement repensée et épurée, et le SAV se révèle très réactif.
Les effets positifs de la concurrence
Bousculé par l’arrivée d’un nouveau concurrent, le leader du marché est forcé de reconsidérer l’offre de service de sa plateforme et de retravailler ses points faibles. Voyages-sncf.com investit donc lourdement sur son application : interface simplifiée pour consulter et acheter rapidement un billet de train, mémorisation des informations clients et des habitudes de voyages, affichage des informations en gare, développement du m-billet,…VSC ne prend pas la menace à la légère, et met les bouchées doubles pour conforter sa position de leader. L’interface, grandement améliorée, permet de gommer l’avantage comparatif que Captain Train avait réussi à se créer en travaillant sa solution sur les failles du géant.
Reste-t-il une chance à Captain Train de dépasser le maître, maintenant que sa promesse client [acheter son billet en 56 secondes] est mise à mal par l’application toujours plus performante de VSC ? La route est encore longue pour le détrôner, mais l’arrivée du challengeur a eu le mérite de dynamiser le secteur de la distribution dans le transport ferroviaire, et a permis une forte amélioration du service, notamment sur le mobile, où les attentes des clients sont très fortes.
Captain Train choisit un autre angle d’attaque
Aujourd’hui, les deux modèles de réservation tendent à converger, tous deux encouragés par le même profil de consommateur : exigeant, pressé, et mobile. La solution est unique : aller vers plus de simplification et du multi-canal.
En revanche, les stratégies à long terme divergent. Voyages-scnf.com bénéficie d’un ancrage historique fort (VSC a longtemps été un moteur de l’adoption d’Internet en France), et profite de son leadership notoire en France pour couvrir plus largement le marché de tourisme, comme la réservation de billets d’avion, ou encore d’hôtels. En effet, les Français ont créé un automatisme, et pensent mécaniquement à la SNCF pour la réservation de billets de train, comme ils pensent naturellement à EDF comme fournisseur d’énergie, ce qui facilite l’implantation globale et durable de VSC, en France.
Dans une autre perspective, et son changement de nom en atteste, Captain Train exprime très clairement son ambition de sortir de ses frontières françaises, pour aller conquérir l’Europe qui offre de belles perspectives de développement. Déjà implanté en Italie et en Allemagne (Captain Train couvre l’intégralité de leur marché), c’est l’Europe de l’Ouest qui est aujourd’hui l’objet de sa cible, preuve que la libéralisation de ce marché est bel est bien un enjeu européen.