Les fervents défenseurs de la libéralisation des autocars promettaient des perspectives économiques importantes pour l’économie française et un service innovant. Un an après, il est temps de réaliser une première analyse des « Bus Macron » sur la période écoulée. Mais il est également nécessaire d’aller plus loin : quels sont les prochains défis du secteur ? L’exemple allemand, pays ouvert à la concurrence en 2013, permet-il aux acteurs du marché français de tirer des enseignements ?
L’heure des premiers bilans pour les Bus Macron
Un an après la libéralisation des lignes nationales d’autocar, les premières conclusions peuvent être énoncées.
L’ouverture à la concurrence a entraîné une guerre des prix, matérialisée par les billets à un euro, qui a profité en premier lieu aux consommateurs. L’objectif des acteurs du marché était notamment de convaincre les français d’essayer ce nouveau type de transports. Si le lancement de cette nouvelle offre a notamment profité de l’importante grève ferroviaire du premier semestre 2016, force est de constater que sa première année a été un succès populaire. Les voyageurs en autocar ont en effet profité de la libéralisation du secteur puisqu’ils étaient en moyenne 100 000 par an avant la loi Macron et ont été 3,8 millions au terme de sa première année de mise en place.
La guerre des prix a également eu un impact conséquent sur les transporteurs eux-mêmes : la consolidation. Les cinq principaux opérateurs ont en effet diminué de moitié en un an : Ouibus, filiale de la SNCF, a intégré le réseau de PME Starshipper mi-juin et Megabus, n’ayant pas atteint une taille critique, est devenu un sous-traitant de Flixbus fin juin. Isilines, compagnie lancée spécialement pour le marché français par Transdev, propriétaire d’Eurolines, est restée à l’écart de cette concentration.
Si l’économie française a vu le développement d’un nouveau secteur et la création de 1 500 emplois directs en un an, la situation n’est pas idyllique pour autant. Les commandes d’Autocars ont eu un impact limité sur la filière française, son dernier représentant Ivéco Bus faisant face à une forte concurrence chinoise et turque. De plus, certains chauffeurs ont déclaré connaître des conditions précaires (demandes de réduction du temps de repos, hôtels jugés insalubres, …) durant cette période.
Des questions en suspens à court terme
Au cours des prochains mois, trois sujets pourraient impacter cet état de fait. Les réponses des acteurs seront alors déterminantes pour la survie de ce nouveau marché.
Les transporteurs dressent un premier bilan de leur offre de transport et commencent à l’adapter en fonction de la fréquentation lignes. Les villes desservies sont revues à la baisse et des dessertes sont envisagées uniquement pendant la haute saison pour certains trajets. Flixbus suspend ainsi les arrêts dans certaines villes du centre de la France (Guerret ou Montluçon). L’enclavement de certaines régions n’a donc pas été réglé par les bus Macron, mais ils contribuent à améliorer la situation en proposant des dessertes différentes de la SNCF. La consolidation du trafic voyageurs et les objectifs de rentabilité permettront aux autocaristes d’affiner et stabiliser leur offre.
Par ailleurs, les tarifs peu élevés pratiqués depuis l’ouverture à la concurrence et le faible taux d’occupation des bus (40,7% au second trimestre) impliquent que chaque acteur est déficitaire. Avec la consolidation du marché, et afin de mettre en place un modèle économique pérenne, les prix des billets vont nécessairement augmenter. D’autant que les opérateurs ont investi lourdement, directement ou indirectement, dans l’achat des autocars ou le recrutement du personnel. Mais l’objectif est toutefois de demeurer le moyen de transport le plus économique. Les lignes horizontales, comme Lyon-Nantes ou Bordeaux-Clermont seront probablement les premières concernées car elles sont les moins concurrencées par le train et le voiturage.
Enfin, l’un des principaux freins au développement de l’autocar en France est le manque de gares routières ou, quand elles existent, leur état de délabrement et leur sous-dimensionnement. Équipements (sanitaires, bancs, …) pas toujours en état ou non dimensionnés, sécurité décriée, commerces rarement présents, … Les infrastructures ne sont pas plébiscitées par les voyageurs comme les transporteurs. L’État estime que ce sont aux transporteurs routiers de financer leur construction ou leur rénovation, mais l’ordonnance relative aux gares routières, publiée le 31 janvier 2016, ne prévoit rien pour les y obliger. Les entreprises estiment quant à elles que cette mission revient aux communes afin de renforcer leur attractivité. En attendant, Transdev a annoncé en juin un partenariat avec Total, afin entre autres de déposer ses clients dans des stations-services en périphérie des villes.
L’exemple allemand, une prédiction pour le secteur français ?
L’ouverture à la concurrence du marché allemand a eu lieu en 2013 et le marché français semble suivre son exemple : guerre des prix, consolidation des acteurs, augmentation des prix mais attractivité préservée par rapport aux autres moyens de transport. Mais sont-ils si liés ?
La Deutsche Bahn, opérateur ferroviaire historique, a décidé en septembre de fermer sa principale filiale d’autocars, BLD. La concentration des opérateurs autocaristes longue distance se poursuit donc trois ans après son lancement, et place Flexibus en situation de quasi-monopole avec plus de 90% de part de marché. La question se pose de savoir si cette situation inédite aura un impact sur le niveau des tarifs et si un tel mouvement de concentration se réalisera également sur le secteur français.
Créée en 2011, Flexibus repose un modèle économique particulier : un système de franchise avec une plateforme mettant en contact les clients et les compagnies d’autocar qui exploitent les lignes. Sa gestion intégrée de la marque impose aux franchisés d’apposer le logo du franchiseur sur les autocars comme les uniformes des chauffeurs et laisse à l’opérateur la gestion des lignes, le marketing et les réservations. Flexibus estime en effet qu’elle n’a guère intérêt à racheter les petits transporteurs locaux, ce qui l’obligerait à gérer personnel et véhicules. En France, Ouibus, aurait investi environ 120 millions d’euros depuis trois ans dans son réseau, détenant d’abord des bus en propre, puis sous-traitant les trajets, avant d’opter pour un tel régime de franchise.
Toujours déficitaire jusqu’à aujourd’hui, Flexibus vise des bénéfices pour l’année 2016 et mise notamment sur son expansion géographique et la création de nouvelles offres. Son développement en Europe répond à une logique de marché européen contrairement à Guillaume Pépy, Président du Groupe SNCF, qui estime quant à lui qu’il est nécessaire de distinguer le marché à l’échelon régional et national de son échelon continental. Après l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Autriche et les Pays-Bas, l’opérateur allemand poursuit ainsi son expansion dans un sixième pays, le Danemark. Il vient également de lancer, pour 99 euros, son forfait InterFlix. Concurrençant directement le billet InterRail, cette offre inédite en autocar permet aux acheteurs d’effectuer cinq trajets depuis et vers n’importe quelle destination de l’ensemble du réseau FlixBus. Il envisage enfin de tester un service de livraison de colis le jour même par autocar, actuellement expérimenté par Deutsche Post entre Hambourg et Berlin.
Un an après son ouverture, la libéralisation des autocars est actuellement un succès pour les consommateurs. Si de nombreux défis sont à relever par les transporteurs pour pérenniser et développer leur popularité auprès des voyageurs français, la filière semble en bonne voie pour être un réel succès économique. La présence de Flexibus, champion incontesté en Allemagne, impose toutefois un développement innovant aux deux acteurs nationaux sous peine de disparaître.