L’avionneur Airbus s’est associé à Rolls Royce et Siemens pour mettre en place un démonstrateur de vol hybride, un projet qui vise à rapprocher la technologie hybride du marché des vols commerciaux régionaux.
Annoncé à plusieurs reprises par les dirigeants d’Airbus, le projet de création d’un avion de test hybride voit le jour avec l’E-Fan X, conjointement réalisé avec Rolls Royce et Siemens. Forts de leurs dernières collaborations fructueuses, les trois industriels développent de concert un avion test en misant sur le partage d’expertises.
L’objectif des trois entreprises est clair, sur un modèle d’avion British Aerospace 146, – avion commercial de taille moyenne, produit par BAE System qui porte quatre moteurs à réaction – embarquer un moteur électrique de 2 Mégawatts et trois moteurs à kérosène et pour couvrir une distance semblable à un court-courrier régional. Ainsi, l’énergie électrique serait déployée lors du décollage et de l’atterrissage, les moteurs à combustion de kérosène prendraient le relais sur le reste du courrier. Le premier vol du démonstrateur est prévu pour 2020.
Des tests ont déjà été réalisés au sol avec succès. Une fois en vol, le prototype permettra de récolter des données sur la réaction du moteur électrique embarqué, afin d’optimiser les performances et la sécurité mais également d’identifier les prérequis pour une certification prochaine de la technologie, lorsque les vols hybrides commerciaux seront lancés. Si le test à un moteur électrique est un succès, le consortium prévoit d’en implémenter un second pour une phase de tests ultérieure.
Ce projet témoigne de l’investissement d’Airbus pour atteindre au plus vite l’exploitation nationale d’avions moins gourmands en kérosène, et se positionner comme pilier de la transformation verte du secteur du transport aérien. « Nous voyons dans la propulsion hybride une technologie convaincante pour l’avenir de l’aviation », a affirmé Paul Eremenko, directeur de la technologie d’Airbus.
Un projet qui s’inscrit dans une volonté de transformation verte du secteur…
Les considérations environnementales sont aujourd’hui au cœur de la recherche aéronautique. Pour les trois partenaires, la technologie hybride développée dans l’E-Fan X doit permettre de réduire les émissions de CO2 de 60 % et celles d’oxydes d’azote de 90 %. En outre, la gestion des émissions sonores représente également un enjeu de taille, et la signature acoustique des avions devrait être réduite de 75% grâce au recours à l’électrique. En zone aéroportuaire cela permet également de réduire drastiquement la production de particules souvent décriée par les riverains.
Si on analyse la consommation moyenne d’un avion commercial du décollage à son altitude de croisère, elle représente environ 10% de son carburant. En phase de croisère, l’appareil va consommer environ 80% de ses réserves et en phase descendante, la consommation s’établit aux alentours de 5%. C’est donc sur cette moyenne de 15% de consommation qu’Airbus, Siemens et Rolls Royce priorisent leur action.
La recherche s’intensifie dans l’industrie verte et l’efficacité énergétique. Le programme « Clean Sky » d’Airbus témoigne de cette volonté, avec le développement du projet Balde (Breakthrough Laminar Aircraft Demonstrator in Europe) qui vise à améliorer l’empreinte écologique des avions, en réduisant de 50 % le frottement au niveau de la voilure et jusqu’à 5 % les émissions de CO2.
En 2015 Marwan Lahoud, ancien délégué à la stratégie d’Airbus Group affirmait que « 70% de notre recherche et développement est liée à des objectifs environnementaux ».
Les trois partenaires se sont engagés à remplir les objectifs environnementaux techniques de l’UE (Flightpath 205 Vision for Aviation : réduction des émissions de CO2 de 75%, réduction des émissions d’oxydes d’azote de 90 % et réduction du bruit de 65 %). Cela se traduit par des efforts d’investissement en R&D, notamment en électrification. La propulsion électrique et hybride sont considérées comme des plus encourageantes pour relever ce défi.
L’électrique au cœur de la recherche et développement
La course au tout électrique est lancée. Le secteur reste responsable de 2 à 3% des émissions de gaz à effets de serre qui risque de s’accentuer avec le doublement de la fréquentation prévu d’ici les vingt prochaines années. Naturellement, l’électrique est la voie la plus plébiscitée pour répondre à cet enjeu.
Frank Anton, responsable de l’eAircraft au centre de recherche Siemens annonçait « D’ici à 2030, nous espérons faire voler un avion hybride électrique pouvant transporter jusqu’à 100 passagers sur une distance de 1 000 kilomètres ».
Mais un des défis majeurs de l’avion électrique reste la trop faible densité d’énergie des batteries lithium-ion (dont l’E Fan est équipé) comparativement au kérosène.
Pour obtenir la densité d’énergie d’un kilo de kérosène, il faut 60 kilos de batterie », souligne Jean Hermetz, l’adjoint au directeur du Département conception et évaluation des performances des systèmes de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). La transition énergétique apparaît bien difficile, mais certaines pistes ne sont pas à négliger pour autant.
Airbus, en lien avec le Laboratoire de réactivité et chimie des solides d’Amiens (LRCS) exploite le potentiel des batteries lithium-air, dont la densité d’énergie serait 10 fois plus élevée que pour les batteries lithium-ion, et dont la masse serait 3 fois plus faible.
En parallèle, l’Onera teste le concept de propulsion distribuée au sein du projet Ampère, où une trentaine de petits moteurs électriques sont distribués sur la voilure. Ces moteurs peuvent permettre le contrôle de l’avion, et améliorent la portance à basse vitesse. D’autres recherches liées à la mécanique des fluides sont menées, comme l’étude des écoulements d’airs le long du fuselage.
On retrouve également des projets d’intégration de piles à combustible, pilotés par Safran, Airbus, l’Onera et le Commissariat à l’énergie atomique, mais l’hydrogène présent dans les réservoirs fait l’objet d’une précaution notable de par son inflammabilité.
Enfin, la question de la compatibilité électromagnétique entre les éléments présents dans l’avion est également stratégique, dans la mesure où la puissance électrique décuplée dans les futurs aéronefs va nécessiter une protection accrue. Safran et L’Onera travaillent sur cet aspect, notamment sur le niveau de rayonnement des systèmes électriques et leurs répercussions sur l’avion. En effet, certains éléments particulièrement sensibles à l’exposition pourraient nécessiter un blindage.
Et après ?
Si Airbus vise au développement d’un avion monocouloir électrique ou hybride proche de l’A320, aucune date n’est aujourd’hui annoncée pour ce projet. Un avion de cette taille a de plus besoin d’une puissance d’au moins 40 MW pour le décollage et de 20 MW pour le vol, d’après le cabinet Roland Berger dans son étude « Aircraft electrical propulsion – The next chapter of Aviation ? « , là où l’E-Fan X dispose d’une puissance électrique de 2MW.
On retrouve également en lice certaines start-ups comme Wright Electric, soutenue par EasyJet. Elle souhaite créer un avion de ligne tout électrique pouvant embarquer 120 passagers d’ici dix ans.
Boeing de son côté a également publié une feuille de route précisant le lancement d’un avion à propulsion électrique d’ici 2030. L’entreprise soutient la start-up Zunum Aero dans la commercialisation d’un avion de ligne électrique avec une capacité d’accueil de 50 personnes dès 2022. L’entreprise mise également sur l’hybride et l’évolution progressive de la technologie pour aboutir à terme à l’autonomie électrique.
Tous ces projets se heurtent aujourd’hui à des problématiques techniques mais également de marché, mises en lumière par le cabinet Roland Berger, où les compagnies aériennes préfèrent de plus en plus des avions de 70-90 places à leurs cadets de 40-50 places autrefois préférés. Mais l’aviation électrique se concentre actuellement sur des modèles de taille plus réduite. Il va donc leur falloir convaincre du potentiel de rentabilité de ces engins pour une exploitation à court terme.
Par ailleurs, l’utilisation des avions ne se limitant pas à un vol par jour, il va être central de trouver un moyen de recharge rapide pour rendre la technologie attractive.
Néanmoins, dans la mesure où la facture liée au kérosène explose pour les compagnies dû à la remontée du prix du baril de Brent (80 dollars, +47% en un an), et représente entre 15% et 35% du prix de revient complet d’un vol Air France, l’argument électrique semble doté d’un poids particulier.
Airbus, comme les autres acteurs, se prépare donc à cette arrivée inexorable de l’électrique dans l’offre de transport à moyen terme, le constructeur se devra de convaincre des réels avantages économiques liés à cette technologie dont la maturité n’est pas encore datée. Tout comme Boeing, Airbus se diversifie dans le transport citadin électrique avec des projets de taxis volants (CityAirbus, Vahana), qui témoignent de l’ancrage profond de cette certitude, le transport de demain sera inexorablement électrique.
Le taxi volant CityAirbus