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Quel modèle économique pour le VLS ?

À l’ère de l’économie collaborative, les vélos libre service (VLS) connaissent un essor important en milieu urbain. De prime abord, les villes n’y perçoivent que des avantages : moins de trafic urbain, moins de pollution atmosphérique, moins de nuisance sonore, mais aussi moindre coût pour l’usager et un bilan positif sur sa santé. Cependant, comme toute activité de transport public, les VLS représentent des coûts d’investissement et d’exploitation conséquents pour les collectivités. Quels sont alors les modèles qui s’offrent à elles pour la mise en place de tels systèmes ?

Un marché dominé par un afficheur publicitaire

Aujourd’hui, aussi surprenant que cela puisse paraître, les solutions les plus populaires de vélos libre-service ne sont pas exploitées par un opérateur de transport. En effet, les solutions VLS présentes dans pas moins de 12 villes françaises (sur les 38 qui en possèdent) ont été mises au point par le fleuron français de la publicité et d’aménagement de mobilier extérieur : JC Decaux. Parmi ses succès phares, on retrouve le célèbre Vélov’ de Lyon ou encore le Vélib’ parisien, plus importante flotte de vélos libre-service du monde. Pour mieux comprendre comment JC Decaux et son éternel rival Clear Channel ont pu partir à l’assaut d’un tel marché ces dernières années, il convient d’identifier les prérequis principaux à la mise en place d’un système de vélo libre-service.

prérequis VLS

Au démarrage de son aventure VLS, JC Decaux n’a donc pas de connaissance particulière du fonctionnement de ces systèmes. En revanche, il bénéficie de son savoir-faire dans l’aménagement et l’installation de mobiliers urbains divers, et de sa connaissance de l’écosystème des collectivités locales, avec lesquelles il contractualise régulièrement dans le cadre des délégations de service public d’affichage publicitaire.

Le modèle économique « Vélo libre-service contre publicité »

Même si l’entreprise bénéficie d’une avance sur le sujet, concevoir des vélos adaptés et développer un système de gestion performant et simple d’utilisation pour proposer une offre complète de VLS coûte cher. Le coût d’exploitation d’un vélo en libre-service est ainsi estimé entre 2500 et 4000 euros par an selon la ville et le nombre d’usagers. Une part importante de ce budget est liée aux problèmes de vol et de vandalisme auxquels les vélos libre-service sont souvent confrontés : à titre d’exemple, plus de 40% du parc de Vélib’ était victime de dégradations volontaires en 2013.  Ces actes de malveillances finissent par peser lourd dans les dépenses de l’activité VLS du groupe, puisque le coût de production d’un tel vélo est quant à lui estimé à 600 euros.

Finalement, en comparant tous ces postes de coûts au prix d’un abonnement annuel qui dépasse rarement les quelques dizaine d’euros, force est de constater que l’usager ne semble participer que très faiblement au coût d’exploitation des quelques 30 000 vélos libre-service gérés par JC Decaux en France. Alors, pour rendre son activité VLS lucrative, JC Decaux s’est inspiré de l’un de ses succès phares : les Abribus, dont la particularité est d’être totalement financés par la publicité qu’ils affichent.

Pour ses VLS, le publicitaire a ainsi pris le parti de conserver à sa charge tous les coûts de la chaîne : de la fourniture des vélos à l’installation des infrastructures nécessaires (supports, bornes de locations…) en passant par leur maintenance. En contrepartie, le groupe négocie le droit d’être l’afficheur publicitaire de la collectivité locale et donc d’engranger la recette de cette activité. Aussi, c’est bien à travers l’affichage de publicité que JC Decaux (de même que Clear Channel) gagne de l’argent sur son activité VLS, les revenus des abonnements et de l’utilisation des VLS revenant dans ce cas à la collectivité locale.

Modèle JC Decaux

Ce système parfois contesté permet alors aux communes d’avoir une même entreprise qui non seulement maîtrise l’ensemble de la chaîne du système de VLS, mais qui est aussi capable d’assurer une certaine forme de cohérence entre l’affichage public et l’information.

Cependant, peu d’entreprises sont capables de coupler ces deux activités, et les collectivités se retrouvent alors très vite confrontées à un quasi-monopole incarné par JC Decaux. De plus, si à l’échéance du contrat les villes souhaitent changer de prestataire, elles devront supporter des dépenses importantes pour démonter les installations existantes.

Le modèle économique basé sur la délégation du service public de transport et la subvention des VLS

Face à ces contraintes, d’autres acteurs, sans lien direct avec une activité publicitaire, font progressivement leur apparition sur le marché des VLS. Les opérateurs de transports comme Keolis à travers sa filiale Effia, ou encore Transdev ont ainsi fait le choix d’élargir leurs services de transport urbain en y intégrant des systèmes de VLS qu’ils ont développés eux-mêmes ou qu’ils délèguent à des sociétés d’exploitation spécialisées. Même si leur présence sur le marché reste encore minoritaire en France, Effia gère déjà près de 5700 vélos libre-service répartis dans 6 villes, quand Transdev en propose un peu plus de 3400 dans 9 villes.

L’objectif pour ces opérateurs de transport historiques est double. D’une part, ils cherchent à créer des synergies entre les VLS et les autres moyens de transports plus traditionnels comme le train, le métro ou le tramway. Ils accentuent ainsi leur posture d’opérateur multimodal en proposant une offre globale. D’autre part, ils renforcent leur rôle auprès des collectivités locales, qui voient d’un bon œil la possibilité de conserver dans leur manne la lucrative activité d’affichage publicitaire.

Le modèle économique est donc ici un peu différent. La mise en place et l’exploitation d’un système de VLS par un opérateur de transport n’est pas plus rentable que si elle était réalisée par JC Decaux. Pour compenser ces coûts, la collectivité locale va donc devoir subventionner davantage l’opérateur de transport. Les recettes de l’utilisation des services de transports reviennent dans ce cas à l’opérateur de transport.

modèle transdev

 

Le modèle économique basé sur un fournisseur tiers de solution de VLS

Un troisième type d’acteur parvient à percer sur le marché depuis quelques années, à l’image de l’entreprise Smoove qui se présente comme un expert du vélo libre-service et gère aujourd’hui 8500 VLS de 23 villes réparties dans 12 pays différents. Créée en 2008, cette PME propose une solution complète de mise en œuvre d’un système de vélos libre-service sans en assurer elle-même l’exploitation opérationnelle. Concrètement, la société montpelliéraine agit comme un fournisseur de mobilité commercialisant la technologie de ses vélos, de ses installations physiques d’exploitation (bornes et supports de vélos) et des systèmes de gestions informatiques associés. Elle propose également une prestation de conseil et d’expertise et d’accompagnement dans le déploiement de sa solution VLS.

Pour se démarquer, Smoove a choisi de mettre l’accent sur l’innovation. Le groupe a notamment mis au point un boitier, la Smoove Box, intégré au vélo. Celui-ci permet un accès rapide et direct à la location du vélo sans passer par une borne de réservation supplémentaire et sans clef. La société a aussi travaillé sur un système de sécurisation grâce à un câble inclus directement dans le corps du vélo, et à un système permettant de bloquer la direction lorsque l’usager gare son vélo hors station. Le mobilier urbain présent dans les stations VLS n’est pas en reste puisque les bornes de réservation et de paiement communiquent sans fil avec le système. Rentable et innovante, l’entreprise a récemment réussi à s’imposer face à JC Decaux pour équiper la ville de Moscou.

De par la nature de son activité, Smoove travaille de concert avec les opérateurs de transport intéressés par l’intégration des VLS dans leur offre de mobilité existante, mais qui n’ont pas pu ou voulu développer leur propre système. Le modèle économique autour de l’entreprise fait alors intervenir trois acteurs. La collectivité locale, toujours désireuse de mettre à disposition de la population un service de transport intégrant une solution de VLS, va déléguer cette charge à un opérateur de transport qui sera subventionné. L’opérateur de transport fait quant à lui appel à Smoove qui va lui vendre sa solution de VLS comprenant la mise à disposition de sa technologie, de ses équipements urbains, des vélos et de son expertise. Les recettes engendrées par l’utilisation des transports seront alors partagées entre l’opérateur de transport et Smoove. Smoove s’assure également un revenu complémentaire en proposant à de grandes marques de profiter de ses vélos pour faire de la publicité.

modèle smoove

 

Si certaines communes ont décidé de renoncer aux VLS jugés trop coûteux, un rapport de 2010 mené par le gouvernement évalue pourtant les bénéfices des vélos libre-service en France comme étant légèrement supérieurs aux coûts déboursés par l’Etat. En effet, les bénéfices apportés par l’utilisation des vélos libre-service sur la décongestion du trafic urbain et les externalités environnementales (pollution atmosphérique et sonore) arriveraient tout juste à équilibrer la note salée découlant de leur déploiement. Un argument fort pour continuer à mettre en place ces solutions à l’heure de la vélorution.

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