Les entreprises du secteur du transport doivent sans cesse faire preuve d’imagination et d’innovation pour répondre aux nouveaux défis que leur impose un marché devenu fortement compétitif à l’échelle locale et depuis peu au niveau national. Dorénavant les entreprises évoluent dans un écosystème fortement « digitalisé » dans lequel la diffusion multicanale des informations est devenue la norme. L’intensification des échanges d’information rend caduque le modèle de collaboration actuel. Dans ce cadre, la différentiation passe par la modernisation des pratiques et des usages à travers l’incorporation des nouvelles technologies de mobilité. A travers quelques exemples dans le secteur aérien et ferroviaire, essayons de voir dans quelle mesure les nouvelles technologies peuvent révolutionner les métiers du transport en termes de connectivité, souplesse et richesse des relations.
Des modes de collaboration en mouvement
Au sein des grandes entreprises, l’usage du numérique est devenu plus ou moins incontournable quel que soit le domaine d’activité considéré. Ainsi, l’évolution des organisations au cours de ces 20 dernières années a placé les technologies de communication au centre des préoccupations « collaboratives » malgré le risque de brouiller la frontière entre sphère privée et sphère professionnelle à travers, notamment, la mutualisation des « devices ». D’ailleurs, pour s’adapter aux récents usages et aux nouvelles interactions, les entreprises ont choisi d’investir prioritairement dans des projets de transformation visant à répondre à une tendance de fond : La transformation de l’environnement de travail du collaborateur. Il s’agit notamment de déployer des services SI combinés aux technologies mobiles pour offrir un environnement toujours plus « connecté » aux collaborateurs (téléphone, tablette, accès distant au SI, …) et davantage d’interactions avec les clients/partenaires.
L’exemple du transport
Dans le monde du transport plus qu’ailleurs, les modes d’interaction de la plupart des acteurs sont caractérisés par une forte mobilité. Les échanges se sont appuyés pendant longtemps sur des supports et des périphériques traditionnels adaptés aux activités opérationnelles. Aujourd’hui force est de constater qu’ils offrent peu de connectivité et limitent ainsi les perspectives d’évolution en termes d’agilité et d’efficacité. C’est ainsi que plusieurs chantiers d’expérimentation ont été menés ces dernières années par les principaux opérateurs pour moderniser les modalités de communication. Ces expérimentations concourent à trois objectifs majeurs : La recherche de performance économique, une meilleure efficacité opérationnelle et un renforcement de la proximité avec les voyageurs. Une première illustration de cette tendance est venue du secteur aérien avec le déploiement progressif d’équipement « iPads » dans les cockpits des avions pour permettre aux PNT (Personnel Navigant Technique) d’accéder en quelques touches à l’ensemble de la documentation technique de vol (Procédures, plan, consignes de sécurité, ..). Le choix s’est porté naturellement sur l’iPad en raison des conclusions positives des études d’évaluation lancées dès 2010 par Air France et American Airlines. En effet les critères avantageux comme l’ergonomie et la stabilité de l’appareil ont joué dans le choix de cet équipement.
Pourquoi l’iPad ?
Un constat simple : La documentation de vol, ou « Flight Bag », représente un volume de plusieurs milliers de pages de papier. Ces informations sont à mettre à jour et à diffuser régulièrement aux personnels de bord. L’ipad permet d’effectuer des tâches d’actualisation des données plus en un minimum de temps et avec moins de papier. Autre contrainte couverte, les pilotes ne sont plus obligés de se rendre à leurs agences respectives entre deux vols pour récupérer les documents à jour. Outre l’aspect logistique, la dématérialisation des dossiers papiers (« Electronic Flight Bag ») permet de délester l’appareil en exploitation d’une charge conséquente de plusieurs dizaines de kg par vol. In fine, cela représente une économie d’échelle non négligeable : American Airlines, par exemple, a chiffré ce gain à plus de 1 million de dollars par an sur l’ensemble de sa flotte.
A cet enjeu financier s’ajoute également une efficacité opérationnelle accrue dans la gestion du vol. En effet, il suffit ainsi de quelques touches pour permettre aux pilotes de compulser toutes les procédures, plan d’aéroport, cartes/cartographies de navigation, itinéraires de secours, manuels d’exploitation ou autres documents techniques « constructeur » à jour et nécessaires à la préparation et au bon déroulement du vol. Autre bon point côté sécurité, les incidents et les indicateurs de vol sont remontés par télétransmission depuis la tablette aux centres de contrôle en charge de la circulation aérienne. Ce dispositif ne reste cependant pas unique puisque d’autres constructeurs disposent également des agréments nécessaires pour implémenter des solutions « Electronic Flight Bag » dans les cockpits des avions. La société Suédoise NavAéro et Jeppesen (Boeing) proposent ainsi des solutions intégrées de tablette et de plateformes de connectivité aux acteurs de l’aérien.
Du côté du rail, l’opérateur SNCF a également quelques initiatives à faire valoir auprès de ses usagers du quotidien. En effet, les personnels de bord disposent dorénavant de boitiers digitaux facilitant les opérations de contrôle et le dialogue avec les voyageurs. Par ailleurs, un chantier d’expérimentation est en cours sur les trains TER de la région Basse-Normandie pour faciliter l’utilisation d’une application mobile qui permettra aux voyageurs d’acheter des « e-billets » et de les composter directement depuis leurs Smartphones via la technologie NFC. En parallèle les personnels de bord, seront équipés de Smartphones compatibles NFC et pourront ainsi très rapidement vérifier les titres de transport achetés depuis un Smartphone même dans le cas d’un mobile éteint. Autre avantage, ces nouveaux équipements permettent de renforcer la lutte anti-fraude menée par la SNCF afin de réduire le manque à gagner de près de 300 millions d’euros par an.
En matière d’information voyageur, la SNCF a également opté depuis 2012 pour le déploiement d’une flotte de Smartphones « Android » à destination de ses 10 000 chefs de bord. L’objectif visé est l’amélioration de la connaissance des agents par l’utilisation des applications « grand public » d’information voyageur (accès aux données d’information voyageur en temps réel : horaires, messages de perturbation, …). Le choix des terminaux « Android » s’expliquent cette fois-ci par des contraintes techniques : A l‘inverse d’iOS, ce système d’exploitation autorise une configuration logicielle bas niveau qui assure l’utilisation de certaines applications « métier » SNCF. Sur le volet de la sécurité, RFF a entrepris au 1er semestre 2014 une autre expérimentation qui vise à répondre rapidement aux recommandations du plan VIGIRAIL. Ce chantier vise, d’ici 2015, à « digitaliser » l’ensemble des opérations de surveillance des infrastructures en développant une bibliothèque d’applications mobiles dédiées et accessibles directement depuis les Smartphones des agents et les tablettes des opérateurs de maintenance.
Et demain ?
Demain, tout laisse croire à la poursuite de cette dynamique de digitalisation des métiers du transport avec certainement beaucoup d’innovations grâce aux équipements mobiles. Il s’agira, par exemple, d’optimiser le suivi RH et opérationnel des agents de terrain. Cette transformation s’appuiera des dernières technologies en matière d’objets connectés : iDTGV a lancé un chantier d’expérimentation basé sur les « Google Glass » en vue de faciliter les gestes du personnel de bord et de « digitaliser » encore plus les relations entre le personnel et le client voyageur (cf. notre article du 31/10/2014). Pour assurer le succès de ces évolutions, l’accent devra être mis non seulement sur la formation des agents opérationnels à l’usage de ces nouvelles technologies, mais également sur l’accompagnement des clients pour qui la transition digitale doit toujours être perçue comme une avancée facilitatrice. Il sera également nécessaire de garantir la sécurité dans l’échange des données personnelles (numéro client, géolocalisation, numéro bancaire, …) alors même que des failles de sécurité ne cessent d’être dévoilées …