C’est dans un contexte de crise sanitaire et économique pour le secteur aérien que s’est tenu le Paris Air Forum 2020, organisé par La Tribune, du 20 au 25 novembre 2020. Pour sa septième édition, le forum a eu lieu dans un format 100% digital et les débats et conférences ont été diffusés tout au long de ces 6 jours sur le site de l’événement.
Les conséquences de la crise et les bouleversements que connaît le secteur ont bien entendu été au cœur des débats. Mais il a aussi été question de transition écologique et d’innovation.
Retour sur les temps forts de ce rendez-vous international du secteur de l’aéronautique.
Une crise sans précédent qui frappe de plein fouet le secteur aéronautique
Les intervenants de cette journée de débats sont tous revenus sur les conséquences de la crise sanitaire et économique qui touchent l’ensemble du secteur aéronautique. Si le secteur a déjà connu des crises dans le passé – choc pétrolier, attentats du 11/09/2001, éruption du volcan islandais –, l’année 2020 a bouleversé l’industrie aéronautique avec une ampleur sans précédent.
Eric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation et du GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales), note l’impact de cette crise : « On est à moins 50 % de trafic aérien [sur l’année 2020], ce qui touche bien sûr l’industrie aéronautique, qui a été obligée de réduire ses livraisons ». Pour Eric Trappier, l’objectif est de sauver l’ensemble des acteurs de la filière, notamment les équipementiers et PME implantés dans les territoires. Le GIFAS estime que sur les 300 000 personnes qui travaillent dans l’industrie aéronautique, au moins 30% ont connu une baisse de charge cette année, soit 90 000 personnes qui ont cependant pour la plupart évité un licenciement grâce au chômage partiel.
Les compagnies aériennes et les aéroports souffrent également de la baisse du trafic. Pour Anne Rigail, la Directrice Générale d’Air France : « Il y aura quelques faillites. Il faudra se poser la question de la durée des aides d’Etat et des consolidations futures. ». La reprise se fera donc très progressivement et une restructuration de l’écosystème des compagnies aériennes semble inévitable dans les prochains mois. Face aux low-cost, Anne Rigail défend le modèle des Legacies, ou compagnies traditionnelles : « Les legacies ont beaucoup d’atouts pour résister car elles adressent tous les segments de clientèles. Leur principal défi consiste en une baisse des coûts ».
De son côté, Edward Arkwright, le Directeur Général du groupe Aéroports de Paris (ADP), fait preuve d’optimisme quant à la reprise du trafic à un niveau pré-crise à horizon 2025. Pour s’adapter à la baisse de trafic, ADP a fait preuve d’agilité : fermeture partielle de terminaux à CDG et à Orly, réorganisation des flux Schengen/non-Schengen… ADP a aujourd’hui une ambition clé : redonner confiance aux voyageurs en garantissant un parcours voyageur fluide en aéroport malgré les adaptations nécessaires (prise de température, distanciation, tests nécessaires pour embarquer selon les destinations…).
Dans ce contexte de crise inédit, le secteur aéronautique souhaite profiter de ce bouleversement pour repenser son modèle et mettre la transition environnementale au cœur de la reprise.
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Accélérer la transition écologique dans l’aérien grâce à l’innovation
« L’aviation peut-elle vraiment gagner la bataille du CO2 ? » C’est la question qui a été posée aux dirigeants des groupes ADP, Airbus, Air France-KLM, Safran et Total. Guillaume Faury, Directeur Général d’Airbus, a rappelé que « depuis 1990, l’aérien a opéré une réduction de 54% des émissions de CO2 par passager et par km parcouru ». S’il affirme que les avancées sont importantes, il convient également que le secteur doit accélérer sa transformation en s’appuyant sur l’innovation. Plusieurs pistes apparaissent déjà très prometteuses. A moyen-terme (2021-2025), l’optimisation des trajectoires de vol, l’éco-pilotage, l’électrification des engins de manutention au sol ou encore l’utilisation de biocarburants sont des leviers qui permettront de poursuivre la réduction des émissions. A plus long terme (2035), Airbus envisage des innovations plus disruptives comme de nouveaux designs d’avions, celui de l’aile volante par exemple, ou le développement d’avions à hydrogène.
Le Président-Directeur Général du groupe Total, Patrick Pouyanné, rappelle la nécessité que tous les acteurs travaillent ensemble pour développer ces innovations. Total maitrise la filière des biocarburants, notamment pour le transport routier. Toutefois, les biocarburants sont encore coûteux (2 à 4 fois le prix le prix du kérosène classique) ce qui nécessite de trouver des modèles économiques viables afin que les compagnies puissent rester compétitives. A titre d’exemple, l’incorporation de 1% de biocarburant pourrait augmenter le prix d’un billet Paris-New York de 5€.
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Cette transition écologique a donc un coût mais les compagnies aériennes ont fait de la réduction des émissions de CO2 l’un de leurs objectifs principaux. Dans le cadre de son plan à horizon 2030, Air France prévoit de continuer le renouvellement de sa flotte pour des avions 15 à 20% moins polluants. Ben Smith, Directeur Général du groupe Air France-KLM, a rappelé la nécessité de moyens financiers pour investir dans une flotte plus propre et a incité les gouvernements à réduire les taxes sur l’aérien ou à accompagner financièrement les compagnies pour permettre un renouvellement accéléré des flottes. Anne Rigail a rappelé les engagements d’Air France pris suite au prêt garanti accordé par l’Etat français, de supprimer les lignes domestiques pour lesquelles une alternative ferroviaire existe avec un trajet de moins de 2h30 (par exemple, les liaisons Paris – Bordeaux et Paris – Nantes). Cet engagement est complété par l’intensification du partenariat SNCF/Air France qui permettra aux voyageurs de bénéficier d’une offre combinée Train + Avion.
Sur les plateformes aéroportuaires parisiennes, la transition écologique est déjà bien avancée. ADP a pris l’engagement de supprimer les émissions de CO2 en 2030 liés à ses activités au sein des aéroports d’Orly et de Roissy. Augustin de Romanet, Président-Directeur Général d’ADP, a rappelé les pistes de travail sur lesquelles travaille actuellement le groupe : le développement de la géothermie pour chauffer les aéroports, l’utilisation de véhicules électriques pour les activités aéroportuaires ou encore la production d’hydrogène à proximité des aéroports, anticipant ainsi l’arrivée de cette nouvelle source d’énergie pour les avions.
2020 aura donc été une année charnière pour l’industrie aéronautique. Surmonter la crise, redonner confiance aux voyageurs de prendre l’avion, poursuivre et accélérer la transition écologique, tels sont les principaux défis que devront relever l’ensemble des acteurs du secteur dans les prochains mois.
Vous pouvez retrouver l’ensemble des débats en vidéo sur la chaine Youtube du Paris Air Forum.
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