Qui dit Ryanair dit modèle low-cost poussé à l’extrême : prix dérisoires mais prestation de transport minimaliste, aéroports secondaires, relation client dégradée, conditions de travail controversées, logo jaune et bleu de goût douteux… Malgré son image peu reluisante, Ryanair est aujourd’hui la première compagnie en Europe, avec 86,4 millions de passagers transportés. La compagnie irlandaise a néanmoins été détrônée en 2014 par EasyJet en termes de rentabilité financière. Quelle est la stratégie de Ryanair pour tenir le cap face à EasyJet et la montée en puissance des autres compagnies low-cost en Europe, comme Transavia ?
Le low-cost aérien se transforme et Ryanair n’y échappe pas ! A l’occasion des 30 ans de Ryanair, Michael O’Leary, son excentrique président, souhaite booster la compagnie en repensant son modèle, en améliorant l’expérience client et en séduisant de nouvelles cibles.
De nombreuses initiatives pour améliorer l’expérience client
Dans le cadre de son programme « Always Getting Better » lancé en 2014, Ryanair entend améliorer le service et l’expérience client. La compagnie a ainsi mené de nombreuses actions dans ce sens : l’attribution des sièges, une baisse du prix de certaines options, un second bagage à main autorisé… Elle a également misé sur le digital, puisqu’elle a refondu totalement son site web et lancé son application mobile. Celle-ci permet aux clients de réserver des vols, de gérer leurs réservations, de s’enregistrer et de télécharger leur carte d’embarquement ou encore de consulter les informations de vol en direct. Enfin, son nouveau fil Twitter permet d’informer ses clients en temps réel.
Afin de soutenir ces initiatives, Ryanair a pour ambition de desservir davantage d’aéroports « principaux » en Europe. Si la compagnie est aujourd’hui présente sur les plateformes principales de Rome, Bruxelles et Barcelone, la question de desservir les aéroports principaux en France est plus épineuse. En effet, Orly et Roissy Charles-De-Gaulle affichent des taxes beaucoup plus importantes que celles des aéroports secondaires comme Beauvais. Ensuite les places y sont chères : l’aéroport d’Orly est plafonné à 250 000 mouvements annuels pour des raisons environnementales, alors qu’il pourrait techniquement en absorber 450 000. Les créneaux disponibles sont donc très rares, et lorsqu’une compagnie en détient, elle les conserve précieusement (par exemple, Air France transfère certains créneaux à sa filiale Transavia).
Séduire la clientèle Business et les familles
Tout comme Air France sur le court et moyen-courrier, ou sa rivale EasyJet, Ryanair développe son offre Ryanair Business Plus. Avec un prix d’appel à 69,99 euros, l’offre permet à la clientèle d’affaire – qui représenterait 25% de ses passagers selon Kenny Jacobs, directeur marketing de Ryanair – de profiter d’une plus grande flexibilité sur les billets, d’une franchise de bagage enregistré de 20 kg, des sièges premium dédiés, ou encore de la priorité à l’embarquement. Attention, ces services doivent être réservés au moment de l’achat; s’il sont ajoutés par la suite, ils sont facturés aux clients.
Pour soutenir ces initiatives, Ryanair a choisi de développer ses canaux de distribution. Alors que la vente directe était jusqu’à présent privilégiée, Ryanair s’est ouvert aux GDS – Global Distribution System : système de réservation servant d’intermédiaire entre agences de voyages et compagnies aériennes. Après avoir conclu un accord avec Travelport, Ryanair s’associe maintenant à Amadeus, l’un des principaux acteurs dans le monde de l’aérien. Ainsi, les billets Ryanair seront disponibles à la réservation par les 92 000 agences de voyages connectées au GDS Amadeus.
Si cette offre peut séduire fortement les clients des petites ou moyennes entreprises par ses bas prix par rapport la concurrence, le principal challenge est de conquérir les clients d’affaires des grandes entreprises basées à Paris, moins sensibles à l’argument financier, et plus attentifs au côté « pratique » pour leurs déplacements professionnels : l’accès à l’aéroport de Beauvais ainsi que la fréquence des vols restent des contraintes importantes.
Ryanair souhaite aussi draguer la clientèle familiale avec sa nouvelle offre Family Extra, en lui proposant un ensemble de réductions et de services spécifiques : 50% de réduction sur les sièges pour les enfants, 50% de remise sur les bagages en soute des enfants, bagage de 5kg autorisé par bébé,…
Et pourquoi pas proposer des vols transatlantiques ?
Le low-cost sur le long-courrier est encore très peu développé : seules des petites compagnies se sont lancées dans l’aventure. On pense à Norwegian qui propose depuis juillet dernier des vols Londres et Los Angeles à un prix d’appel de 250 euros, ou encore Lufthansa qui se lance en 2015 sur des vols entre l’Allemagne et les Etats-Unis via sa marque Eurowings.
Dans un futur plus incertain, Ryanair a pour ambition de relier l’Europe et les États-Unis. Un positionnement totalement nouveau pour cette compagnie qui n’opère actuellement que sur le moyen-courrier. L’objectif serait de proposer des vols trans-atlantiques à bas coût sous une autre marque.
Toutefois, la faisabilité de ce projet reste à prouver. Certaines compagnies se sont lancé sur ce créneau, mais le modèle low-cost est-il viable sur les trajets long-courriers ? En effet, on s’interroge sur la possibilité de maintenir des bas prix ainsi que sur l’attractivité d’une telle offre sur des vols de plus de 6 heures. On imagine que l’ensemble des services seraient payants – bagages, choix du siège, repas et boissons à bord,… – ou que le confort à bord serait minimal pour augmenter la densité de sièges en cabine. Le choix des avions, le choix des aéroports, la clientèle visée et les services proposés sont des leviers clés pour explorer cette piste.
Entre 2013 et 2014, Ryanair a atteint les 86 millions de passagers (+6%). Les initiatives entreprises seront-elles suffisantes pour lui permettre d’atteindre son objectif de 97 millions de passagers en 2015 ? Pour l’instant, la compagnie semble bien lancée, puisqu’elle a enregistré une hausse de 20% de son nombre de clients et de 7% de son taux de remplissage, sur le mois de décembre 2014 par rapport à 2013. Ce succès souligne la pertinence du repositionnement des compagnies low-cost à l’heure où les compagnies classiques, elles, s’efforcent de proposer des vols plus accessibles. Le modèle hybride serait-il la clé de la croissance du transport aérien?