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Le self-connecting, un nouvel enjeu stratégique du transport aérien ?

Le self-connecting, pourquoi et comment ?

Vous avez déjà pris l’avion d’un point A vers un point C tout en passant par un point B avec deux billets séparés ? Félicitations, vous faites partie des passagers ayant déjà eu recours au self-connecting. Le self-connecting, ou la correspondance autonome, c’est tout simplement réaliser soi-même sa correspondance entre deux vols sur deux billets séparés. Le principal intérêt du self-connecting est une économie financière pour le passager puisque le trajet pourra être bien moins coûteux qu’un vol direct ou qu’une correspondance assurée par la même compagnie.

Source : OAG[1]

Un passager peut également utiliser le self-connecting s’il souhaite faire une escale plus longue ou parce que les horaires des vols directs ou avec correspondance d’une même compagnie ne lui conviennent pas. Les différents moteurs de recherche en ligne comme Skyscanner proposent ainsi de nombreux itinéraires avec parfois la mention  « correspondance autonome » indiquée.

L’émergence du low-cost a intensifié le self-connecting

Cette pratique s’est grandement intensifiée avec l’augmentation du nombre de lignes low-cost. En effet de 2010 à 2017, le nombre de correspondances possibles via une compagnie low-cost a augmenté de 53% [2]. Cela résulte de l’augmentation continue de la part des compagnies low-cost dans le trafic aérien mondial et notamment européen comme le montre le graphique ci-dessous :

Par ailleurs, le modèle low-cost est basé sur du point à point. En principe, prendre un aller plus un retour séparément sur une compagnie comme Vueling ou Ryanair ou prendre un aller-retour directement vous coûtera le même prix. Le modèle des compagnies traditionnelles est bien différent puisque prendre un aller simple plutôt qu’un aller-retour est très coûteux pour le passager comme l’expliquait le site de réservation Algofly dans un de ses insights [3]. Or tout l’intérêt du self-connecting est justement la possibilité de dessiner soi-même son itinéraire d’un point A à un point B. C’est donc tout logiquement que le low-cost sert le self-connecting et booste son utilisation puisque l’augmentation des lignes low-cost donne de plus en plus de combinaisons aux voyageurs pour jouer avec leur itinéraire. Le self-connecting peut également être un moyen d’alimentation du moyen-courrier vers le long-courrier en acheminant le passager vers des aéroports privilégiés comme Francfort en Allemagne ou encore l’aéroport de Changi à Singapour. Ce dernier est considéré par les professionnels du secteur comme passagers grâce à son ambiance travaillée et ses nombreux services comme par exemple des cinémas gratuits pour les passagers en transit. Cela fait désormais six éditions consécutives que l’aéroport de Singapour-Changi domine le classement annuel des meilleurs aéroports établi par Skytrax.

Une pratique qui se confronte néanmoins à des obstacles

Pourtant, il reste de nombreux obstacles limitant l’adoption par un plus grand nombre de passagers de cette pratique. Parmi les principales sources de préoccupation chez les usagers, OAG a identifié les trois raisons suivantes [4] :

  • 55% des voyageurs craignent de manquer un vol avec correspondance et de ne pas faire l’objet d’une nouvelle réservation automatiquement par la compagnie aérienne.
  • 21% des voyageurs craignent que leurs bagages enregistrés n’arrivent pas à la destination finale.
  • 7% des voyageurs ont identifié le temps nécessaire pour planifier ou rechercher un voyage en self-connecting comme un rebut.

A l’inverse des correspondances classiques, cette pratique ne permet pas d’indemnisation en cas de retard. Si par exemple vous faites appel à une compagnie A pour votre premier vol puis à une compagnie B pour votre second, dans le cas où votre vol A prendrait du retard et vous amènerait à manquer votre vol B, vous n’aurez aucune indemnisation de la compagnie B ni proposition de reclassement. C’est là tout le risque du self-connecting. Il faut donc prévoir un temps de correspondance suffisant pour ne pas risquer de devoir repayer un billet d’avion. Encore une fois à la différence de la correspondance classique, dans la majorité des cas puisque cela dépend de la configuration de l’aéroport et des lois d’immigration en vigueur, il vous faudra repasser par la « case départ » et par tout le processus d’immigration. Si vous avez un bagage enregistré il vous faudra même le réenregistrer, c’est-à-dire d’abord le récupérer, sortir du hall d’arrivée puis passer tous les points de passages classiques comme si cela était votre premier vol. Tant d’étapes qui augmentent donc le risque de retard. C’est pour ces raisons que les compagnies et les aéroports doivent innover pour faciliter l’usage du self-connecting.

Quelles transformations à prévoir dans l’industrie ?

EasyJet a été l’un des précurseurs dans l’appréhension de cette nouvelle pratique parmi les compagnies aériennes en lançant Worldwide [5]. Grâce à des compagnies partenaires et avec la promesse d’un transfert « sans stress », EasyJet propose de réserver directement via le site de la compagnie des vols pour des destinations lointaines telles que New York ou Singapour. Cela fonctionne via l’un des nombreux aéroports européens disposant du service de self-connecting d’EasyJet en proposant notamment : une réservation unique, une correspondance individuelle vers les vols d’easyJet et d’autres compagnies aériennes partenaires, un transfert simplifié des bagages et un coupe-file au contrôle de sécurité dans certains aéroports ainsi qu’une assurance vol manqué. Par ailleurs, l’intensification des correspondances a poussé les compagnies aériennes low-cost à également adopter le système de hub aéroportuaire. Une étude allemande révélait par exemple que Norwegian avait sélectionné 5 aéroports européens (Gatwick, Stockholm, Copenhague, Oslo et Heslinski) car ces aéroports offraient de nombreuses possibilités de connexions [6].

La concurrence existe donc non seulement chez les compagnies aériennes mais également entre les aéroports. En effet tous les aéroports ne sont pas au même niveau de maturité concernant l’adoption du self-connecting qui représente pourtant un enjeu stratégique pour les hubs aéroportuaires. En Europe, l’aéroport de Londres Gatwick apparaît comme un pionner dans la facilitation des correspondances avec le lancement de GatwickConnects [7]. On peut également citer l’aéroport de Milan Malpensa parmi les bons élèves avec son dispositif ViaMilano.

Une pratique déjà en mutation

Dans une étude dédiée à l’essor du low-cost long-courrier et de ses conséquences pour les aéroports, Wavestone identifie un processus en mutation au sein duquel le self connect évoluait déjà vers un easy connect à travers ces initiatives en attendant le perfect connect.

Extrait de la publication Wavestone « Essor du low-cost long-courrier : quelles conséquences pour les aéroports ? »[8]

C’est d’ailleurs via Gatwick que transiteront les passagers du partenariat récemment annoncé par EasyJet avec Virgin Atlantic. Les passagers européens pourront donc d’abord prendre un vol en Europe vers Gatwick puis un vol long-courrier depuis ce même aéroport via Virgin Atlantic. Les alliances entre compagnies low-cost s’accentuent [9] dans l’optique de connecter leurs offres. On se rapproche ainsi de ce que l’on peut avoir avec Transavia et Air France [10] ou encore Vueling et Iberia

En résumé le self-connecting est une belle opportunité pour des passagers moins exigeants sur le paramètre temps de trajet mais souhaitant faire des économies. Le self-connecting en tant que moyen d’alimentation du court/moyen-courrier vers le long-courrier représente également un enjeu stratégique important . Facteur de croissance pour les compagnies low-cost, les compagnies traditionnelles confrontées à cette menace remettant en question le système traditionnel du hub doivent également réagir. Par exemple en nouant des partenariats avec des compagnies low-cost comme le montre les discussions entre Etihad et EasyJet [11]. Enfin, les aéroports sont également concernés puisqu’en facilitant cette pratique ils peuvent attirer de plus en plus de compagnies à les desservir et donc en conséquence de passagers.

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