En septembre 2015 explose la bombe médiatique « Dieselgate », le scandale Volkswagen sur les logiciels de détection et de manipulation des contrôles anti-pollution. Ces révélations ont alors mené à une vague de suspicions sur le diesel et à une traque anti-pollution menée par les gouvernements, les organismes publics et parapublics et les ONG. Ces suspicions ont impacté d’autres acteurs de l’automobile. Renault PSA et Fiat Chrysler Automobiles ont ainsi été accusés d’avoir manipulé leurs taux d’émissions d’oxyde d’azote (NOx) depuis les tests effectués sur leurs véhicules.
En dépit des progrès réalisés sur les moteurs, les comportements d’achats ont évolué. On peut mesurer l’impact du Dieselgate en France avec une chute des ventes de véhicules diesel de 23 points sur ces quatre dernières années (de 64% en 2014 à 40,6% aujourd’hui, selon le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles).
Cette conjoncture a ainsi des conséquences telles que l’augmentation des émissions de CO2 due à une volte-face du consommateur vers l’essence, des menaces sur l’emploi, des règlementations plus ambitieuses ainsi qu’un souffle d’innovation de la part des acteurs du marché de l’automobile.
Les conséquences et réactions de la filière
« C’est toute la filière automobile qui a été prise de court » (François Roudier, directeur du CCFA). En effet, le Dieselgate a fait basculer la tendance vers les véhicules essence avec 2 ans d’avance sur les prévisions poussant l’entière chaîne des acteurs à réviser sa stratégie et ajuster ses outils de production.
Du côté des constructeurs de véhicules compacts (citadines, berlines et SUV), la dédieselisation du marché est gérable sur le long terme car ils ont un produit capable de se convertir vers l’essence ou l’électrique. Ils doivent donc travailler sur le transfert technologique d’une industrie assez flexible.
Du côté des constructeurs haut de gamme en revanche, la difficulté provient de la motorisation des véhicules cylindrés, plus adaptée à l’utilisation du diesel. Il leur faudrait attendre 2020 avec l’arrivée de la prochaine génération des moteurs hybrides pour tourner définitivement la page du diesel.
On comprend que les constructeurs pourront soutenir cette transition. En revanche, pour les équipementiers, certains sites de production sont menacés tels que les usines Bosh, Delphis ou Honeywell. C’est pour éviter ces pertes que Bercy a lancé un plan d’action le 07 décembre dernier réorganisant la production, rapatriant les technologies, et mettant en place des aides financières.
Les réactions nationales : en France et en Allemagne
La réaction des grandes villes européennes ne se font pas attendre. Les grandes capitales annoncent les unes après les autres leur intention de bannir les véhicules diesel de leurs rues : Bruxelles a acté cette exclusion depuis le 1er janvier dernier, suivront Paris et Rome en 2024, Athènes et Madrid en 2025, Londres et Oslo ayant déjà instauré un péage pour les véhicules les plus polluants.
L’Allemagne et la France sont les deux plus gros parcs automobiles d’Europe et ainsi les premiers observés sur leur décision concernant le diesel. Suivant le Plan Energie Climat, la France a mis en place une prime à la conversion (ou prime à la casse) en 2018, qui encourage la mise à la casse des véhicules diesel immatriculés avant 2001 ainsi que l’achat des véhicules 100% électriques. En Allemagne la chancelière Angela Merkel favorise cette dernière solution, moins radicale que l’éradication pure et simple du véhicule diesel. Elle souhaite en effet instaurer un péage modulé en fonction des horaires, accélérer le déploiement d’un réseau de points de charge pour véhicules électriques, et accélérer l’électrification des transports en commun.
On peut observer un paradoxe entre l’industrie qui investit massivement dans l’essor du véhicule électrique, et ses réactions envers les autorités pour abaisser les exigences des mesures anti-diesel. L’une des explications est la suivante : il faut plusieurs années pour amortir et reconvertir le coût d’un outil industriel. Ainsi, l’industrie n’est pas prête à se passer complètement de ses revenus générés par les ventes de diesel.
Les réactions des consommateurs
Si la fin du diesel vise à protéger les citoyens, ces derniers ont des avis mitigés sur cette interdiction. En effet, pour ceux qui ne bénéficient pas de la prime à la conversion (réservée, selon l’imposition du ménage, aux véhicules diesel immatriculés avant 2001 ou 2006), cela les obligerait à acquérir un nouveau véhicule et ce entièrement à leur charge.
Du côté des nouveaux acheteurs, on observe une mise à l’écart du diesel au profit des véhicules essence. Pour palier cela et relancer les ventes de diesel, Volksagen Allemagne a lancé une « prime environnementale », estimant que tirer les prix vers le bas était le moyen le plus efficace de motiver les ventes de véhicules diesel neufs.
Les réactions des marques
Toyota a annoncé la fin des ventes de ses véhicules diesel en Europe fin 2018, Volvo arrête la production en 2019, Fiat Chrysler en 2022 et Peugeot en 2025. Cet arrêt graduel du diesel sera compensé par l’électrification des véhicules ainsi que la hausse des ventes de véhicules essence. On peut prendre l’exemple de PSA qui, face à sa chute de 10% de vente de véhicules diesel en 2017, mise sur l’essence en améliorant sa chaîne de montage, importations massives de matières, réorganisation de la production. Nissan en revanche se veut pionnier de l’innovation électrique avec sa citadine Leaf en 2010 et son souhait de multiplier par 6 ses ventes de véhicules électrifiés d’ici à 2022-2023.
En Allemagne, les revendeurs qualifient de « majeure » (selon l’Association Allemande des Professions de l’Automobile) la difficulté de vendre un véhicule diesel Euro 6, puisque les véhicules les plus récents n’attirent les consommateurs qu’une fois dotés d’un rabais massif. Les dirigeants Volkswagen (suivis par BMW depuis mars 2018) ont donc pris le parti de garantir gratuitement les véhicules, pour un rachat valable sur 3 ans en cas d’une liberté de circulation bridée par les autorités.
Certains prennent l’initiative de relancer le diesel et de le repenser pour qu’il soit plus respectueux de l’environnement et rassurant pour les consommateurs. Pour Volkmar Denner, le Président du directoire de Bosh, « Le diesel a de l’avenir ». Le groupe développe ainsi une technologie applicable aux pots d’échappement permettant d’abaisser très largement ls émissions d’oxydes d’azote.