*共享单车 (en pinyin : gòng xiang dān chē ) signifie « vélo partagé » en mandarin.
Dans une Chine faisant face aux défis d’une croissance économique ininterrompue depuis le début des années 1980, d’une croissance exponentielle de ses villes, et souhaitant aujourd’hui s’engager dans une croissance plus verte et moins polluante, la question des transports urbains se transforme rapidement en casse-tête. Face à ces nombreux défis, le vélo, longtemps perçu comme un symbole de pauvreté et délaissé par les nouvelles classes moyennes au profit de la voiture, connait aujourd’hui une véritable renaissance.
Le vélo en libre partage : un marché chinois prometteur
Mobike, fondé par Hu WeiWei, et Ofo, fondé par Austin Zhang, sont lancées en 2015 avec de petites flottes de vélos mises à disposition dans des campus universitaires de Shanghai et Beijing respectivement. Leur cible est la jeunesse universitaire chinoise, urbanite et tech-savvy, à la recherche de moyens de transport flexibles et bon marché pour se déplacer en ville. Ofo reçoit rapidement le soutien de China Telecom et du géant Huawei, lui permettant d’intégrer une technologie de géolocalisation par tracker GPS et de verrouillage connecté à ses cycles. Mobike n’est pas en reste, s’étant attiré les grâces des géants Foxconn, Qualcomm, Vodafone, AT&T, Cisco et Ericsson. Suite à des séries de levées de fond impressionnantes (600 millions de dollars pour Mobike et 700 millions de dollars pour Ofo levés en Serie E cet été), les deux compagnies sont à présent valorisées à plus d’un milliard de dollars chacune.
Des start-ups chinoises à la croissance agressive
Le succès de ces deux start-ups auprès des investisseurs est dû, en partie, à leur business model novateur et à une stratégie d’expansion agressive. Leurs vélos, reconnaissables à leurs couleurs fluo (jaunes pour Ofo et orange pour Mobike) sont loués pour moins d’1RMB/30min (environ 13 centimes d’euros) via une application mobile permettant de géolocaliser les vélos disponibles et de déverrouiller le cycle choisi par un système de QR code. Après des débuts encourageants à Shanghai et Beijing, les deux start-ups se sont rapidement lancées à la conquête des villes chinoises et sont aujourd’hui présentes dans plus de cent métropoles, avec l’objectif d’en atteindre deux cents avant la fin de l’année 2017. Mobike compte aujourd’hui une base de cent millions d’utilisateurs en Chine et gère en moyenne vingt-cinq millions de trajets quotidiens.
En renfort de ces stratégies de conquête de marché, Ofo et Mobike consolident leur modèle leurs bases en investissant massivement dans des solutions technologiques permettant de mieux gérer leurs flottes, estimées à 16 millions de vélos en Chine. Mobike a ainsi récemment lancé la plateforme Magic Cube, une plateforme basée sur l’intelligence artificielle, destinée à traiter la montagne de données collectée par l’application et les vélos de Mobike et optimiser leur utilisation. De plus, les deux concurrents travaillent avec leurs partenaires et investisseurs au développement de technologies IoT et NFC (near field communication) adaptées à leurs besoins.
Car la solution de vélos en libre-service des deux start-ups n’est pas sans défaut. En effet, l’absence de bornes de parking dédiées implique que les vélos peuvent être déposés n’importe où par les usagers, et c’est tout le problème. Les dépôts sauvages ont pris une ampleur telle dans certaines villes chinoises que le ministère des transports s’est récemment saisi du sujet, publiant en août des directives visant à encadrer l’usage de ces vélos en libre-service pour limiter les accidents. Plusieurs municipalités chinoises, dont Wuhan, Guangzhou et Shenzhen, ont interdit cet été l’expansion des flottes de vélos disponibles, qui excèdent déjà largement les capacités de gestion et de stockage des villes. A Shanghai, selon les statistiques officielles, on trouve aujourd’hui un vélo en libre partage pour seize habitants (contre un pour 154 habitants à Paris). Au-delà de ces problématiques d’usage de l’espace urbain, les gestionnaires de flottes de vélos en libre partage font face à un grand nombre de vols et de dégradation de leurs cycles. Wukong, un nouvel entrant sur le marché tentant de concurrencer Ofo et Mobike dans la ville de Chongqing, en a récemment fait les frais : l’entreprise a fait faillite après s’être fait voler 90% de sa flotte, qu’il n’avait pas dotée de trackers GPS.
Malgré ces sérieux obstacles, Mobike et Ofo passent à la vitesse supérieure et planifient déjà une expansion ambitieuse sur un certain nombre de marchés étrangers, seulement deux ans après leur lancement sur le marché chinois. Depuis la fin de l’été 2017, les vélos jaunes d’Ofo circulent dans les rues de Singapour, Bangkok, Malacca et d’Astana (Kazakhstan). Mobike suit la même démarche et est aujourd’hui présent en Malaisie, à Singapour, au Japon et en Thaïlande. Les deux concurrents lancent en parallèle des projets pilotes en Europe et aux Etats-Unis, dans les villes de Cambridge, Manchester, Milan, Seattle et Washington, entre autres, afin d’adapter leurs offres à ces marchés. D’après Chris Martin, directeur de l’expansion internationale de Mobike : « Manchester est un tremplin pour pénétrer le marché européen ». A quand les vélos jaunes et oranges dans les rues de Paris ?