Le 3 Avril dernier, le premier train IZY quittait la gare de Bruxelles midi en direction de Paris Nord. Thalys venait alors de lancer la première offre internationale de transport ferroviaire low-cost. Quelques jours après ce lancement, Transport Shaker s’est rendu à Bruxelles pour en savoir plus. Rencontre avec deux membres de l’équipe projet IZY : Frédéric Miel et Hugo Trentesaux.
En 2013, la SNCF a lancé OUIGO, une offre de TGV à bas cout sur le territoire français. L’offre IZY que lance aujourd’hui Thalys peut-elle être comparée à OUIGO ?
Frédéric Miel : Effectivement, dans la mesure où IZY s’inscrit bien dans la famille des offres low-cost ferroviaires, la comparaison avec OUIGO est possible. Néanmoins, IZY est une offre différente à plusieurs égards : il s’agit tout d’abord d’une desserte internationale. Ensuite, la grande distinction concerne le modèle : lorsque OUIGO propose un parcours grande vitesse entre des gares « secondaires », IZY reste sur une desserte Paris Nord – Bruxelles Midi mais avec un temps de trajet et un parcours différents. Ces éléments justifient la baisse des coûts opérationnels (ndlr : économie du coût de sillon), et l’allongement du temps de trajet répond à une demande différente des clients actuels de Thalys.
Hugo Trentesaux : De plus, nos rames, comme OUIGO, ne comportent pas de voiture bar, et ont été intégralement réaménagées aux couleurs de la nouvelle marque.
Parlons un instant de la cible de l’offre IZY : de par une forte communication sur internet et un parcours de vente exclusivement en ligne, vous vous adressez principalement à une clientèle « loisirs » ?
HT : Notre objectif est bien de capter de nouveaux clients et de ne pas cannibaliser les clients qui aujourd’hui sont déjà fidèles aux trains Thalys et qui peuvent s’offrir la grande vitesse entre Paris et Bruxelles. Nous souhaitons aller chercher de nouveaux clients, ceux qui aujourd’hui voyagent en bus, en co-voiturage ou avec leur propre véhicule. L’alternative ferroviaire introduite par IZY devient plus intéressante en termes de temps de parcours tout en restant compétitive en termes de prix : les offres de la concurrence tournent autour de 20 euros, tout comme le prix d’appel IZY (19 euros).
FM : Au-delà de cet aspect « concurrence de modalité », nous constatons que beaucoup de gens renoncent à voyager parce qu’ils n’ont même pas conscience d’avoir cette facilité de parcours entre Paris et Bruxelles : les prix d’appels ultra-compétitifs que nous pratiquons vont réveiller un marché qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui. Dans le contexte économique actuel, il y a forcément une attente autour du petit prix.
Pensez-vous que l’expérience « 100% digitale » (réservation, service après-vente, etc.) proposée par IZY vous permette d’atteindre cette cible ?
HT : IZY constitue effectivement une expérience digitale au moment de l’achat, mais également dans la relation avec le service clientèle via Twitter, les formulaires de contact, la foire aux questions (FAQ), etc. Notre objectif est donc bien de faire en sorte que le client trouve tout le contenu en ligne. Il n’y a pratiquement pas de personnel en gare (point d’information traditionnel). En plus du fil Twitter, notre page Facebook sera le relais de la marque sur les réseaux sociaux : c’est une façon pour nous de nous adresser à nos clients qui sont des clients plus connectés. D’ailleurs depuis sa création, la page Facebook enregistre de plus en plus d’activité (visites, likes, partages de posts).
FM : Le côté social network, c’est le côté direct : il y a sans arrêt cette interconnexion entre le client et le transporteur. Nous pouvons nous adresser à lui pour lui fournir son billet, de l’information voyageur, et en retour le voyageur peut nous contacter directement en cas de question : cela se passe en pleine complémentarité entre le support direct des outils digitaux (site internet et application mobile) et les réseaux sociaux. On l’a vu au moment du lancement, à l’occasion d’un concours Facebook pour faire gagner des billets aux premiers clients, le retour a été instantané et nos photos ont été publiées pendant le voyage.
De plus, pour le transporteur, notre modèle signifie que nous pouvons recontacter 100% de nos clients (difficulté que connaissent bon nombre de transporteurs, tant côté ferroviaire qu’aérien).
Pour construire le parcours client, êtes-vous repartis des actifs Thalys (site web et application mobile) ?
FM : En nous basant sur le produit IZY et sa cible, nous avons choisi de ne pas repartir des sites et applications Thalys. En effet, IZY est un « petit produit » à l’échelle de Thalys (2 trains par jour) mais concerne surtout de nouveaux clients ayant des attentes plus simples : il faut que ce soit facile, direct et que ça réponde à des clients 100% digitalisés. Les attentes concernent surtout la simplicité et la clarté : il n’y a pas beaucoup de tarifs différents, les fréquences et horaires de nos services sont très accessibles. Il faut que le parcours client soit le plus instantané possible avec peu de clicks. Ce sont ces éléments qui ont basé notre cahier des charges pour construire le site et le support mobile. Dans cette logique, le site web IZY a directement été conçu comme responsive (consultable sur n’importe quel outil mobile, ndlr.), sans version intermédiaire.
Comment se passe l’embarquement en gare ?
FM : IZY suit la tendance des nouveaux modes d’embarquement ferroviaire avec un contrôle avant l’accès au train. Il s’agit d’un accueil à quai avec un embarquement qui se veut rapide et qui doit prendre en compte toutes les contraintes liées au produit low-cost, et notamment les bagages (un bagage par passager, facturation des bagages supplémentaires). Ce dispositif nécessite un contrôle et un scan avant départ, et éventuellement des régularisations.
Le lancement opérationnel (premières circulations) a eu lieu le 3 Avril dernier. Quel a été votre sentiment ?
FM : Nous avons ressenti une grande fierté ! Les opérations se sont toutes parfaitement déroulées, avec 100% de ponctualité sur l’ensemble des services. Tous le personnel était présent et motivé, arborant fièrement les couleurs du nouveau produit. Un lancement inaugural avait été organisé avec la présence de quelques journalistes et personnalités institutionnelles. Et les clients étaient au rendez-vous ! En voyageant nous-mêmes avec eux, nous avons pu apprécier leur satisfaction du service à bord !
HT : Au-delà de la fierté, il s’agissait aussi d’une grande émotion : nous travaillons depuis bientôt deux ans sur ce projet.
Quels ont été les premiers retours de vos clients ?
HT : Nous avons eu la chance de voir le lancement des ventes relayé massivement dans la presse et sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes ainsi rapidement rendu compte qu’il y avait une vraie attente des clients envers ce type de produit entre Paris et Bruxelles, et qu’IZY excitait la curiosité de bon nombre de voyageurs. Nous avons pu retrouver ce sentiment dans les retours de nos premiers clients : beaucoup d’enthousiasme notamment sur Facebook concernant le fait d’avoir une alternative à Thalys pour une autre clientèle. Notre cible s’y est donc retrouvée, et de ce point de vue-là c’est très positif. De plus, les clients ont été réactifs suite à notre concours Facebook : à l’invitation de venir vêtus de vert et de violet pour gagner des vouchers, les retours ont été immédiats et les voyageurs ont joué le jeu.
FM : Et, d’ailleurs, nos premiers clients nous ont réclamé comme preuve de leur satisfaction d’être présents sur les photos postées sur la page officielle d’IZY. Les gagnants du concours ont donc fait leur apparition sur Facebook, une communauté se crée. Il y a déjà un esprit de famille autour du produit IZY qui s’est constitué dès le premier jour : c’est encourageant ! Cela montre que nous sommes vraiment dans le bon esprit de cette digitalisation.
Et maintenant que le service est lancé, quelles sont les prochaines étapes pour IZY ?
FM : il va désormais falloir animer cette communauté. Les premiers enjeux sont basiques : être réactif sur les questions que se posent les clients sur le produit, l’accès, l’embarquement, etc. Pour que le client ait cette sensation de suivi de bout en bout, il faut que l’on soit proactif sur les horaires et les éventuelles modifications. Il faut aussi animer en faisant part des bonnes nouvelles, des opérations promotionnelles ou media, en relayant les passagers qui se photographient dans IZY, qui ont envie de partager leur expérience et de montrer qu’ils font partie de cette famille !